Après la Grèce, l'Italie tente d'échapper à la résolution bancaire unique de la zone euro

Par Romaric Godin  |   |  926  mots
L'Italie a voulu éviter de faire payer les déposants
L'Italie a restructuré quatre banques dimanche pour éviter de faire payer les déposants, comme l'union bancaire le prévoit. La Grèce avait aussi accéléré le renflouement des banques pour la même raison.

L'union bancaire devait être une assurance absolue contre les nouvelles crises bancaires. Ce devait être également un moyen de sauver « l'argent du contribuable » grâce à un mécanisme unique de résolution des crises. Ce mécanisme entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Son fonctionnement est simple : les créanciers et les actionnaires des banques doivent payer avant les contribuables nationaux, puis les contribuables européens. Mais, étrangement, ce mécanisme commence à inquiéter plusieurs Etats membres de la zone euro qui, pourtant s'étaient en 2014 félicités de la mise en place de cette union.

L'Italie veut échapper à la résolution bancaire unique

Dimanche, l'Italie a ainsi « sauvé » quatre de ses banques. Des petites banques régionales, la Banca delle Marche, la Banca Popolare dell'Etruria e del Lazio, la Cassa di Risparmio di Ferrara et la Cassa di Risparmio della Provincia di Chieti. En tout, un bilan cumulé de 43 milliards d'euros pour un « sauvetage » estimé à 3,6 milliards d'euros. Ce sauvetage sera réalisé par le montant de la contribution du secteur bancaire italien au Fonds de résolution unique européen pour quatre ans et par des pertes pour les détenteurs d'obligations « junior » et les actionnaires. En réalité, le seul but de la manœuvre de l'Etat italien a été d'éviter l'application de la résolution unique européenne. Car, dans ce cas, les déposants de plus de 100.000 euros, étant considérés comme créanciers, auraient été touchées par le « sauvetage. » Or, ces déposants sont aussi des consommateurs, des investisseurs et des... contribuables. Pour éviter tout impact négatif sur la confiance du public et des entreprises dans leurs banques, Rome a donc agi avant le 1er janvier.

La Grèce aussi...

Ce cas n'est pas unique. En Grèce, le gouvernement Tsipras III s'est pressé de trouver un accord avec les créanciers sur la recapitalisation des banques avant le 1er janvier pour éviter également de mettre les déposants à l'amende. D'autant qu'il n'est d'ailleurs pas certain que la Grèce aurait pu assurer la garantie européenne des dépôts de 100.000 euros. Car cette garantie est en effet laissée à la responsabilité de chaque Etat. Le montant de la garantie est fixé au niveau européen, mais son application est nationale. L'Allemagne se refuse absolument à mettre en place ce « troisième pilier. » Or, en Grèce, une grande partie des « gros dépôts » ne sont plus dans les banques. On voit mal comment l'Etat, sauf à s'endetter davantage aurait pu assurer cette garantie. Or, toucher les déposants, même les seuls « gros déposants », c'est aussi toucher la confiance générale dans le système bancaire et dans l'économie du pays. C'est aussi toucher la capacité de consommation. Pour la Grèce, c'eût été dramatique et même la BCE s'y est opposée.

Le problème du « modèle chypriote »

Alors que la supervision unique de l'Union bancaire par la BCE peut faire l'objet de critiques en favorisant un « mélange des genres » entre politique monétaire, supervision bancaire et politique tout court, et que les différents stress-tests de ce superviseur ont été fortement critiqué, une autre faille apparaît. Cette idée de « faire payer » les déposants pose de grandes difficultés et risque de faire trembler plus d'un Etat en cas de crise bancaire. Ce modèle vient de la crise chypriote où la zone euro avait réduit la « facture » du « sauvetage » de l'île en faisant payer les déposants des immenses banques chypriotes. Mais ce cas était très particulier, car Chypre était un « tuyau financier » pour les oligarques de l'ex-URSS. On faisait donc payer des acteurs extérieurs au pays, même si cette décision a eu des conséquences très négatives sur l'économie. Mais on a fait, comme l'avait prédit Jeroen Dijsselbloem en avril 2013 de Chypre un « modèle. » Et cela risque de poser de graves problèmes.

Le problème italien

Il est donc étrange que des Etats membres de la zone euro tentent d'éviter à tout prix la mise en place de cette résolution unique. Dans ce cadre, l'Italie pourrait se retrouver rapidement face à un problème. Le pays doit faire face à un niveau important de créances douteuses : pas moins de 330 milliards d'euros, soit le tiers du total de la zone euro. Rome voudrait mettre en place une « bad bank », une structure où ces mauvaises créances viendraient finir leur vie et qui assumerait les pertes, pendant que les banques assainies pourraient prêter davantage à l'économie. Mais pour être efficace, il faut que ces pertes soient garanties par l'Etat. C'est ce qui a été fait en Autriche pour Hypo Alpe Adria, en Allemagne pour WestLB, en Espagne pour les Cajas... Mais, désormais, une telle garantie risque d'être vue comme une « aide d'Etat » et donc interdite par l'UE.

L'Italie devra donc en passer par des mesures de résolution et faire payer les déposants. Quand on sait l'état fragile de la reprise italienne, ce n'est guère une solution qui semble appropriée. D'autant que cette situation rend encore moins efficace la politique monétaire de la BCE, dans un pays où elle est très importante pour soutenir la reprise. La question de la résolution unique va donc inévitablement se poser dans l'avenir, car il n'est pas sûr que les Etats acceptent de voir les déposants perdre une part de leur argent.