Allemagne : le tour de passe-passe budgétaire d’Olaf Scholz pour financer la transition énergétique jugé illégal

Par latribune.fr  |   |  589  mots
Cette sanction peut néanmoins sérieusement compliquer les plans de la coalition du chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, pour concilier à la fois respect du sérieux budgétaire et investissements verts. (Crédits : LIESA JOHANNSSEN)
La Cour constitutionnelle allemande a jugé mercredi que le gouvernement avait enfreint les règles constitutionnelles liées à la limitation de l’endettement, ce qui devrait compliquer fortement les plans de l'exécutif en matière d'investissement. Cette décision peut venir compliquer les investissements dans la transition écologique de la première économie européenne, qui sont censés atteindre 80% d'électricité renouvelable d'ici à 2030.

Coup dur pour Olaf Scholz. Les projets d'investissement d'avenir de l'Allemagne sont en effet menacés après la décision ce mercredi de la plus haute juridiction allemande qui estime que Berlin avait enfreint la règle dite du « frein à l'endettement ». Inscrite dans la Loi fondamentale nationale depuis 2009, cette règle limite les nouveaux emprunts de l'Etat à 0,35 % du PIB chaque année. Suspendue entre 2020 et 2022 en raison de la pandémie de Covid, elle est de nouveau en vigueur depuis cette année.

Tour de passe-passe budgétaire

En cause dans cette affaire : la décision en 2022 du gouvernement d'intégrer dans un fonds spécial pour « le climat et la transformation » - non comptabilisé dans le budget -, les 60 milliards d'euros de dettes autorisés par cette suspension de la limitation des déficits qui  n'avaient pas été utilisées en 2021. Pour le principal parti d'opposition, les chrétiens-démocrates (CDU, conservateurs),qui a saisi la Cour constitutionnelle, cette manœuvre était illégale, au motif que l'exception au frein à l'endettement ne s'appliquait pourtant qu'aux « situations d'urgence ». La Cour lui a donné raison et le gouvernement devra désormais « compenser » avec d'autres moyens budgétaires les 60 milliards d'euros en question, a prévenu mercredi la vice-présidente du tribunal, Doris König.

Le verdict a de quoi inquiéter la coalition du chancelier social-démocrate allemand. Il complique en effet les plans du gouvernement pour concilier à la fois respect du sérieux budgétaire et investissements verts, essentiels pour la transition énergétique du pays, sorti du nucléaire et qui doit dans quelles années renoncer au charbon. Or, l'Allemagne a des besoins massifs d'investissements pour atteindre, notamment ses objectifs climatiques. Et pour cause : la coalition s'est engagée à atteindre 80% d'électricité renouvelable d'ici 2030.

Problème : actuellement évalué à 212 milliards d'euros, le fonds vise officiellement à accélérer la transition de l'Allemagne vers une économie sans émissions, en finançant des mesures telles que le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur plus respectueuses du climat. Mais son utilisation a été élargie au fur et à mesure des besoins ces derniers mois. Des aides de plusieurs milliards d'euros pour financer l'installations d'usines de puces électroniques et de semi-conducteurs dans le pays ont ainsi été débloquées. Et le gouvernement comptait sur ce fonds pour financer une partie du plan à 30 milliards d'euros visant à abaisser le prix de l'électricité de son industrie. Cette sanction pourrait donc impacter l'utilisation d'autres fonds spéciaux que Berlin a multipliés ces dernières années pour contourner les règles budgétaires. Notamment le fonds spécial pour la défense, créé après l'invasion de l'Ukraine en 2002 afin de rénover l'armée allemande, doté de 100 milliards d'euros.

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 (Avec AFP)

Doublement de l'aide militaire à l'Ukraine

La chambre des députés va voter ce jeudi pour entériner la décision du gouvernement allemand de doubler, à 8 milliards d'euros, l'aide militaire prévue initialement pour l'Ukraine en 2024. Depuis le début de l'invasion russe, l'Allemagne est l'un des principaux contributeurs au soutien à Kiev, ayant fourni quelque 22 milliards d'euros à l'Ukraine sous forme d'aide humanitaire, financière et militaire. Berlin a notamment envoyé à Kiev des chars, blindés, munitions et systèmes de défenses anti-aérienne.  Mais l'Allemagne rechigne à livrer des missiles de longue portée Taurus réclamés avec insistance par Kiev, de crainte qu'ils ne soient utilisés pour viser le territoire russe.