Immobilier : le taux d’endettement maximum autorisé, un nouveau frein au crédit ?

Selon le dernier Observatoire du crédit immobilier de Meilleurtaux, le taux d’usure, jusqu’ici pointé du doigt par les banques et les courtiers comme étant le facteur bloquant le marché du crédit, se détend et laisse de nouveau la capacité aux ménages d’emprunter. Une autre règle est désormais la cible des critiques : le taux d’endettement devant représenter au maximum 35% des revenus. Explications.
Maxime Heuze
Aujourd'hui, « quatre dossiers sur dix sont refusés », alerte Meilleurtaux.
Aujourd'hui, « quatre dossiers sur dix sont refusés », alerte Meilleurtaux. (Crédits : Reuters)

(Article publié le 17/10 à 13h, mis à jour à 15h45)

Les ménages se démenant pour obtenir un crédit immobilier ne voient toujours pas le bout du tunnel, mais le responsable de la crise d'accès aux crédits change de nom. D'après le 38e Observatoire du crédit immobilier publié par le courtier Meilleurtaux, ce mardi 17 octobre, (en se basant sur les dossiers de leurs propres clients) l'hémorragie sur les demandes d'emprunt immobilier s'est à peine réduite au deuxième semestre 2023, en baisse de 16,8% sur un an.

« La baisse de la demande est moins importante qu'au 1er semestre (20,3%). Cependant, elle ne s'arrête pas et est même en forte progression depuis cet été », constate Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com.

Aujourd'hui, « quatre dossiers sur dix sont refusés », alerte notamment le courtier. La crise de l'immobilier ne s'améliore pas, suivant logiquement la hausse des taux directeurs opérée par la Banque centrale européenne. Pour rappel, cette dernière a entamé un marathon haussier depuis l'été 2022, dans l'espoir de juguler l'inflation. Elle a ainsi relevé onze fois ses taux. Ils atteignent désormais une fourchette entre 4% et 4,75%, soit un plus haut depuis la création de la monnaie unique en 1999.

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Des taux de crédits immobiliers au plus haut depuis 10 ans

La réaction en chaîne ne s'est pas fait attendre. Résultat, le marché du crédit est grippé. « Il y a un an, aucun ménage ne se retrouvait avec des taux d'intérêts au-dessus 2,7% sur 20 ans. Aujourd'hui, 70% des dossiers sont au-dessus des 4,10%-4,5% sur 20 ans (hors assurance et avant négociation) », rappelle la représentante de Meilleurtaux, précisant que le taux moyen d'un crédit immobilier, situé en octobre à 4,3%, n'a pas été observé depuis 2012, dernière crise immobilière.

En conséquence, la capacité d'emprunt des ménages se réduit. Meilleurtaux donne notamment l'exemple d'un ménage gagnant 10.000 euros par mois, pouvant emprunter 705.000 euros, sur 20 ans, en janvier 2022. Ils doivent aujourd'hui se limiter à 540.000. Sacrée baisse de pouvoir d'achat immobilier.

Le taux maximum d'endettement, nouveau responsable ?

La hausse des taux ne justifie pas à elle seule un effondrement du marché du crédit. Les règles d'octroi sont parmi les premières responsables de la crise, selon les professionnels du secteur. Jusqu'alors pointé du doigt, le taux d'usure qui fixe le taux annuel effectif global (taux d'intérêt, charges et frais divers) maximal jusqu'auquel un ménage peut emprunter, n'est plus un problème. A 5,8% en octobre, « le taux d'usure est raccord avec les prêts bancaires. Il y a un écart enfin viable pour les emprunteurs », affirme Maël Bernier.

Une autre limite, destinée à protéger les emprunteurs du surendettement, est à présent au cœur de la frustration des courtiers : le taux d'endettement maximum. Cette part maximale que peut représenter un emprunt (et toutes les charges associées) dans les revenus totaux d'un ménage a été plafonnée à 35% par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), depuis janvier 2022. En février 2023, cette règle ne posait pas de difficultés. En effet, aucun dossier, ou presque, ne dépassait les 35% en février 2023. En revanche, près de 40% des emprunteurs voient aujourd'hui la part de leur crédit sur leurs revenus se situer au-dessus de ce taux.

