"Aucun des candidats ne parle de l'apprentissage ! "

Par Fabien Piliu  |   |  565  mots
"Les candidats présentent des programmes pour l'industrie, l'agriculture, la défense mais rien sur l'apprentissage et l'alternance", déplore Bernard Stalter, le président de l'Assemblée permanente des chambres de Métiers et de l'Artisanat (APCMA)
Dans un entretien accordé à La Tribune, Bernard Stalter, le président de l'Assemblée permanente des chambres de Métiers et de l'Artisanat (APCMA), dénonce l'incohérence de la politique récente en faveur de l'apprentissage et la vacuité des candidats à l'élection présidentielle sur ce sujet. Il formule une série de propositions pour que l'apprentissage et l'alternance gagnent enfin leurs lettres de noblesse.

LA TRIBUNE : Ce mardi, vous vous déplacez à Rouen pour vanter les mérites et les vertus de l'apprentissage. Vous n'avez pas l'impression de faire le travail des candidats à l'élection présidentielle ?

Bernard Stalter : Si, et je le regrette. Les candidats présentent des programmes pour l'industrie, l'agriculture, la défense mais rien sur l'apprentissage et l'alternance. Personne n'en parle ! C'est plus qu'une faute de goût. C'est à se demander s'ils comprennent les vertus de l'apprentissage qui, à la différence de l'enseignement général, est la voie royale vers l'emploi, vers des métiers passionnants, épanouissants. Je vais insister sur ces deux points à Rouen. C'est la raison pour laquelle nous avons créé notre propre candidat :Camille Lartisan, un personnage virtuel dont je suis le porte-parole.

Les statistiques sont avec vous ?

Elles sont catégoriques. De fait, 85% des apprentis ont un emploi à la fin de leur formation. La moitié des chefs d'entreprises sortent de l'apprentissage. Quand on sait que 20% d'entre eux ont plus de 50 ans et que se posera bientôt le problème de leur succession, on se dit à l'APCMA et au sein des réseaux des chambres des métiers qu'il est urgent de prendre notre bâton de pèlerin.

Pourquoi cette urgence ?

Parce qu'il y a six millions de personnes qui sont actuellement inscrites à Pôle emploi. Parce que 140.000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme tous les ans en France alors que 1,2 million d'entreprises cherchent du personnel qualifié. Si la reprise se confirme, ces besoins seront encore plus importants ! Cette situation est inadmissible.

Quelles sont les propositions que formulent Camille Lartisan ?

Selon nos estimations, basses, je tiens à le préciser, 250.000 entreprises artisanales sont actuellement susceptibles de recruter un apprenti ! Pour que ces entreprises embauchent, Camille Lartisan propose notamment de simplifier et de stabiliser les multiples dispositifs d'aide au recrutement, de faciliter l'embauche de l'apprenti quel que soit son âge, de développer des partenariats avec les conseils régionaux pour étendre les dispositifs des développeurs de l'apprentissage et de reconnaître le rôle formateur des chefs d'entreprise artisanale.

En 2014, François Hollande, le président de la République fixait l'objectif de former 70.000 apprentis supplémentaires, soit au total 500.000 apprentis d'ici 2017. Était-ce un objectif cohérent ?

On ne fixe pas des objectifs quantitatifs avec des ressources humaines. Il aurait mieux valu que le gouvernement tente de casser les lignes entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel, augmente les moyens des Centre de formations d'apprentis (CFA), informe davantage les citoyens, c'est-à-dire les jeunes et leurs parents, pour les convaincre que l'apprentissage est une voie royale vers l'emploi.

Il aurait également mieux valu que le chef de l'Etat ait le souci de la cohérence. Plutôt que de mettre en place des contrats d'avenir pour les personnes sans formation, il aurait été plus judicieux, me semble-t-il, de renforcer les moyens des structures d'apprentissage permettant de les former.

Par ailleurs, il n'y a rien de cohérent à faire des déclarations fortes en faveur de l'apprentissage avant de supprimer presque dans la foulée les indemnités compensatrices des entreprises qui recrutent des apprentis...

Vous êtes en colère ?

Je suis surtout motivé et tiens à rendre hommage aux réseaux des chambres de métiers qui, sur l'ensemble du territoire, se battent au quotidien pour que l'apprentissage obtienne les lettres de noblesse qu'il mérite.