Présidentielle 2017 : pourquoi le débat sur TF1 fait polémique

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  781  mots
Pour son débat du 20 mars, TF1 a invité les cinq "grands" candidats à la présidentielle, ignorant les six autres. La chaine a su habilement utiliser les nouvelles règles en vigueur sur le temps de parole des candidats.
Au grand dam de Nicolas Dupont Aignan, la chaîne a volontairement ignoré les "petits" candidats en ne les invitant pas pour le premier grand débat TV de la présidentielle. TF1 a su exploiter les nouvelles règles sur le temps de parole des candidats en vigueur cette année.

L'image était forte. Samedi 18 mars, Nicolas Dupont Aignan, a brusquement quitté le plateau du  « JT » de 20 heures de TF1, dont il était l'invité, pour faire part de son « indignation » contre le fait que TF1 organise ce lundi 20 mars un débat ne réunissant que les cinq « grands candidats ». Le président de « Debout la France » a dénoncé la « confiscation de la démocratie » et a affirmé que « quelle que soit la puissance de votre chaîne, je ne veux plus jamais cautionner la manipulation médiatique qui est en train d'être faite ».

TF1, pour sa part, continue de considérer respecter les règles du jeu, l'organisation de son débat « restreint » ayant été jugé légal par le Conseil d'Etat. Mais comment cette polémique a-t-elle pu naître, alors que c'est la première fois dans l'histoire de la Vème République qu'un tel débat réunissant plusieurs candidats est organisé avant le premier tour ? Formellement, TF1 est dans le vrai, la chaîne a astucieusement joué des nouvelles règles sur le temps de parole en vigueur pour la première fois pour la présente élection présidentielle. « Démocratiquement » parlant, c'est une autre histoire...

De l'égalité à l'équité du temps de parole

Tout vient d'un décret du 22 décembre 2016, pris en application d'une loi d'avril 2016 sur « la modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ». De fait, à compter de la présidentielle de 2017, de nouvelles règles sont applicables en matière de déclaration de patrimoine des candidats, des parrainages nécessaires... mais aussi s'agissant du temps de parole et de passage à l'antenne (radio et télé). Avec une grande nouveauté : on passe du principe « d'égalité » de temps d'antenne et de parole à celui « d'équité ».

Concrètement, cette règle concerne la période « intermédiaire », c'est-à-dire celle qui court de la date de la publication au Journal Officiel de la liste des candidats au jour du lancement de la campagne officielle (deuxième lundi précédant le premier tour du scrutin, soit le 10 avril). Durant cette période « intermédiaire » donc, les médias n'auront plus de contrainte d'égalité comme lors des précédents scrutins présidentiels, mais seulement d'équité de présence médiatique pour chaque candidat, reflétant leur « représentativité »,  leur poids politique, l'importance des partis qui les soutiennent, etc.

Le débat sur TF1 intervenant durant cette période intermédiaire, la chaine n'était donc pas formellement obligée d'inviter tous les candidats, dès lors qu'elle accorde aux absents un autre temps de passage à l'antenne « dans des conditions de programmation comparables »... C'est notamment pour cette raison que TF1 avait invité Nicolas Dupont Aignan à son « JT » de 20 heures samedi 18 avril. A noter qu'un nouveau débat aura lieu le 4 avril sur BFMTV et CNews, là aussi pendant la période « intermédiaire », mais les deux chaines ont cependant choisi d'inviter les onze candidats.

En revanche, durant la campagne officielle, soit quinze jours avant le premier tour, rien n'est changé, le temps de parole devra être strictement identique entre tous les candidats. Pour cette raison, France 2 qui organisera un débat le 20 avril, soit trois jours avant le premier tour, a l'obligation d'inviter les onze candidats à la différence de TF1 un mois plus tôt.

Durant la campagne officielle, le CSA évaluera le temps de présence des candidats à la radio et la télévision selon une nouvelle méthode qui intégrera tous les commentaires qui leur seront consacrés : reportages, chroniques, éditoriaux, débats, analyses, revues de presse ou commentaires, « sauf si la séquence lui est clairement défavorable ».

Des nouvelles règles qui font polémique

Alors, certes, TF1 respecte à la lettre les nouvelles dispositions en vigueur. Reste que ces règles posent problème. Plusieurs « petits candidats » s'en sont émus, Nicolas Dupont Aignan, bien sûr, mais aussi François Asselineau candidat de l'Union Populaire Républicaine qui a estimé « qu'on devrait donner plus de temps de parole aux candidats dont on ne connaît rien et moins à ceux dont on connaît tout ». Chez les « grands » Marine Le Pen a également réagi, expliquant qu'elle aurait « préféré un débat à onze ».

En son temps, le général de Gaulle expliquait que l'élection présidentielle était le moment de la rencontre « entre un homme et le peuple ». Or, rien de mieux alors que des débats contradictoires entre tous les postulants, pour que les électeurs puissent juger et apprécier les différentes personnalités. Un exercice nettement plus éclairant qu' un passage à l'antenne isolé.