Comment Montebourg a perdu la bataille des déçus du quinquennat

Par Mathias Thépot  |   |  901  mots
Éliminé dès le premier tour avec seulement 17,52 % de voix, Arnaud Montebourg a subi un échec cuisant lors de la primaire de la gauche.
Le programme d'Arnaud Montebourg, très axé sur la lutte contre les puissants pouvoirs économiques, a peu séduit les déçus du quinquennat Hollande, qui ont préféré les utopies modernes de Benoît Hamon.

Lors de la primaire de gauche, le candidat de la régulation, des luttes contre la mondialisation sauvage et les dérives du capitalisme moderne, c'était lui. Arnaud Montebourg a pourtant subi un cuisant échec ce dimanche, ne parvenant pas à convaincre un électorat massivement déçu par le quinquennat Hollande. Lors du premier tour des primaires citoyennes de la belle alliance populaire, Arnaud Montebourg n'a récolté « que » 17,52 % des voix, loin derrière Manuel Valls, deuxième avec 31,11 % des suffrages, et surtout Benoît Hamon (36,35 %), qui aura donc largement remporté la bataille des déçus du quinquennat. Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont en effet incarné l'opposition au sein du Parti socialiste vis-à-vis de la politique pro-business menée par François Hollande, en démissionnant avec fracas du gouvernement à la fin de l'été 2014. Visiblement, les électeurs de la gauche s'en sont souvenus : le score cumulé des deux candidats lors du premier tour de la primaire (près de 54 % des voix) met largement en minorité la ligne du quinquennat Hollande incarnée par Manuel Valls.

Montebourg n'a pas profité de la dynamique pour une alternative

Mais in fine, Arnaud Montebourg n'aura que peu profité de cette demande de changements de l'électorat de gauche. Lui qui avait pourtant fortement axé sa campagne sur la défense des plus faibles par rapport au puissants, des marqueurs historiques du socialisme. Ses intentions étaient claires : il voulait « une France forte qui doit être indépendante des intérêts des puissants », avait-il indiqué lors du deuxième débat télévisé. Il fustigeait « le mur des puissants » incarnés en France par de grands industriels, mais aussi « les banques, les grandes entreprises du numérique transnationales, les paradis fiscaux à l'intérieur de l'Europe etc. » Des thèmes qui ne sont pas sans rappeler ceux abordés par François Hollande à quelques mois de l'élection présidentielle de 2012. Pour rassembler à sa gauche, François Hollande avait en effet intégré de multiples marqueurs de gauche dans son discours du Bourget. Un leurre, car les principales promesses formulées ce 22 janvier 2012 n'ont pas été tenues, suscitant l'indignation des électeurs.

Plusieurs références aux promesses non tenues du Bourget

Conscient de cela, Arnaud Montebourg s'est érigé en candidat des promesses non tenues du Bourget. A plusieurs reprises, il a fait référence à ce fameux discours de François Hollande. Sur le thème de l'Europe, il a par exemple indiqué vouloir « mettre fin à l'austérité en formant un bloc avec les pays réformateurs ». Et de rappeler : « Quand il y a eu le discours du Bourget, il y a eu la promesse de nouvelles alliances », or « nous avons aujourd'hui la menace d'une nouvelle crise de la sidérurgie. Voici que Mittal annonce au gouvernement qu'il va fermer ses prochains haut-fourneaux si l'Europe ne met pas des barrières douanières », a-t-il regretté lors d'un débat télévisé sur un sujet qu'il connaît bien.

Toujours en réponse aux promesses non tenues du Bourget, Arnaud Montebourg proposait aussi de « reprendre la loi sur la séparation bancaire de 2013 » afin de mettre en œuvre la séparation des activités bancaires les plus spéculatives. Autres preuves qu'Arnaud Montebourg voulait vraiment faire de la finance son « adversaire » : il militait pour une taxe de 5 milliards d'euros sur les profits des banques, et brandissait la menace de nationaliser une banque en guise d'exemple.

Une forme de résignation d'une partie de l'électorat à gauche ?

Bref, le candidat « de la fiche de paie » souhaitait revenir sur ce qui avait été mal fait durant le quinquennat Hollande du point de vue des promesses formulées en 2012. Mais les électeurs de gauche n'ont pas voulu prendre le risque de rejouer la partition du discours du Bourget. Las des trahisons, peut-être résignés face à un monde économique tout puissant, les déçus du quinquennat ont préféré se réfugier vers Benoît Hamon qui, plutôt que de cibler les forces économiques, propose des alternatives sociales et écologiques au modèle existant. Moins préoccupé que Montebourg par la réalité actuelle des perdants de la mondialisation, il a davantage axé ses propositions sur les « utopies modernes » de gauche, c'est-à-dire la transition énergétique, le revenu universel, la légalisation du cannabis, la VIème république, la taxe sur les robots, l'économie sociale et solidaire etc. Des utopies qui séduisent beaucoup les catégories socioprofessionnelles favorisées qui représentaient 43 % de l'électorat de Benoît Hamon ce dimanche, selon un sondage Harris interactive, quand Arnaud Montebourg trouve sa plus grande source d'électeurs chez les personnes en situation précaire.

Mélenchon déjà sur la ligne de la lutte contre les puissants

Enfin, si Arnaud Montebourg a aussi peu séduit en matière d'économie, c'est aussi parce que le terrain de la défense des plus faibles face aux puissants est aujourd'hui largement occupé par Jean-Luc Mélenchon, crédité de 15 % dans les sondages, soit bien plus que n'importe quel futur candidat socialiste. Le candidat de la France Insoumise est aujourd'hui le principal tenant de la lutte contre le capitalisme sauvage. N'ayant jamais soutenu François Hollande, il a réussi à se démarquer des promesses non tenues par le président de la République. Ce qu'Arnaud Montebourg aura échoué à faire.