Trump limoge la ministre de la Justice et le chef de la Police aux frontières

Par latribune.fr  |   |  953  mots
Jeff Sessions (ici, en mai dernier, au congrès de la National Rifle Association, le tout-puissant lobby américain des armes à feu) s'est présenté comme un défenseur acharné de la loi et de l'ordre, promettant de combattre l'immigration illégale, la violence par les armes (sic) et "le fléau du terrorisme islamique radical", et approuvant le maintien en vigueur de la prison de Guantanamo, ainsi que l'éventuelle interdiction d'entrer aux Etats-Unis pour les musulmans.
Les révocations et nominations s'enchaînent : après le limogeage de Sally Yates, procureur général par intérim en attendant l'arrivée de Jeff Sessions à la tête du département de la Justice, c'est au tour du chef de la Police aux frontières, Mark Morgan, vu comme un modéré, d'être débarqué sans ménagement.

[ Article publié le mardi 31 janvier 2017 à mis à jour le 01.02;2017 à 9h18 ]

"La procureure générale par intérim, Sally Yates, a trahi le ministère de la Justice en refusant d'appliquer un ordre légal destiné à protéger les citoyens des Etats-Unis."

Telle est la déclaration de la Maison Blanche pour justifier le licenciement de la ministre par intérim de la Justice des Etats-Unis. Sally Yates avait été désignée par Barack Obama pour assurer cette fonction en attendant la validation par le Sénat du candidat choisi par Donald Trump pour le poste de ministre de la Justice, Jeff Sessions, un fidèle d'entre les fidèles.

Mardi, Metro Montréal rapporte que, lors de sa confirmation devant le Sénat, Jeff Sessions s'est présenté comme un défenseur acharné de la loi et de l'ordre, promettant de combattre l'immigration illégale, la violence par les armes et "le fléau du terrorisme islamique radical", et approuvant le maintien en vigueur de la prison de Guantanamo, ainsi que l'éventuelle interdiction d'entrer aux Etats-Unis pour les musulmans.

"Rechercher la justice et défendre ce qui est juste"

Dans un geste rare, la procureure générale (Attorney general) Sally Yates avait annoncé lundi 30 janvier qu'elle refusait de défendre et d'appliquer le décret sur l'immigration signé vendredi -avec effet immédiat- par le président Trump. Elle a expliqué publiquement sa position dans une lettre adressée aux magistrats du département de la Justice. Elle y exprime ses doutes sur le fait que l'application de l'ordre présidentiel soit "en ligne avec l'obligation solennelle de l'institution de toujours rechercher la justice et défendre ce qui est juste".

La Maison Blanche, qui voit sans doute dans cette rébellion un coup de l'ancien président, n'a pu s'empêcher d'ajouter :

"Ms. Yates est une personne nommée par l'administration Obama qui est faible sur les frontières et très faible sur l'immigration illégale."

Justice, Police aux frontières : Trump met en place sa nouvelle équipe

Le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, a annoncé sur Twitter qu'elle serait remplacée, le temps de l'intérim (en attendant la confirmation de Jeff Sessions), par Dana Boente, procureur du district est de la Virginie. Boente, qui compte quelque 33 années passées au département  de la Justice (DoJ), s'est fait une réputation dans plusieurs affaires de corruption de personnalités politiques de premier plan. Dans une interview au Washington Post, il a déclaré qu'il mettrait en oeuvre le décret sur l'immigration.

Lundi 31 janvier, deux nouvelles figures clés de la politique migratoire ont en outre été annoncées par la Maison Blanche. Elaine Duke, qui a officié sous l'administration Bush et Obama, va être nommé vice-secrétaire à la Sécurité intérieure, au côté de John Kelly, tandis que Thomas D. Homan dirigera l'agence de l'U.S. Immigration and Customs Enforcement (Douanes et Immigration), remplaçant son directeur intérimaire actuel.

Mardi 1er février, annonce la Maison blanche, Donald Trump nommera au poste de vice-ministre de la Justice le procureur Rod Rosenstein.

Le ménage touche inévitablement le très sensible service de la police aux frontières: l'actuel dirigeant de la Border Patrol des Etats-Unis, Mark Morgan, embauché par en juin pour réformer le service après plusieurs affaires de corruption internes et d'emploi excessif de la force, et vu comme un réformateur par la nouvelle administration, a été prié de démissionner, de manière brutale, selon le Los Angeles Times. Ce mardi, il est remplacé par Ronald Vitiello, selon une note du directeur du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis.

Sur le terrorisme, l'incohérence du décret anti-immigration

Pour rappel, le décret, signé vendredi, interdit pendant 90 jours l'accès du territoire américain aux ressortissants en provenance d'Iran, d'Irak, de Libye, de Somalie, de Syrie, du Soudan et du Yémen, pendant 120 jours l'accueil de tout réfugié aux Etats-Unis, et suspend sine die l'accueil de tous les réfugiés syriens.

Dans un communiqué publié dimanche 29 janvier, alors que le chaos règne dans les aéroports, la Maison Blanche insiste sur le fait que l'action du président n'est pas dirigée contre les musulmans mais contre le terrorisme:

"Que les choses soient bien claires, ceci n'est pas un décret contre les musulmans, contrairement aux allégations mensongères des médias. Ce n'est pas en rapport avec la religion - il s'agit de terrorisme et de mettre notre pays à l'abri."

Cependant, lesdits médias, tels le New York Times, ont noté une incohérence fondamentale. Arabie saoudite, Liban, Egypte, Emirats arabes unis... aucun des pays dont sont issus les ressortissants kamikazes responsables des attentats terroristes du 11 septembre 2001 n'est concerné par le décret Trump. Le Pakistan et l'Afghanistan ne sont pas plus dans cette liste, alors que la nébuleuse Al Qaeda y est particulièrement active. Le NYT pointe le fait que cette liste oublie tout simplement des pays avec lesquels Trump est en affaires.

     >Lire : Trump bloque les frontières avec effet immédiat

Rares précédents

Les refus d'obtempérer du département de la Justice sont rares dans l'histoire des Etats-Unis. L'exemple le plus fameux reste le refus d'Elliot Richardson en 1973 face à la demande du président Richard Nixon de limoger le procureur spécial chargé de l'enquête du "Watergate", le scandale politique le plus retentissant de toute l'histoire des Etats-Unis. Pour l'instant.

(Avec Reuters)

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    >Lire la lettre de Sally Yates adressée le 30 janvier au département de la Justice des Etats-Unis (.pdf)