
Ce n'est plus un tabou. Patrick Drahi s'est, semble-t-il, résolu à ouvrir le capital de SFR, le joyau d'Altice, son groupe de télécoms et de médias, indique Le Monde ce jeudi. D'après le quotidien du soir, l'opération a été confiée aux banques Lazard et BNP Paribas. On ignore encore la part du capital qui pourrait être cédée. Idem pour le prix souhaité. La finalité de l'opération, elle, est connue : faire remonter du cash pour permettre à Altice d'éponger (un peu) ses énormes dettes, et de repousser au maximum ses échéances de remboursement. Altice France, qui chapeaute l'opérateur SFR, Altice Média (BFMTV et RMC) et XpFibre, son antenne dédiée aux infrastructures, affiche près de 24 milliards d'euros de dettes au compteur. Le groupe est, en outre, confronté à une importante échéance de remboursement en 2025, à hauteur de 1,6 milliard d'euros.
Lors d'une rencontre avec des investisseurs mercredi dernier à Londres, Patrick Drahi a ainsi encensé SFR, présenté comme « la tour Eiffel » de son groupe, d'après Le Monde, citant un participant. Le document sur lequel le milliardaire s'est appuyé pour séduire son auditoire va aussi en ce sens. Différentes slides, publiées sur le site d'Altice veulent convaincre que l'opérateur au carré rouge - qui compte 20,5 millions de clients mobiles et 6,5 millions d'abonnés Internet fibre - est promis à un avenir radieux. Elles soulignent, notamment, que la guerre des promotions, qui a tant fait souffrir la filière, touche à sa fin, dans un contexte où les investissements dans les réseaux vont decrescendo.
De mauvaises performances commerciales
Il n'empêche que la mariée n'est, en réalité, pas si belle. Outre son fort endettement, SFR ne dispose plus de ses précieux réseaux Internet fixe, désormais logés chez XpFibre. Les performances commerciales de l'opérateur ne sont non plus au rendez-vous depuis le début de l'année. Rien qu'au deuxième trimestre, SFR a perdu 29.000 abonnés Internet fixe, et 135.000 clients dans mobile - même si Altice argue qu'il s'agit d'abonnés à faible valeur ajoutée.
Surtout, le groupe Altice est dans l'œil du cyclone depuis le 13 juillet et la révélation d'un vaste scandale de corruption. Celui-ci implique Armando Pereira, l'associé et bras droit historique de Patrick Drahi, à la réputation de « cost killer » sans états d'âme, ainsi que plusieurs cadres du groupe. La justice portugaise le soupçonne d'avoir imposé un réseau de fournisseurs douteux dans plusieurs filiales d'Altice, et d'avoir indûment prélevé, par ce biais, des sommes importantes.
Dans le sillage de ces révélations, plusieurs dirigeants du groupe ont été démis de leurs fonctions. Patrick Drahi s'est immédiatement mué en pompier. Lors d'une conférence téléphonique début août, il a indiqué qu'Altice avait coupé les ponts avec les fournisseurs épinglés par la justice portugaise, soulignant que leur poids, en termes de volume d'achats, était négligeable.
Priorité au désendettement
Si Patrick Drahi, d'ordinaire particulièrement discret, a décidé de revenir sur le devant de la scène, c'est parce que l'affaire risque de refroidir les investisseurs. Au point de plomber la politique de « désendettement » du groupe, aujourd'hui érigée en « priorité absolue », dans un contexte épineux de remontée des taux.
En parallèle d'une possible vente d'une partie SFR, Altice doit bientôt céder ses 92 data centers en France, valorisés à 1 milliard d'euros. D'après Les Echos, les discussions sont avancées avec Morgan Stanley Infrastructure Partners, le fonds d'infrastructures de la banque Morgan Stanley. D'autres actifs sont aussi susceptibles d'être vendus.
L'épisode rappelle à certains égards la période 2017-2018, où Altice a bien failli finir au tapis. A l'époque, les mauvais résultats de SFR, plombés par une hémorragie de clients, avaient précipité la dégringolade boursière du groupe. Comme aujourd'hui, Patrick Drahi était alors revenu en première ligne pour rassurer les investisseurs, leur promettant d'arrêter ses gros achats à crédit et de désendetter le groupe. Altice avait finalement réussi à sortir de cette mauvaise passe. Patrick Drahi n'a, une fois encore, plus le droit à l'erreur.
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