Brexit : le secret des eaux britanniques, si poissonneuses et si convoitées par les pêcheurs de l'UE

Par latribune.fr  |   |  592  mots
"Pour le poisson, côté français, toute la côte est une zone nourricière. À mesure qu'il grandit, il va prendre le large, et c'est pour ça qu'on va pêcher côté anglais, car on veut pêcher du poisson adulte", explique Pierre Leprêtre, artisan-pêcheur des Hauts-de-France. (Crédits : Reuters)
En cas de "No Deal", nos pêcheurs de l'Union européenne à 27 se verraient refuser l'accès aux poissonneuses eaux britanniques. Cette richesse halieutique s'explique notamment par des mécanismes biologiques ancestraux, accentués par le changement climatique.

Les eaux britanniques, dont l'accès serait fermé aux pêcheurs européens en cas de "no deal" lors des négociations du Brexit, sont riches en poissons, une situation qui s'explique notamment par des mécanismes biologiques ancestraux, accentués par le changement climatique.

Les poissons remontent vers les eaux septentrionales en grandissant

"Pour le poisson, côté français, toute la côte est une zone nourricière. À mesure qu'il grandit, il va prendre le large, et c'est pour ça qu'on va pêcher côté anglais, car on veut pêcher du poisson adulte": ce constat de Pierre Leprêtre, artisan-pêcheur des Hauts-de-France, est corroboré par la communauté scientifique.

Le phénomène touche notamment les eaux de la mer du Nord. Clara Ulrich, ingénieure halieute et directrice adjointe à la direction scientifique de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), explique à l'AFP le mécanisme à l'oeuvre:

"Le sud de la mer est assez peu profond, assez sableux, et donc il y a beaucoup de poissons qui vont avoir le cycle suivant: les poissons adultes pondent dans les eaux centrales ou du nord, les oeufs sont transportés plutôt vers le sud de la mer du Nord et s'installent plutôt le long des côtes françaises et jusqu'au Danemark."

La tendance s'explique par les cycles de reproduction des poissons.

"Quand ils deviennent adultes, ils partent vers les eaux un peu plus profondes, un peu plus froides et un peu plus poissonneuses et oxygénées du nord. Ça permet aussi de pondre en amont du courant, comme ça les oeufs sont transportés par le courant jusqu'à arriver aux zones favorables du sud de la mer du Nord", explique Mme Ulrich.

Accentuation du phénomène pour le cabillaud et la plie

À l'en croire, la tendance ne semble pas près de s'inverser.

"Il y a pour certaines espèces, avec le réchauffement climatique et la surexploitation, une accentuation du phénomène", indique-t-elle.

Cette accentuation est particulièrement sensible pour le cabillaud et la plie, qui sont le plus présents partout en mer du Nord. En revanche, "d'autres espèces comme la sole, plus présente dans le sud, et l'aiglefin et le lieu noir, plus présents dans le nord, présentent moins de déséquilibres", détaille-t-elle.

L'occasion de réfléchir à la surexploitation des ressources halieutiques

De ce fait, "si l'accès aux eaux anglaises est fermé, tout le monde [parmi les pêcheurs de l'UE, Ndlr] va se retrouver côté français et, là, il va y avoir un gros problème de cohabitation et un gros problème de ressource", estime Pierre Leprêtre.

Lire aussi : La Bretagne se mobilise pour soutenir ses pêcheurs

En cas d'absence d'accord sur le Brexit, "je pense qu'il serait judicieux que chacun reprenne ses eaux le temps que les futures relations se négocient, c'est-à-dire les eaux françaises aux Français, les eaux belges aux Belges, etc.", estime son oncle Olivier Leprêtre, directeur du comité régional des pêcheurs des Hauts-de-France.

Il souhaite éviter ainsi "la surexploitation des ressources".

Une position qui semble sage, mais qui ne conviendra sûrement pas à ce pêcheur belge, dont le pays ne dispose que d'une toute petite façade maritime, et qui avouait sur FrancetvInfo, le 23 octobre dernier :

"95 % de nos revenus viennent des eaux britanniques."

Lire aussi : Brexit : le Royaume-Uni joue les durs face à l'UE sur les zones de pêche

(avec AFP)