Ukraine : Poutine ordonne à ses troupes d'entrer dans le Donbass; Kiev attend de ses alliés un soutien "clair" et "efficace"

Par latribune.fr  |   |  1053  mots
Vladimir Poutine (Crédits : SPUTNIK)
Le président russe Vladimir Poutine a choisi de défier les Occidentaux en ordonnant à ses troupes d'entrer dans les territoires séparatistes de l'Est de l'Ukraine, provoquant dans la nuit de lundi à mardi une réunion d'urgence du conseil de sécurité pour tenter d'éviter une guerre avec Kiev. "Les prochaines heures et jours seront critiques. Le risque de conflit majeur est réel et doit être évité à tout prix", a déclaré au début de la réunion la secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo. Kiev ne cèdera pas "une parcelle" de son pays a indiqué le président ukrainien qui a déclaré attendre des alliés occidentaux un soutien "clair" et "efficace".

C'est l'escalade. La reconnaissance lundi soir par Vladimir Poutine de l'indépendance des territoires séparatistes de l'Est de l'Ukraine constitue une quasi déclaration de guerre met en lambeaux le processus de paix issu des accords de Minsk de 2015, signé par la Russie et l'Ukraine, sous médiation franco-allemande, laquelle visait justement un retour sous souveraineté ukrainienne de ces zones. Bien que régulièrement violés, ces accords avaient permis de stopper les affrontements les plus violents de ce conflit ayant fait plus de 14.000 morts depuis son déclenchement en 2014, après l'annexion de la Crimée par Moscou.

"Fonctions de maintien de la paix"

Outre la reconnaissance les "républiques populaires" de Donetsk et Lougansk les décrets du président russe, signés après une allocution télévisée, demandent aussi au ministère de la Défense que "les forces armées de la Russie (y assument) les fonctions de maintien de la paix", sans que l'ampleur de ce déploiement militaire et son calendrier ne soient précisés. Vladimir Poutine a intimé à l'Ukraine de cesser immédiatement "ses opérations militaires" contre les séparatistes, au risque d'assumer "la responsabilité de la poursuite de l'effusion de sang". Dans sa longue allocution télévisée, le président russe a réitéré ses accusations infondées de "génocide" des Russes et russophones d'Ukraine, et présenté l'Ukraine comme un pays artificiel et indissociable de la Russie. Les tensions, qui n'ont cessé de croître ces derniers mois, se sont encore aggravées depuis trois jours avec la recrudescence des heurts dans l'est de l'Ukraine entre forces de Kiev et les séparatistes. Les observateurs de l'OSCE ont enregistré en 48 heures plus de 3.200 nouvelles violations de la trêve censée être en vigueur. Moscou a assuré lundi qu'au moins 61.000 personnes avaient été "évacuées" des zones séparatistes vers la Russie. Mardi, le Parlement russe doit entériner la décision du chef du Kremlin de déployer une force de "maintien de la paix" dans les deux régions ukrainiennes prorusses.

"Il est important de voir qui est notre vrai ami" (Zelensky)

Des décisions russes considérées par l'Ukraine comme une de « violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de notre État", selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une adresse à la Nation, assurant que Kiev ne cèderait pas "une parcelle" du pays et n'avait peur "de rien ni personne", alors que la Russie a positionné quelque 150.000 soldats aux frontières de l'Ukraine selon l'Occident. Le président ukrainien a déclaré attendre des alliés occidentaux un soutien "clair" et "efficace" à son pays face à la Russie. "Il est très important de voir maintenant qui est notre vrai ami", a-t-il ajouté.

Sanctions

Les Etats-Unis, l'Union européenne, comme l'Otan et Londres, ont dénoncé la décision du président russe et évoqué des sanctions. Le président Joe Biden a réaffirmé à son homologue ukrainien "l'engagement des Etats-Unis" au respect de "l'intégrité territoriale de l'Ukraine". Lundi, il a publié un décret qui interdit tout nouvel investissement, échange ou financement par des personnes américaines à destination, en provenance ou dans les régions prorusses de Donetsk et Lougansk. Et la Maison Blanche a annoncé de "nouvelles sanctions" pour mardi. La présidence française a annoncé des sanctions prochaines de l'UE visant des entités et des individus russes. Et le Premier ministre britannique Boris Johnson veut décider mardi d'un "important paquet de sanctions". Des sanctions qui seront plus lourdes si la Russie envahit l'Ukraine.

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Prendre Kiev par la force ?

Pour Linda Thomas-Greenfield, l'ambassadrice américaine à l'Onu, l'envoi par la Russie de ce qu'elle décrit comme des soldats de maintien de la paix dans l'Est ukrainien est un "non-sens" et la reconnaissance par Moscou de l'indépendance de deux régions séparatistes s'inscrit dans une volonté de trouver un prétexte pour mener une offensive. S'exprimant lors d'une réunion en urgence du Conseil de sécurité sur la crise ukrainienne, Linda Thomas-Greenfield a dit que les conséquences des actions de la Russie seront "désastreuses" à travers l'Ukraine, à travers l'Europe et à travers le monde.

Pour les Etats-Unis, Moscou pourrait lancer une opération de conquête pour prendre Kiev par la force.

"Nous avons dit clairement que nous ne pensons pas qu'il va s'arrêter à cela", a poursuivi la diplomate de haut rang.

Conseil de sécurité de l'ONU

"Nous restons ouverts à une solution diplomatique, toutefois permettre un nouveau bain de sang dans le Donbass est une chose que nous n'entendons pas faire", a déclaré l'ambassadeur russe à l'Onu, Vassily Nebenzia. S'exprimant lui aussi devant le Conseil de sécurité, l'ambassadeur chinois à l'Onu a appelé "toutes les parties prenantes à faire preuve de retenue et à éviter toute action qui pourrait alimenter les tensions". Zhang Jun a ajouté que la Chine soutenait tous les efforts destinés à trouver une issue diplomatique à la crise. La réunion d'urgence du Conseil de sécurité avait été réclamée par l'Ukraine, une demande soutenue notamment par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

Il s'agissait de la troisième réunion du Conseil en autant de semaines à propos de la crise ukrainienne.

Rosemary DiCarlo, cheffe des affaires politiques de l'Onu, a dit devant le Conseil de sécurité que l'Onu regrettait la décision de Moscou de déployer des soldats dans l'est de l'Ukraine pour une mission présumée de maintien de la paix.

"Les prochaines heures et jours seront critiques. Le risque de conflit majeur est réel et doit être évité à tout prix", a déclaré au début de la réunion la secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo.

Signe de la nouvelle montée des tensions, les diplomates américains encore en Ukraine ont été déplacés en Pologne pour des "raisons de sécurité", a annoncé le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.

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