Retraite : quand Hamon invente le "don" de trimestres cotisés

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  677  mots
Pour favoriser le départ à la retraite à taux plein, Benoît Hamon propose que les conjoints puissent se faire un "don" de trimestres cotisés lorsque l'un des deux dans le couple dispose d'un surplus de trimestres.
Lors du débat du 20 mars entre les cinq "grands candidats", Benoit Hamon a émis une idée originale - mais non aboutie - sur les retraites : donner la possibilité aux conjoints de se faire un "don" de trimestres cotisés pour favoriser le départ à taux plein.

Lundi 20 mars, lors du premier débat d'avant premier tour, les cinq "grands" candidats ont égrené leurs propositions dans les domaines sociétal, économique et international... pendant plus de trois heures. Mais, en vérité, il y a eu peu de réelles surprises, notamment sur les questions économiques et sociales. Chacun a campé sur ses positions à l'instar d'un François Fillon qui a confirmé qu'il mettrait fin à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures ou d'une Marine Le Pen qui veut instituer une taxe aux frontières de 35% pour les produits issus d'usines délocalisées...en passant par Emmanuel Macron qui veut abaisser à 25% le taux d'impôt sur les sociétés.

Que du convenu donc... jusqu'au moment où, au détour d'une phrase, le candidat PS Benoit Hamon a fait une proposition intéressante en matière de retraite. Il suggère de rendre possible entre conjoints le « don de trimestres » afin de permettre à l'un ou à l'autre dans le couple de partir plus tôt à la retraite à taux plein.

Rendre possible des "dons" de trimestres cotisés" entre conjoints

Cette proposition de Benoît Hamon figurait dans son programme présenté le 16 mars mais elle est passée relativement inaperçue. Pourtant l'idée mérite d'être creusée.

A l'heure actuelle, il n'est pas possible de faire des « dons » de trimestres cotisés à son conjoint ou à toute autre personne. Éventuellement, il est autorisé de racheter des trimestres à la Sécurité sociale (caisse nationale d'assurance vieillesse). Depuis 2010, également, il est possible en cas de naissance d'un enfant de se partager entre le père et la mère les trimestres supplémentaires accordés à l'occasion de cet évènement. Concrètement, la mère garde les quatre trimestres liés stricto sensu à la naissance et le père peut « récupérer » les quatre autres trimestres liés à l'éducation de l'enfant jusqu'à l'âge de quatre ans. Avant 2010, ce total de huit trimestres était systématiquement attribué à la seule mère.

Favoriser le départ à taux plein

Si l'on comprend bien la mesure de Benoît Hamon, deux conjoints pourraient se « donner » des trimestres si l'un en a besoin pour partir à la retraite à l'âge légal de 62 ans (pour les générations nées à compter du 1er janvier 1955). Par exemple, imaginons que Madame, née en 1960, mère de deux enfants, dispose d'une durée totale de cotisation de 186 trimestres au moment de la prise de sa retraite à 62 ans. Elle se retrouve donc avec un surplus de 19 trimestres. En effet, grâce à une carrière débutée tôt, elle a cotisé 170 trimestres, alors que 167 sont suffisants pour liquider sa retraite à taux plein, auxquels s'ajoutent 16 trimestres de « bonus » obtenus grâce à la naissance et l'éducation de ses deux enfants. Or, Monsieur, lui, né également en 1960 mais qui a commencé plus tardivement à travailler, n'aura cotisé que 158 trimestres au moment de ses 62 ans. Madame, lui fera alors don des neuf trimestres manquants pour qu'il puisse partir à taux plein.

Sur le papier, le dispositif est séduisant, mais il pose tout de même de redoutables problèmes techniques. En effet, sur quelle base calculer le montant de la retraite, celle qui a servi au calcul de la retraite de Monsieur ou de Madame ? A priori ce devrait être celle ayant servi pour la retraite du donateur.  Et quid des cas avec de multiples régimes de retraite... Le site Huffington Post, aidé par "Optimaretraite" a tenté d'établir une simulation.

Sans parler du coût pour la collectivité. En effet, dans notre exemple, les 19 trimestres supplémentaires attribués à Madame, ne lui donnent droit à aucune pension supplémentaire, alors qu'ils ont été en partie cotisés, ce qui est tout bénéfice pour la caisse de retraite. Avec le dispositif Hamon, il y aurait moins de surplus, or la situation de nombreuses caisses s'avère très fragile.

Il n'en reste pas moins que la proposition Hamon mériterait d'être creusée et travaillée.