L'Allemagne, un modèle pour relancer l'apprentissage en France ?

Manuel Valls reçoit ce 12 mai l'ensemble des partenaires sociaux et des présidents de régions pour relancer l'apprentissage. Dans ce contexte, l'Institut Montaigne a publié une note préconisant de s'inspirer du modèle allemand.
Seuls 5% des jeunes sont en apprentissage en France contre 16% en Allemagne.
Seuls 5% des jeunes sont en apprentissage en France contre 16% en Allemagne. (Crédits : © 2009 AFP)

Ce mardi 12 mai, Manuel Valls organise une « journée de mobilisation pour l'apprentissage et la formation » qui réunira les organisations syndicales et patronales, les présidents de Conseils régionaux et les ministres du Travail et de la Fonction publique, respectivement François Rebsamen et Marylise Lebranchu. L'objectif de cette réunion est de parvenir à « booster » l'apprentissage, alors que le gouvernement s'est engagé à porter d'ici 2017 de 300.000 à 500.000 le nombre des apprentis. Mais comment faire sachant que seulement 3,5% des entreprises françaises prennent des apprentis contre plus de 20% en Allemagne ? Chaque participant, bien entendu, y va de sa recette. L'Association des régions de France (ARF), très impliquée, a déjà présenté ses idées de réformes en faveur de l'apprentissage. Tout comme le Medef d'ailleurs.

La CGPME prône l'instauration d'un "crédit d'impôt apprentissage"

Mais d'autres organisations ont aussi fait entendre leur petite musique. Ainsi l'organisation patronale CGPME estime que:

« Tout doit être fait pour faciliter les démarches administratives lors de l'embauche et tout au long de la durée du contrat. Or, au fil du temps, les contraintes sont venues s'accumuler donnant parfois le sentiment à l'employeur prêt à embaucher un apprenti qu'il entame un parcours du combattant et si cet apprenti est mineur, les contrôles s'abattent.
De plus, la remise en cause de certaines incitations financières supprimées puis en partie rétablies ainsi que les nouvelles règles issues de la Loi du 05 mars 2014 imposant un système d'apprentissage de plus en plus administré ont entraîné une confusion et une absence de lisibilité qui, couplées à une baisse de l'activité économique, ont contribué à une chute du nombre des contrats d'apprentissage ».

Aussi, sur le terrain des aides aux entreprises en faveur de l'apprentissage, la CGPME arrive à la réunion autour du Premier ministre avec l'intention de demander « un système unique, stable et identique pour toutes les PME/PMI jusqu'à 250 salariés sous forme d'une " indemnité de formation" déductible représentant un socle minimal de 1.000 euros par par an et par apprenti ». Par ailleurs, l'organisation patronale avance l'idée d'un « crédit d'impôt apprentissage universel de 1.200 euros par an et par apprenti »


Du côté de la CFTC, on estime notamment que:

« La lutte contre les ruptures de contrat d'apprentissage doit également constituer une priorité. On compte actuellement 25 % de décrocheurs en cours de contrat, avec 10% dans la métallurgie, 23% dans le commerce et 37% dans l'hôtellerie-restauration. Il suffirait de réduire ce taux pour quasiment atteindre l'objectif de 500.000 jeunes en alternance en 2017 ».

L'Institut Montaigne lorgne vers le modèle allemand


Dans ce contexte, L'institut Montaigne vient de publier une étude intitulée « Apprentissage : un vaccin contre le chômage des jeunes », rédigée par Bertrand Martinot, économiste, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Cette étude tend à bâtir un « plan d'action » en faveur de l'apprentissage tiré « de la réussite allemande » en la matière.
Le constat, d'abord. Si 16% des 15-24 ans sont en apprentissage outre-Rhin, ils ne sont que 5% en France. L'auteur explique les origines de cette différence:


« Tandis que la France a opté dans les années 1970 pour le  collège unique, l'Allemagne a conservé pour cette tranche d'âge  un système d'enseignement général éclaté. Celui-ci se compose  schématiquement de trois types d'institutions scolaires : la Hauptschule (22 % des élèves, d'une durée de 3 ans, elle consiste en un enseignement général allégé combiné à un enseignement technologique) ; la Realschule (42 % des élèves, d'une durée de 4 ans, elle conduit le plus souvent à un enseignement  professionnel) ; le Gymnasium (36 % des élèves, il inclut les deux  cycles de l'enseignement secondaire, il conduit à l'université) ».

