Toujours plus de pesticides dans les cultures françaises

Par Tiphaine Honoré  |   |  659  mots
Ce sont principalement les fongicides et les herbicides qui ont été davantage utilisés ces dernières années.
Le plan Ecophyto lancé en 2008 devait réduire de moitié le recours aux produits phytosanitaires en dix ans. C'est l'inverse qui se produit. L'utilisation de pesticides a augmenté de 9,4% entre 2013 et 2014 sur le territoire national.

Un constat d'échec. Les chiffres publiés mercredi 8 mars par le ministère de l'Agriculture montrent l'utilisation toujours plus massive des pesticides en agriculture. Entre 2011 et 2014, les statistiques font état d'une hausse moyenne de 5,8% avant de grimper de 9,4% entre 2013 et 2014.

Un bilan qui va à l'encontre des objectifs fixés en 2008 lors du Grenelle de l'Environnement, à travers le plan Ecophyto. Face aux dangers que représentent ces produits pour la santé humaine et l'environnement, rappelés en 2013 par l'Inserm, le ministère avait fixé un cap pour 2018 : réduire de moitié l'utilisation des herbicides, fongicides et insecticides, "afin de concilier performances écologiques et économiques".

Six ans plus tard, le volume en tonnes de ces "substances actives" vendues aux agriculteurs a augmenté de 16% entre 2013 et 2014. En moyenne, les tomates d'une exploitation sont traitées 12 fois par an, 35 fois pour les pommes.

Météo défavorable

Si dans l'entourage du ministre Stéphane Le Foll on reconnait, comme le rapporte Le Monde, que "les résultats ne sont pas bons", les membres du comité Ecophyto restent optimistes. Pour l'un d'eux, Didier Marteau, également secrétaire adjoint de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, ces déboires ne sont pas à imputer à la mauvaise volonté des agriculteurs français mais à de multiples facteurs.

La météo a été très défavorable avec des hivers trop doux qui ont permis le développement de champignons et de maladies.

Ce sont en effet principalement des fongicides et des herbicides qui ont été davantage utilisés ces dernières années. Les conditions climatiques de 2014 "ont favorisé les maladies sur les céréales et les légumes, et les ravageurs ont été particulièrement présents sur le colza et en arboriculture fruitière" détaille le ministère.

Mais les températures ne sont pas les seules responsables de cet épandage massif. Les prix satisfaisants des céréales (environ 170 euros la tonne de blé) ont encouragé les exploitants à produire davantage :

"Les agriculteurs ne veulent prendre aucun risque et ont donc facilement recours aux pesticides pour garantir leurs rendements. [...] Dans certaines régions, on va également cultiver certaines semences qui ne sont pas forcément adaptées au climat ou au sol et qui vont demander plus d'intrants chimiques".

Le 2e plan Ecophyto surveillé de près

Dans ce contexte, le plan Ecophyto II, qui doit être appliqué au printemps prochain, est surveillé de près. Ce deuxième volet a d'ores et déjà repoussé l'objectif des 50% de pesticides en moins à 2025. Le nouveau dispositif doit néanmoins réduire leurs ventes à la source en établissant un Certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques directement avec les fournisseurs. Un objectif de réduction sera fixé pour chaque distributeur pour limiter "l'utilisation, les risques et les impacts".

L'augmentation de l'épandage de pesticides montre qu'il est urgent d'appliquer ce nouveau plan, prévient  Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot. Il faut une volonté politique forte pour changer les mentalités et les pratiques des filières.

A travers son réseau de fermes Dephy, le ministère de l'Agriculture a lui même prouvé que des méthodes moins gourmandes en pesticides et aussi rentables étaient possibles. Sur les 1 900 exploitations du dispositif, mis en place en 2012 pour expérimenter des modèles tournés vers l'agro-écologie, les recours aux pesticides ont été largement réduits : 10% de moins sur les grandes cultures, 12% en viticulture et 38% de moins en horticulture en deux ans.

Face à ce succès, Dephy devrait s'étendre dès cette année à plus de 3 000 fermes. Reste à en tirer les enseignements pour les appliquer de manière plus généralisée. "Il faudra que cela se couple à un meilleur accompagnement des agriculteurs et davantage de conseils par des ingénieurs pour mieux traiter les problèmes agronomiques" ajoute Didier Marteau. L'enjeu est de taille pour la France, deuxième consommateur de produits phytosanitaires en Europe, derrière l'Espagne.