"Une société offshore dans un paradis fiscal est inutile, sauf à tomber dans l'illégalité"

Par propos recueillis par Jean-Yves Paillé  |   |  616  mots
D'après l'avocat Christophe Moreau, les révélations des "Panama Papers" "devraient mettre un coup d'arrêt à un certain nombre de pratiques illégales".
Les obligations déclaratives des résidents fiscaux français sont telles que détenir une société offshore (non résidente) au Panama n'a aucun intérêt pour les entreprises et les individus. Sauf si ces derniers y ont recours pour s'évader fiscalement ou contourner une situation juridique particulière, estime Christophe Moreau, avocat spécialisé dans la gestion fiscale de groupes français et internationaux au sein du cabinet Chammas & Marcheteau. De quoi nourrir un peu plus les suspicions sur le dessein des personnalités mises en cause dans les Panama Papers...

Comment jugez-vous les pratiques fiscales dévoilées dans l'affaire des "Panama papers" ?

Ces pratiques sont à mille lieux de ce que nous pouvons faire dans le cadre de notre activité d'avocats fiscalistes pour le compte de nos clients. Certes, il n'est pas illégal de détenir une société offshore (non résidente) dans un pays comme le Panama, rien ne l'interdit en France. En revanche, les résidents fiscaux français ont de telles obligations déclaratives, qu'in fine, la détention d'une société offshore dans un paradis fiscal va se révéler inutile, sauf à tomber dans l'illégalité.

En effet, un résident fiscal français doit, sous réserve des conventions fiscales internationales, déclarer ses revenus de sources française et étrangère.

En matière d'Impôt sur la fortune (ISF), un résident fiscal est censé déclarer son patrimoine mondial, c'est-à-dire les actifs détenus en France et à l'étranger, y compris s'ils sont détenus par l'intermédiaire d'une société offshore. Le résident personne physique doit par ailleurs révéler la nature des avoirs qu'il détient par l'intermédiaire de cette structure à l'étranger. Il est donc illégal de ne pas déclarer à l'ISF des biens détenus à travers une société offshore panaméenne.

En outre, si l'activité de la société offshore présente à Panama est dirigée exclusivement depuis la France, cette dernière n'a aucune utilité fiscale car la totalité de ses résultats devra être soumise à l'impôt sur les sociétés en France.

Les sociétés françaises ou personnalités disposants de sociétés offshore au Panama sont donc dans l'illégalité ?

Comme nous l'avons vu sur un plan fiscal, détenir légalement une société offshore est sans véritable intérêt. Cela laisse penser que les entreprises ou individus utilisent ces dernières principalement dans un but de dissimulation. Cela peut être à des fins d'évasion fiscale, mais aussi pour contourner une situation juridique particulière (interdiction bancaire, par exemple). Il est en revanche tout à fait légitime d'avoir une société basée au Panama avec une vraie activité locale... Mais dans ce cas, on constitue en principe une société « onshore ».

Fiscalement, les sociétés offshore sont donc principalement utilisées dans l'espoir que l'Etat dans lequel se trouve la société ne répondra à aucune demande des Etats de la communauté internationale en matière d'échanges d'informations et d'assistance administrative.

Ces révélations vont-elles décourager ces pratiques d'évasion fiscale ?

A mon avis, ces nouvelles révélations devraient mettre un coup d'arrêt à un certain nombre de pratiques illégales. Par ailleurs, en raison du renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale depuis 2009 sous l'égide du G20, il ne reste plus beaucoup de pays aussi opaques que le Panama. Seuls Bahreïn, Nauru et Vanuatu n'ont, de même, conclu aucun accord en matière d'échanges de renseignements et d'assistance administrative avec les pays de l'OCDE.

En France, les pratiques ont commencé à évoluer sérieusement avec l'ouverture de la cellule de régularisation qui a conduit beaucoup de personnes à révéler leurs avoirs à l'étranger. Ces déclarations spontanées permettent aux contribuables concernés d'éviter toute inculpation pour fraude fiscale et de bénéficier de sanctions allégées.

Il faut noter que ces pratiques d'évasion ne doivent pas être confondues avec les opérations d'optimisation fiscale qui, elles, consistent à faire les meilleurs choix fiscaux possibles dans un strict respect de la légalité et d'une réalité économique.