Turquie : le pays vote, Erdogan en danger

Par latribune.fr  |   |  589  mots
Erdogan a admis que cette élection ne sera pas "une promenade de santé". Il n'a pas exclu cette semaine que l'AKP soit contrainte de former un gouvernement de coalition. (Crédits : UMIT BEKTAS)
Le pays doit se rendre aux urnes dimanche pour des élections législatives et présidentielles. Selon les sondages, Erdogan ne devrait pas être élu dès le premier tour.

Les bureaux de vote ont ouvert dimanche matin à 08h00 locales (05h00 GMT) en Turquie pour des élections législatives et présidentielle qui constituent le plus grand défi lancé à Recep Tayyip Erdogan depuis qu'il est arrivé au pouvoir voici une quinzaine d'années. Plus de 56 millions d'électeurs sont appelés aux urnes à travers l'ensemble du pays et les opérations de vote prendront fin à 17h00 locales (14h00 GMT). Ce scrutin est le premier au plan national depuis le référendum de 2017 par lesquels les Turcs ont, à une courte majorité, approuvé une révision de la Constitution qui renforce les pouvoirs du chef de l'Etat.

Les sondages prédisent qu'Erdogan ne devrait pas l'emporter dès ce premier tour de la présidentielle mais qu'il devrait être élu au second tour, qui se tiendra le 8 juillet. Sa formation islamo-conservatrice, l'AKP (Parti de la justice et du développement) pourrait perdre la majorité absolue au parlement, ce qui augurerait de tensions entre le pouvoir législatif et l'exécutif. Si le parti pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples) dépasse le seuil des 10% nécessaire pour disposer d'élus au parlement, il sera d'autant plus difficile à l'AKP d'être majoritaire.

Le défi d'un "apprenti"

En provoquant des élections anticipées avec plus d'un an d'avance sur la date prévue, novembre 2019, Recep Tayyip Erdogan a paru dans un premier temps déstabiliser ses adversaires. Mais ces derniers ont réussi à créer un élan lorsque Muharrem Ince a été désigné en mai candidat du Parti républicain du peuple (CHP, laïque). Tenant samedi son dernier meeting de campagne à Istanbul, devant plusieurs centaines de milliers de personnes, Muharrem Ince a promis d'en finir avec la dérive autoritaire du pouvoir. Il a ajouté que s'il était élu, il lèverait dans les 48 heures l'état d'urgence imposé après la tentative de putsch de juillet 2016.

Recep Tayyip Erdogan, âgé de 64 ans, dénonce le manque d'expérience de son adversaire, son cadet de 10 ans, qu'il qualifie d'"apprenti". Mais dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, on l'entend déclarer que cette élection ne sera pas "une promenade de santé". De même, il n'a pas exclu cette semaine que l'AKP soit contrainte de former un gouvernement de coalition.

L'enjeu de la démocratie

Parmi les autres candidats à la présidentielle figure Selahattin Demirtas, le leader emprisonné du HDP. Dans son dernier appel à voter, lancé au moyen d'un clip vidéo depuis la prison de haute sécurité où il est détenu pour des accusations touchant au terrorisme, il a estimé que "si le HDP ne peut pas siéger au parlement, c'est l'ensemble de la Turquie qui sera perdante. Soutenir le HDP, c'est soutenir la démocratie!"

Recep Tayyip Erdogan a imputé le putsch manqué à l'un de ses anciens alliés, le prédicateur musulman Fethullah Gülen, qui vit en exil aux Etats-Unis, et il s'en est pris de ce fait aux partisans du prédicateur. Selon les Nations unies, 160.000 personnes ont été incarcérées dans le cadre de la répression après l'échec du putsch et un nombre équivalent de personnes, parmi lesquelles des enseignants et universitaires, des magistrats et des militaires, ont été démises de leurs fonctions. Les détracteurs d'Erdogan, ainsi que l'Union européenne à laquelle la Turquie souhaite toujours adhérer, estiment que le président turc a profité de la répression post-putsch pour réprimer toute opposition.