Quel scénario si François Fillon était "empêché" ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  940  mots
François Fillon ne serait pas candidat s'il était mis en examen dans l'affaire qui concerne l'emploi de son épouse. Or, les règles des primaires de gauche comme de droite ne prévoient aucun "plan B" quand le candidat désigné ne peut finalement pas se présenter. En revanche, un tel cas de figure est évoqué par la Constitution française.
L'"affaire" Pénélope Fillon met en lumière les règles qui doivent s'appliquer quand un candidat officiel à l'élection présidentielle se trouve finalement "empêché" de se présenter.

Et si François Fillon était « empêché » de se présenter à l'élection présidentielle ? Certes, ce n'est encore absolument pas à l'ordre du jour, François Fillon a le cuir dur et 35 ans de politique au compteur. Il connaît les règles du jeu et sait très bien que les périodes préélectorales sont propices à l'envoi des « boules puantes ». Le candidat officiel de la droite et du centre a d'ailleurs déclaré jeudi 26 janvier sur TF1 : « la seule chose qui m'empêcherait d'être candidat, c'est si mon honneur était atteint, si j'étais mis en examen ». Son honneur, on ne sait pas, tout va dépendre des développements de « l'affaire Pénélope ». Son « emploi » d'attachée parlementaire était-il fictif ou pas ? Quant à la mise en examen, il est peu probable, même si le parquet a décidé d'ouvrir une enquête, qu'elle puisse intervenir avant le premier tour du scrutin présidentiel le 23 avril.

Pas de "plan B" prévu par les primaire de droite et de gauche

Mais, au-delà de la polémique, cette affaire a servi de révélateur sur un point fondamental depuis que le principe des primaires s'est imposé. Quelle est la règle, le « plan B », si un candidat désigné à l'issue du processus est finalement « empêché » pour une raison ou une autre, accident de santé, accident de la route, etc. ? Renseignements pris, ni les règles de la primaire de la droite ni celles de la primaire de la gauche ne prévoient un tel scénario. «C'est le grand vide, rien n'est prévu », explique à La Tribune un dirigeant du parti « Les Républicains » (LR) qui ajoute « c'est en écoutant Fillon hier soir sur TF1 que l'on s'est rendu compte de cet oubli ».

Juppé n'ira pas en cas "d'empêchement" de Fillon

De fait, le sujet mérite question. Aux Etats-Unis, à l'issue des primaires, c'est un  « ticket » président/vice-président qui est désigné, aussi, le candidat à la vice-présidence peut remplacer au débotté le candidat président en cas "d'impeachment"  de ce dernier. Rien de ceci en France. Il faudra donc improviser. Plusieurs hypothèses sont sur la table ? Repêcher le candidat finaliste malheureux du second tour de la primaire ? Un élu « LR» juge le scénario « plausible », du moins dans le principe. Mais encore faut-il que l'intéressé accepte.

Or, en l'occurrence, depuis Bordeaux, Alain Juppé a "exclu définitivement" de revenir dans l'arène en cas de retrait contraint de François Fillon. Et le « troisième homme », Nicolas Sarkozy a fait exactement de même.

L'autre hypothèse réside dans l'organisation rapide d'un congrès du parti « Les Républicains » pour désigner un nouveau candidat, parmi des concurrents qui se seraient signalés. Reste à savoir si les partis associés accepteraient un tel scénario de substitution.

Le Conseil constitutionnel à tous les pouvoirs pour décaler l'élection

Mais il y a encore un autre obstacle : la date limite pour le dépôt des 500 parrainages auprès du Conseil constitutionnel. Un problème qui n'est d'ailleurs pas explicitement lié à la tenue de primaires. Cette année, la date est fixée au 17 mars. Ensuite, il est trop tard pour concourir. Ce qui pourrait signifier que, si pour une raison ou une autre, le candidat d'un parti est « empêché » au-delà du 17 mars... sa famille politique n'aurait plus de représentant à l'élection présidentielle faute de pouvoir désigner un nouveau champion, les délais étant dépassés.

En fait, un tel scénario est impossible car le Conseil constitutionnel pourrait alors intervenir, aux termes de l'article 7 de la Constitution, modifié en 1976. De fait, Le Conseil constitutionnel peut, sans y être obligé, choisir de reporter le scrutin si un évènement intervient dans les sept jours avant le dépôt des signatures (soit, cette année, à compter du 10 mars). Un tel scénario avait failli se produire en 2012 quand Eva Joly, candidate officielle d'Europe Ecologie-Les Verts avait été hospitalisée à la suite d'une chute.

En revanche, quand des faits conduisant à un empêchement se déroulent entre l'officialisation des noms des concurrents et le premier tour - soit, cette année entre le 20 mars et le 23 avril-  les Sages doivent alors décaler l'élection. Enfin, si c'est l'un des deux candidats en lice pour le second tour qui est concerné par un « empêchement, alors le Conseil constitutionnel se doit d'ordonner que le processus électoral soit entièrement recommencé depuis le début....

Texte de l'article 7 de la Constitution

« Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d'être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l'élection.

Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l'élection.

En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats restés en présence en vue du second tour ».

Jusqu'ici, un tel cas de figure ne s'est jamais produit sous la Vème République....