[Article publié le lundi 14 août 2023 à 12h26 et mis à jour à 18h02] Le rouble poursuivait lundi matin sa chute, entamée depuis quelques semaines, s'échangeant à plus de 100 roubles pour 1 dollar et 110 roubles pour 1 euro, une première depuis mars 2022, lorsque la devise russe s'était effondrée dans le sillage de l'invasion militaire de l'Ukraine. La devise avait alors grimpé jusqu'à plus de 126 roubles pour un dollar. Depuis le début de l'année, le rouble s'est déprécié de 30% et sur un an de presque 67% face au billet vert.
Preuve d'une certaine fébrilité, la Banque centrale russe a annoncé ce lundi une réunion surprise mardi 15 août sur le taux directeur. « Le mardi 15 août 2023, une réunion du Conseil d'administration de la Banque de Russie se tiendra pour examiner la question du niveau des taux directeurs », a indiqué la BCR dans un communiqué. Une annonce sera faite dans la foulée, à 10h30 heures locales (07h30 GMT), a-t-elle précisé. Le communiqué de la BCR a quelque peu rassuré les marchés, le rouble rebondissant en fin de journée.
A la Bourse de Moscou, en fin d'après-midi, il fallait ainsi débourser 98 roubles pour obtenir un dollar et 107 roubles pour un euro, après que les taux des 100 et 110 ont été dépassés respectivement dans la matinée.
La politique monétaire critiquée
Pour justifier cet affaiblissement de la monnaie russe, le Kremlin a jusqu'ici désigné la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale russe. « Il est dans l'intérêt de l'économie russe d'avoir un rouble fort », a affirmé à l'agence de presse TASS Maxime Orechkine, conseiller économique de Vladimir Poutine, considérant que « le taux de change actuel s'est considérablement écarté des niveaux fondamentaux et sa normalisation est attendue dans un avenir proche », sans préciser comment cette normalisation allait advenir.
La semaine dernière, l'institution monétaire, qui a augmenté ses taux directeurs en juillet pour les porter à 8,5%, a décidé d'arrêter les achats de devises étrangères jusqu'à la fin de l'année. Objectif affiché, stabiliser la monnaie et réduire la volatilité. Pour l'instant, ces mesures n'ont pas eu l'effet escompté pour enrayer le mouvement de dépréciation.
« Le rouble est en baisse régulière, une tendance qui s'explique vraisemblablement par une diminution des recettes énergétiques et par une fuite des capitaux. Le rouble se déprécie régulièrement depuis plus d'un an, une tendance qui s'est accélérée depuis le coup d'Etat avorté de Wagner, probablement du fait d'une accélération des sorties (pourtant contrôlées) de capitaux. La baisse des recettes énergétiques explique également cette tendance qui, si elle se poursuivait pourrait stimuler l'inflation en Russie », relevait déjà à la mi-juillet Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Asterès, dans une note d'analyse sur la devise russe.
Les conséquences du plafonnement du prix du baril russe
La baisse des prix du baril de pétrole et du gaz naturel conjuguée aux effets de l'embargo européen et du plafonnement du prix du baril de brut russe à 60 dollars sur le marché international a entraîné une réduction des recettes générées par les hydrocarbures. Or, elles représentent la principale source de revenus pour le budget public.
Selon le rapport mensuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) publié la semaine dernière, au mois de juillet les ventes de pétrole brut et de ses produits raffinés ont rapporté à la Russie 15,3 milliards de dollars, c'est 2,5 milliards de dollars de plus qu'en juin, mais 4,1 milliards de moins qu'en juillet 2022. Et la moyenne des revenus mensuels cette année devrait être largement largement inférieure à celle atteint en 2022, à 19,6 milliards de dollars, voire à celle de 2021, qui s'élevait à 15,7 milliards, aucun mois de 2023 n'ayant dépassé pour le moment cet étiage.
L'excédent da la balance courante a fondu
La Banque de Russie a également attribué la forte baisse du rouble cette année à la diminution de la balance commerciale de la Russie, l'excédent de la balance courante ayant fondu de 85% en glissement annuel entre janvier et juillet.
C'est aussi la raison pour laquelle Moscou s'associe à l'Arabie saoudite dans sa décision de réduire leurs productions respectives pour faire remonter les prix du baril.
L'affaiblissement continu du rouble fait craindre à de nombreux Russes une baisse de leur niveau de vie, d'autant que l'inflation repart à la hausse depuis avril dernier. Elle s'affichait officiellement à 4,4% sur un an en juillet contre 3,4% en juin. L'économie du pays subit également les restrictions liées aux sanctions occidentales ainsi que le coût financier croissant du conflit ukrainien qui se poursuit.
(avec agences)