Allemagne : les commandes à l'industrie décrochent

Par Romaric Godin  |   |  666  mots
L'Allemagne a vu ses commandes hors zone euro décrocher de 3,7 % en août
Les commandes industrielles allemandes ont reculé de 1,8 % en août et de 2,2 % en juillet. Des chiffres inquiétants.

Le ralentissement chinois commencerait-il à se ressentir en Allemagne ? Les commandes industrielles allemandes ont en tout cas enregistré un fort recul en août, selon Destatis, l'Office fédérale des Statistiques, elles ont reculé sur un mois en données corrigées des variations saisonnières de 1,8 %. Plus inquiétant encore, le chiffre de juillet a, lui aussi, été révisé à la baisse. Destatis affirme désormais que les commandes ont reculé de 2,2 % sur un mois en juillet contre 1,4 % estimé en premier lieu.

L'impact du coup d'arrêt chinois

Le détail de ses statistiques est encore plus inquiétant. La principale raison du décrochage provient de la demande hors zone euro qui recule en août de 3,7 %. On peut ici apprécier l'impact de la crise des émergents sur les commandes allemandes. L'autre point intéressant est le recul des commandes en provenance d'Allemagne qui reculent de 1,2 %. Ceci traduit la frilosité des entreprises allemandes à investir, et, compte tenu des turbulences dans les pays émergents et de leurs conséquences, on comprend pourquoi. Mais c'est clairement de mauvais augure pour la croissance allemande des prochains trimestres. Seules les commandes en provenance de la zone euro sont en progression (+2,5 %), mais c'est une croissance fragile dans la mesure où beaucoup de pays de l'union monétaire dépendent eux-mêmes de la demande allemande.

Sans surprise, c'est bien le fleuron de l'offre allemande, les biens d'investissement qui subissent la principale chute en août avec un recul de 2,8 % en août. Mais les biens de consommation sont aussi en baisse de 1,5 %, ce qui, là aussi, est assez préoccupant avant un éventuel effet de l'affaire Volkswagen.

Quel impact sur la production industrielle ?

Faut-il pour autant prévoir un retournement conjoncturel allemand ? Nul doute que cette double baisse des commandes est préoccupante à moyen terme. En septembre, l'indice Ifo du climat des affaires allemand pour septembre, s'il s'est stabilisé au niveau général, s'est ainsi fortement dégradé (de 11,1 point à 10,1) dans l'industrie manufacturière pour atteindre son plus bas depuis février. Du reste, les chefs d'entreprise n'ont aucune raison d'envisager une reprise rapide de la demande sur les émergents. Ceci devrait comprimer les perspectives d'investissement qui est précisément le maillon faible de la croissance allemande.

Il convient cependant de relativiser. En janvier et février, les commandes avaient aussi connu un recul violent (-3,2 % et -2,5 %) et seul le mois de juin avait vu un recul net de la production manufacturière (-1 %). Sinon, l'industrie allemande avait bien résisté. Dans l'enquête Ifo, on remarque une légère remontée des perspectives des chefs d'entreprises du secteur. Mais est-ce durable ? Rien n'est moins sûr : le seul moteur de la demande, la zone euro est, on l'a vu, fragilisée. Les climats des affaires espagnol et italien commencent à montrer des signes de faiblesse et la France reste sans dynamisme.

Quelle croissance pour l'Allemagne ?

Bref, la vraie question est de savoir si l'Allemagne peut tenir en s'appuyant sur sa propre demande interne et, en particulier sur la consommation, puisqu'on a vu que l'investissement était peu dynamique. Au deuxième trimestre, on a pu constater que la consommation des ménages n'avait apporté qu'un dixième de point de PIB à la croissance. Cette contribution, malgré une situation de plein emploi, reste donc faible et est en chute libre en 2012.

Seule la contribution extérieure a permis à la croissance allemande d'être positive en apportant 0,7 point de PIB pour une croissance de 0,4 %. Au cours du second semestre, l'arrivée des réfugiés devrait donner de la dynamique à la demande intérieure. Sera-ce suffisant pour compenser le ralentissement externe et relancer l'investissement ? Pour le moment, les sommes annoncées pour 2016 par le gouvernement fédéral (9 milliards d'euros) sont loin de pouvoir laisser penser à un impact notable. Pour la zone euro, un ralentissement allemand serait une très mauvaise nouvelle et provoquerait un coup d'arrêt certain de la faible reprise de la région.