En outre, en Allemagne, il existe une liste de plus de 300 professions dont la formation initiale doit être obligatoirement assurée par l'apprentissage. De ce fait, ce dernier est totalement intégré au système d'enseignement initial, alors qu'en France il est plutôt perçu comme un mode de rattrapage après un échec scolaire.
D'ailleurs, en Allemagne, le niveau correspondant au bac professionnel français concentre 80% des apprentis qui entre en moyenne en apprentissage à 20 ans. A l'inverse, la France a concentré l'apprentissage sur les premiers niveaux de qualification et l'enseignement supérieur.

Système de pré-embauche

De même, dans un contexte démographique où la ressource humaine qualifiée est rare, toutes les entreprises allemandes recourent largement à l'apprentissage comme système de pré-embauche. En France, où la main d'œuvre est plus abondante, ce sont surtout les TPE qui font l'effort de l'apprentissage : 75% des apprentis se trouvent dans le secteur de l'artisanat.

Mais, surtout, souligne l'auteur, le dispositif allemand se caractérise par son incroyable stabilité : « Alors qu'en Allemagne, le système de l'apprentissage repose sur une remarquable stabilité des textes législatifs (loi fondatrice de 1969, révisée une seule fois, en 2005), en France, le cadre législatif est particulièrement instable ».
Quant à la gouvernance du système, il s'avère qu'elle est nettement plus claire en Allemagne. Elle est fondée sur une étroite relation entre le pouvoir fédéral, les Länder et les partenaires sociaux (ce sont notamment eux qui déterminent le contenu des enseignements techniques, alors qu'en France cette compétence est partagée). Le service public de l'emploi est aussi très impliqué, il a même développé une offre spécifique autour de l'apprentissage. Ce qui n'est pas le cas en France de Pôle emploi dont ce n'est pas la mission. Plus généralement, en France, les compétences sont nettement plus diluées et se chevauchent parfois entre ministères de l'Eduction nationale et du Travail, régions, mais aussi organisation patronales et syndicales...

Transférer toute la gestion de l'apprentissage aux régions


Aussi, pour remédier aux dysfonctionnements français, l'auteur se propose de s'inspirer du système allemand. Il avance in certain nombre de préconisations dans ce sens.
Il conviendrait ainsi de « transférer aux conseils régionaux la compétence sur le pilotage et le financement de l'ensemble des établissements relevant de la formation professionnelle initiale (apprentissage et enseignement scolaire professionnel). Les dotations de décentralisation seraient fonction des efforts consentis par chaque région et des résultats obtenus ».

L'animation nationale de l'apprentissage devrait aussi être de la responsabilité unique du ministère de l'Education nationale, via la création d'une « Agence nationale pour l'apprentissage et la formation professionnelle ».
Dans un autre domaine, Bartrand Martinot va s'attirer les foudres en mettant à mal le concept du collège unique. Selon lui, il faudrait

"développer une filière de pré-apprentissage au sein du collège. À partir d'un bilan de compétence approfondi, les jeunes collégiens se verraient proposer à partir de la quatrième la possibilité de suivre un enseignement général allégé, des cours de rattrapage personnalisés sur le socle de compétences de base, des enseignements professionnalisant (économie, vie de l'entreprise...) et des stages de découverte des métiers ».

Dans le même ordre d'idées, il propose de basculer l'enseignement secondaire professionnel vers l'apprentissage. Les lycées professionnels devenant progressivement des CFA.
Par ailleurs, outre l'idée de simplifier les « contraintes juridiques pesant sur les entreprises », l'auteur prône de « regrouper les aides à l'embauche d'apprentis au sein d'un « forfait apprentissage » unique prenant la forme d'un crédit d'impôt, avec un système de bonus-malus renforcé ». Une idée, on l'a vu, également défendue par la CGPME.
Il conseille aussi de « rapprocher les contrats d'apprentissage et les contrats de professionnalisation (grilles de rémunération, uniformisation des documents à remplir, etc.)"

Enfin, afin de solenniser l'engagement de toutes les parties prenantes, l'auteur préconise la signature d'un « pacte national pour l'apprentissage » comportant des objectifs chiffrés et des financements pour la durée d'un quinquennat. Sur le modèle de ce qui a été fait en Allemagne en 2004.

Commentaires 20
à écrit le 13/05/2015 à 0:11
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Bien sûr. Transférer toute la gestion aux régions. Comme l'UE va pousser les régions pour se substituer aux nations, on va pouvoir les financer (fonds dédiés UE) pour qu'en retour elles forment la main d’œuvre qualifiée dont va avoir besoin l'Allemag...

à écrit le 12/05/2015 à 16:04
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Pour les formations, nombre de gens sont orientés contre la volonté des parents. S’il n’y a pas de recours contre des abus administratifs, il n’y a plus de protection de l’individu. Si l’Etat peut exécuter ou espionner sans contrôle, il n’y a plus de...