Imploré par les professionnels du crédit, le HCSF a examiné un éventuel assouplissement de ce taux d'endettement, le 26 septembre dernier. L'autorité a finalement maintenu ce plafond, au motif que les banques ont le droit de déroger à cette règle pour 20% de leurs dossiers.

Or, « la production de crédits "non conformes" relevant de cette flexibilité ne représente que 13,8 % de la production totale des crédits, au deuxième trimestre 2023 », déclarait l'organisme, fin septembre.

Lire aussiDouche froide pour les acteurs de l'immobilier : pas d'assouplissement des règles d'octroi des crédits

Un argument irrecevable pour la porte-parole de Meilleurtaux. Elle dénonce « une poche de dérogation ingérable pour les banques, puisque cela demanderait une communication quotidienne entre toutes les agences d'une même banque qui devraient s'accorder pour ne pas atteindre une moyenne au-dessus de 20% ». Une logistique trop importante et dangereuse qui pousse ces dernières à limiter leurs dérogations, afin de ne pas se faire rattraper par le régulateur.

Les professionnels du crédit attendent désormais leur salut d'un dégel du marché, qui devrait avoir lieu avec la baisse des taux directeurs. Une dynamique qui devrait, au plus tôt, avoir lieu mi-2024. Patience doit donc être le maître-mot des aspirants propriétaires.

Les acheteurs se résolvent à faire des concessions

L'Observatoire Crédit Logement a, de son côté, sorti une étude sur l'état du marché du crédit immobilier au troisième trimestre 2023. Si le constat est à peu près le même que celui de Meilleurtaux, il mentionne tout de même un changement de comportement des emprunteurs. Perdant patience après un an de hausse des taux, « tous les ménages sont maintenant contraints à des concessions sur leurs projets (surface et qualité des biens, localisation, ...) », affirme l'Observatoire. De plus, « depuis le début de l'année, les revenus des emprunteurs s'élèvent à un rythme plus rapide que l'indice des prix à la consommation », ce qui pousse les acheteurs à diminuer progressivement leur niveau d'apport personnel.

Résultat, le coût relatif d'un achat immobilier diminue donc rapidement à 4.0 années de revenus, en moyenne, au troisième trimestre contre 4.6 années de revenus, il y a un an.

Maxime Heuze

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Commentaires 7
à écrit le 18/10/2023 à 11:44
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse (immeuble Hédoniste aux Minimes) construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci...

à écrit le 18/10/2023 à 10:36
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Comment gérer un budget quand les prix et les taxes sont complètement erratiques à la hausse, il faut être un peu dingue ou inconscient pour faire un crédit ...

à écrit le 18/10/2023 à 8:58
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C'est pas le moment en pleine inflation voulue par nos dirigeants de se lancer dans un crédit approximatif.

à écrit le 17/10/2023 à 17:48
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C'est idiot! Il n"y a rien de commun entre celui qui emprunte avec un revenu de 3000€ et celui qui dispose de 10 000€. 35% n'ont dans l'absolu pas la même incidence.

à écrit le 17/10/2023 à 14:35
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Les banques ont probalement envie de voir rehausser le taux maximum d'emprunt: si les emprunteurs font défaut, la banque est couverte par l'hypothèque.

le 17/10/2023 à 14:52
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c est pas les banques qui sont demandeuses, c est le lobby immo (promoteurs, btp) Pour une banque ca n a que peu d interet car si la personne emprunte trop elle ne pourra pas rembourser et c est loin d etre evident que la banque pourra se payer en r...

le 17/10/2023 à 19:44
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Absolument, ce sont les professionnels de l'immobilier qui ont le plus intérêt à ce que le crédit soit le plus accommodant car contrairement au banquier, ils prennent leur commission et au revoir une fois la transaction conclue.

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