Pas de 1er mai syndical unitaire à cause de... la présidentielle

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  734  mots
L'appel explicite ou non à voter Emmanuel Macron divise le camp syndical qui, du coup, ne défilera pas de façon unitaire le 1er mai, à la différence d'en 2002. Si la CFDT et l'Unsa appellent clairement à voter Macron, ce n'est pas le cas de la CGT, FO ou de Solidaires qui veulent "faire barrage" au FN.
A la différence de 2002, les organisations syndicales ne manifesteront pas ensemble le 1er mai. Si la CFDT et l'Unsa appellent clairement à voter en faveur d'Emmanuel Macron, les autres syndicats préfèrent soit ne pas donner de consigne de vote (FO), soit appeler à faire barrage au FN (CGT et CFTC).

Qu'il est loin ce 1er mai 2002. Cette année-là, ce fameux 21 avril, l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle aux dépens du candidat socialiste Lionel Jospin avait créé un choc et un état de sidération. Le 1er mai, durant l'entre-deux tours, 1,5 million de personnes descend dans les rues de Paris pour dire « non » au Front national et l'ensemble des organisations syndicales défilent dans un même cortège unitaire.

Quinze plus tard, c'est un tout autre scénario. Marine Le Pen accède à son tour au second tour... Certes, l'émotion est palpable mais ce n'est pas la ruée dans la rue pour manifester une opposition au Front national... Et même les syndicats qui avaient, pour une fois, l'occasion d'afficher un front commun le 1er mai n'y sont pas parvenus, faute de pouvoir dégager un mot d'ordre unique et rassembleur...

Deux défilés distincts, faute d'un mot d'ordre commun

Alors, lundi 1er mai, il y aura deux rassemblements distincts. D'un côté, la CFDT et l'Unsa, ainsi que la Fage (syndicats étudiants). Et, de l'autre, la CGT, FO, FSU et Solidaires. Mais même entre ces quatre confédérations les choses n'ont pas été faciles. La CGT souhaitait mettre l'accent sur une double revendication. Politique, d'abord, avec un message explicitement anti FN ; sociale, ensuite en mettant en avant le pouvoir d'achat, notamment. FO, qui ne veut jamais intervenir sur le terrain politique, ne voulait entendre parler que d'un mot d'ordre social (protection sociale, sauvegarde du service public, etc.). Finalement, un terrain d'entente « médian » a été trouvé avec un mot d'ordre  "1er-Mai : journée internationale de lutte des travailleuses et travailleurs. En finir avec les reculs sociaux qui font le terreau de l'extrême droite !".

"Le message pour la CGT c'est évidemment contre l'extrême droite - pas une voix pour le Front national - et en même temps pour le progrès social", a déclaré à l'AFP Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, lui, se veut prudent. Intervenant jeudi 28 avril sur Europe 1, il a décidé de ne pas donner de consigne de vote - une tradition pour FO - pour le second tour ni de dire pour qui il allait voter. « Ce n'est pas la même chose entre les deux programmes », rappelle-t-il. "Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Nous ne sommes pas des directeurs de conscience ».

Cependant, Jean-Claude Mailly a mis en garde Emmanuel Macron sur son programme : « S'il est élu, il aura une lourde responsabilité (...). Il faut qu'il rassemble et évite d'être clivant", citant en exemple, "l'accentuation de la loi Travail, l'assurance chômage".

La CFDT appelle clairement à voter Macron

Dans l'autre camp syndical, on ne veut pas de mot-d'ordre en demi-teinte. Laurent Berger veut que les choses soient claires. Il l'a dit mercredi 27 avril sur RTL :

« Il n'y a qu'une solution c'est de voter pour le candidat qui reste (...) c'est Emmanuel Macron. Ça ne vaut pas acceptation de son programme c'est simplement pour faire barrage au Front National. Et quand on est une organisation syndicale comme la CGT, je ne comprends pas qu'on ne veuille pas exprimer cela. »

In fine, donc, dans le camp syndical, La CFDT et l'Unsa ont clairement appelé à voter pour Emmanuel Macron. De son côté, à l'instar de Force Ouvrière, la CFE-CGC a décidé de ne pas donner de consigne de vote se déclarant « indépendante de tous partis politiques ».
La CGT, la CFTC, Solidaires et FSU ont, elles, lancé un appel à "faire barrage" au FN, sans pour autant inviter leurs adhérents respectifs à voter explicitement pour le candidat d'En marche !

Mais l'exercice est complexe pour les syndicats qui doivent tenir compte de la liberté de vote de leurs adhérents. Or, un intéressant sondage Harris Interactive, réalisé pour la revue Liaisons Sociales à l'issue du premier tour, montre que si Emmanuel Macron est arrivé en tête chez les proches de la CFDT avec 48%, Marine Le Pen, elle, a réalisé des scores non négligeables dans les rangs syndicaux. Elle a obtenu son plus fort score au sein des sympathisants de Force Ouvrière (24%). Elle a capté 15% chez les sympathisants CGT, 14% à la CFTC comme à l'Unsa, 13% à la CFE-CGC, 13% chez Solidaires, 9% à la FSU et 7% à la CFDT