à écrit le 12/05/2015 à 15:56
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L'Allemagne possède encore un tissu important de petites et moyennes entreprises comprenant entre 50 et 300 salariés sur la totalité de son territoire et de véritables zones industrielles autour des petites villes. En France nous avons dévalorisé les...

le 12/05/2015 à 18:16
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"suffit de regarder autour des villes Françaises hormis des centres commerciaux où des entreprises de stockage logistique il n'y a plus rien alors comment pouvons nous croire qu'il y a un besoin d'apprentis en France ..." Merci. il y a longtemps q...

le 12/05/2015 à 19:53
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Bonjour, Pour avoir bossé comme traducteur techinique dans beaucoup de boites allmamdes , il est vrais qu'ils ont un tissus industriel qui n'a rien à voir avec le notre. J'ai eu l'ocation de faire des traductions dans beoucoup de boites ne dépassant ...

à écrit le 12/05/2015 à 13:47
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Il n'y a pas que l'Allemagne qui a un modèle de l'apprentissage dont on peut s'inspirer. Il y a la Suisse, l'Autriche, etc.... Mais si Hollande n'avait pas annulé les mesures prises sous le quinquennat précédent on serait certainement beaucoup plus a...

à écrit le 12/05/2015 à 13:25
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Aligner le contrat de professionnalisation sur le contrat d'apprentissage oui. Le contraire, surtout pas !

à écrit le 12/05/2015 à 13:00
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L Allemagne est une puissance économique qui a besoin de jeunes apprentis. La France est notre premier partenaire politique et économique et les jeunes français sont les bien venus en Allemagne! La fin de l enseignement de l allemand par l abandon...

le 12/05/2015 à 19:43
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L'Allemagne est un pays en déclin. D'ici dix ans, la France sera la puissance dominante en Europe : http://www.lepoint.fr/economie/d-ici-dix-ans-la-france-sera-la-puissance-dominante-en-europe-11-10-2014-1871440_28.php

le 12/05/2015 à 21:06
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C est ce genre de réflexion qui frêne la France. On vit en 2015 mon cher patriote! Donc mettez vous a l heure.

à écrit le 12/05/2015 à 11:57
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Pour que l’apprentissage soit vraiment un succès il faut commencer par nos dirigeants. A voir la tribune 25/09/2014 Le succès de l'apprentissage en Suisse : quelles leçons pour la France ? « En Suisse, l'apprentissage est plébiscité, au point que ...

le 12/05/2015 à 15:05
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le patron de l'UBS ,premiere banque Suisse, a commence comme apprenti a 16 ans dans une agence. A la SG c'est un X-ENA passé par les ministeres. BNPP un X-mines

à écrit le 12/05/2015 à 11:55
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Bonjour, En 2000, la France était pionnière dans l'apprentissage et l'Allemagne se résolvait à copier sa méthode efficace et moderne. 15 ans plus tard la France est en perte de vitesse sur l'apprentissage et l'Allemagne est devenue le modèle du gen...

le 12/05/2015 à 14:17
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"La relance de l'apprentissage passera par des quotas d'emploi obligatoire pour les entreprise de 50 salariés et plus tout simplement" Et combien de pages supplémentaires au code du travail? vous allez renforcer encore les effets de seuil et disuad...

à écrit le 12/05/2015 à 11:52
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ce n'est pas qu'une impression. en France l'apprentissage c'est pour ceux qui ont raté dans la filière '' classique '' de l'école. Même les filières techniques sont mal perçues (mécanique / électrotechnique / etc.) avant que ça change va en falloir d...

le 12/05/2015 à 14:03
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Vous avez résumé: nous avons dévalorisé le travail manuel et on le paie.

le 12/05/2015 à 14:50
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Et cela ne date pas d'aujourd'hui.Jusque dans les années 70/80, c'était surtout le métier des parents qui déterminait l'avenir de l'enfant, pourquoi demandait on à l'enfant d'inscrire le métier des parents sur une fiche en début d'année , pour le pla...

le 12/05/2015 à 15:44
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Au collège, je n'ai pas ressenti ce que vous dites. Fille d'ouvriers, les profs m'ont poussé à prendre Allemand et latin afin de "booster mes compétences" (le sujet est d'actualité). J'ai poursuivi mes études sans aucune aide financière (je travailla...

le 12/05/2015 à 20:35
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@Nadia : Il est bien pour votre fils d'avoir choisi une filière qui lui convient et surtout lui plait. Surtout à la fin il aura un métier dans les mains. Mais la grande majorité, si vous n'arrivez pas à suivre un peu en troisième ou seconde, de suite...

à écrit le 12/05/2015 à 11:30
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surtout en France ne pas essayer ce qui marche. la solution est de passer aux 32h00, dixit la CGT.

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