TotalEnergies accusé d'avoir servi du carburant aux avions de guerre russes en Ukraine

Par latribune.fr  |   |  574  mots
Quelque 40.000 tonnes de carburéacteur (kérosène) auraient ainsi été expédiées d'Omsk aux bases de chasseurs-bombardiers Sukhoi à Morozovsk et Voronezh, du 13 février et jusqu'en juillet. (Crédits : Darrin Zammit Lupi)
Terneftegaz, une entreprise codétenue par le groupe français TotalEnergies et le russe Novatek, aurait servi du carburant aux avions de combat russes en Ukraine, selon une enquête du Monde et de l'ONG Global Witness. De son côté, l'entreprise « réfute catégoriquement l'ensemble des allégations infondées » de cet article.

Le gaz sibérien produit par une coentreprise de TotalEnergies aurait permis de fabriquer du carburant destiné à alimenter des avions de guerre russes engagés dans le conflit en Ukraine, accuse, ce mercredi, le journal Le Monde, qui se base sur plusieurs documents et une enquête de l'ONG Global Witness. Selon eux, le champ gazier russe de Termokarstovoïe exploité par l'entreprise Terneftegaz, codétenue par le groupe français à 49% avec le russe Novatek (51%), a fourni du condensat de gaz à une raffinerie proche d'Omsk en Russie. Celle-ci en a fait du carburant, lequel a ensuite été expédié pour alimenter les avions russes au moins jusqu'en juillet.

Ces conclusions se basent, notamment, sur des données de la base Refinitiv, détenue par la Bourse de Londres, qui permettent de retracer la chaîne d'approvisionnement, appuyées par des images satellite. Les expéditions de Terneftegaz auraient ainsi représenté plus de 8% de la matière première réceptionnée à Omsk en Russie depuis l'invasion de l'Ukraine.

L'ONG a ensuite recensé « des centaines d'expéditions de carburéacteur de la raffinerie d'Omsk vers des bases de l'armée de l'air russe près de l'Ukraine ». Quelque 40.000 tonnes de carburéacteur (kérosène) ont ainsi été expédiées d'Omsk aux bases de chasseurs-bombardiers Sukhoi à Morozovsk et Voronezh, du 13 février et jusqu'en juillet, selon cette analyse des données de Refinitiv. Aucune des deux bases n'avait reçu de carburant de la raffinerie depuis 2017, ajoute Global Witness.

TotalEnergies dément

« Non, TotalEnergies ne produit pas de kérosène pour l'armée russe. Non, TotalEnergies n'est aucunement associée à la fourniture de carburant à l'aviation militaire russe sous quelque forme que ce soit », a réagi, ce mercredi le groupe dans un communiqué, réfutant « catégoriquement l'ensemble des allégations infondées qui sont faites dans cet article ». L'entreprise explique au Monde que Novatek est l'opérateur des installations de la coentreprise et qu'elle n'en perçoit pas de dividende depuis février 2022. « TotalEnergies ne participe pas aux décisions de valorisation des condensats par Novatek », ajoute le groupe.

« Entreprise privée indépendante », Novatek est détenu à 19,4% par TotalEnergies, qui dit ne disposer « ni d'information sur les ventes qui sont faites de manière indépendante par Novatek sur le marché russe, ni de contrôle sur ses ventes ».

Interrogé sur sa capacité à contrôler la coentreprise Terneftegaz qu'il détient à 49% contre 51% pour Novatek, le groupe admet que « les seuils de majorité dépendent de la nature des décisions ». Mais les activités de la coentreprise « ne relèvent pas du Conseil d'administration, mais de la direction générale », explique encore le groupe.

Pour Louis Goddard, responsable des enquêtes data de Global Witness, TotalEnergies « affirme que sa production n'a aucun rapport avec les opérations militaires russes, mais cet argument ne tient plus. Total doit jouer franc jeu ». Après l'invasion russe de l'Ukraine, TotalEnergies a annoncé notamment qu'il n'investirait plus dans de nouveaux projets en Russie, mais il y maintient encore des activités, concentrées essentiellement autour du gaz liquéfié venu de Yamal LNG.

(Avec AFP)