Allemagne : l'excédent commercial s'élargit à nouveau en août

Par Romaric Godin  |   |  1076  mots
L'Allemagne a beaucoup exporté en août.
Les exportations allemandes ont fortement rebondi en août de 9,8 % sur un an. Une croissance qui s'explique par la récupération après les inquiétudes liées au Brexit, mais qui va encore élargir l'excédent courant allemand.

Le moteur des exportations allemandes a tourné à plein régime en août dernier. Les livraisons allemandes à l'étranger ont atteint le niveau record pour un mois d'août de 96,5 milliards d'euros. C'est 9,8 % de plus qu'au cours de ce même mois en 2015. La progression s'explique par deux évolutions principales : la hausse des livraisons aux pays de l'UE non membres de la zone euro (+11,8 %) et aux pays hors UE (+9,6 %).  Cette bonne prestation des exportations explique en grande partie la très bonne performance durant le même mois de la production manufacturière allemande (+3,3 % en données corrigées et +9 % en données brutes).

Le Brexit effacé

Comment expliquer une telle envolée qui a déjoué les attentes des observateurs ? Principalement par un phénomène de rattrapage. En juillet, les exportations allemandes avaient reculé de 10 % par rapport à juillet 2015. Le niveau des ventes allemandes à l'étranger était brusquement revenu sous celui de juillet 2013. Le vote sur le Brexit du 23 juin inquiétait beaucoup, alors. L'impact du Brexit étant jugé moins préoccupant qu'on ne le croyait, les livraisons ont donc repris en août. C'est ce qui explique la bonne performance des marchés UE hors zone euro, principalement constitués du Royaume-Uni.

L'effet chinois

A cela, il faut ajouter une relative stabilisation de l'économie chinoise, soutenue par les actions du gouvernement de Pékin. En août, l'indice de confiance industrielle chinois PMI Caixin a retrouvé le niveau d'équilibre (50) et est légèrement entré, en août, en territoire expansionniste. Cette relance chinoise, comme en 2009, profite beaucoup aux exportateurs allemands qui sont fournisseurs à la fois de biens d'équipement (comme les machines-outils) et de biens de consommations (comme les automobiles) pour l'Empire du Milieu. Ce phénomène a sans doute contribué à amplifier la croissance des exportations allemandes. Mais il est vrai que, jusqu'ici, les pays tiers, principalement les pays émergents, avaient beaucoup réduit leur appétit de produits allemands. Sur la période janvier-août, les exportations vers cette zone reculent de 1,8 % malgré l'envolée d'août.

La zone euro en récupération

Les marchés de la zone euro ont aussi profité de ce phénomène et l'Allemagne a vendu en août 2016 8,8 % de plus sur ces régions qu'en 2015 lors du même mois. En réalité, le phénomène de rattrapage semble s'être produit sur l'ensemble des économies de la zone euro. Les productions industrielles italienne, française et espagnole ont surperformé en août et ont donc alimenté les besoins en biens allemands. Le mauvais mois de juillet semble donc effacé, mais on n'est pas encore dans une phase de croissance forte. Sur les huit premiers mois de l'année, les exportations ont  seulement progressé de 0,8 % sur un an. Les chiffres d'août demandent donc à être confirmés. Dans le cas allemand, le bon niveau de croissance des commandes industrielles (+1 % en août) permet d'être relativement optimiste.

Des importations en hausse

Les importations ont, en août, progressé de 5,2 %, profitant principalement aux pays de l'UE hors zone euro (+7,5 %), aux pays hors zone euro (+7,5 %) et, enfin, aux pays de la zone euro (+4,1 %). L'union économique et monétaire profite peu des importations allemandes. Sur les huit premiers mois de l'année, la demande allemande en produits de la zone euro n'a progressé que de 0,5 % contre 3,7 % pour les produits de l'UE hors zone euro. L'Allemagne est donc une locomotive très poussive de la croissance de la zone euro.

Un excédent courant encore record

En attendant, cette nouvelle croissance des exportations allemandes permet à l'Allemagne de voir  son excédent commercial allemand encore s'élargir à 20 milliards d'euros sur le seul mois d'août, soit 4,8 milliards d'euros de plus que voici un an. Sur les huit premiers mois de l'année, le solde des échanges commerciaux est de 185,4 milliards d'euros, soit 13,2 milliards d'euros de plus qu'il y a un an. Or, parallèlement, le réinvestissement de cet excédent demeure très faible. Selon la Bundesbank, l'excédent courant allemand atteint 175,4 milliards d'euros sur la période janvier-août 2016, soit 12 % de plus que sur la même période de 2015. Autrement dit, l'excédent courant allemand qui a atteint le niveau record de 8,8 % du PIB au cours de l'année 2015 devrait, pour la sixième année consécutive dépasser le niveau de 6 % du PIB qui est considéré par la Commission européenne comme un signe de déséquilibre macroéconomique excessif. Mieux même, loin de se combler, cet excédent va encore augmenter.

Un défi pour la zone euro

L'excédent allemand est un véritable défi pour l'économie de la zone euro. Il est à la source de l'inefficacité de la politique de rachat d'actifs de la BCE en réduisant sa transformation en investissements. Il est aussi une des sources de l'instabilité financière comme l'illustre le cas Deutsche Bank. Enfin, il rend l'ajustement unilatéral des pays en déficit quasiment impossible. Que fera alors Bruxelles ? L'an dernier, la Commission a demandé à Berlin de « prendre des actions décisives » pour réduire cet excédent et sa dépendance vis-à-vis de la demande externe.

L'inflexibilité de Berlin

Il existe un bon moyen de réduire cet excédent : non pas, comme l'on entend de façon caricaturale outre-Rhin en « rendant l'Allemagne plus faible » et ne réduisant sa compétitivité, mais plutôt en investissant dans les structures de cette économie. Les autorités allemandes ont largement la possibilité d'agir dans ce domaine en utilisant les marges de manœuvre de son budget en équilibre pour renouveler ses infrastructures. Du reste, les chefs d'entreprise allemands eux-mêmes réclament une telle action et le Spiegel de ce samedi titrait sur l'état désastreux des infrastructures allemandes « l'Allemagne en ruine » (« Ruine Deutschland »).

Mais Wolfgang Schäuble tient bon et ne veut rien entendre. Il n'a consenti pour le moment qu'à une baisse d'impôt de 6,3 milliards d'euros : 0,2 % du PIB. Pas de quoi modifier ces déséquilibres. Bruxelles demandera-t-elle plus ? Encore une fois, la Commission semble plus prompte à traiter les déficits que les excédents. La pression exercée sur l'Espagne et le Portugal le prouve. Si la zone euro veut se réformer, elle devra absolument combattre avec la même détermination excédents et déficits en comprenant que les uns ne sont que les revers des autres.