Brexit : les patrons veulent qu'on sorte vite de l'incertitude

Par Ivan Best  |   |  880  mots
Le PDG de Renault Nisssan s'inquiète de l'incertitude créée par le Brexit
Le patron de Renault-Nissan comme celui de Total veulent une clarification rapide du statut britannique. Au delà, les dirigeants d'entreprise réclament une relance du projet européen, qui reviendrait aux fondamentaux

Le Brexit ? Tous les patrons y pensent, ils soupèsent les opportunités qu'il peut leur apporter ou les risques sur le marché anglais, mais leur parole publique reste très mesurée sur le sujet. A l'image de celle de Michel Sapin. Interrogé à plusieurs reprises par des journalistes sur ce que le départ de la Grande-Bretagne pouvait apporter à la France -on pense à la place financière de Paris notamment-, le ministre des Finances a botté en touche. « Pourquoi voulez vous revenir encore sur la question des dépouilles ? ».

Les patrons qui s'exprimaient ce week end à l'occasion des rencontres économiques d'Aix relativisent le choc en tant que tel, à l'instar de celui de Renault Nissan, Carlos Ghosn.

 "Les entreprises sont capables de s'adapter à tout, à toutes les situations, qu'elles soient bonnes ou qu'elles soient mauvaises", assure-t-il.

 C'est la situation incertaine créée par ce référendum qui les inquiète le plus, ainsi que l'explique Carlos Ghosn.

  « Je suis inquiet, pas à cause du Brexit, mais inquiet à cause de l'incertitude que cela provoque. Quel est le nouveau statut de la Grande-Bretagne ? Y aura-t-il des droits de douane ? Ou la libre circulation des marchandises ? Tant que le nouveau statut de la Grande-Bretagne vis-à-vis de l'Union européenne ne sera pas clair, les entreprises seront dans une situation d'incertitude. D'ici là, nous allons naviguer à vue. Nissan possède au Royaume-Uni une grosse usine d'assemblage, employant 8.000 personnes. C'est une usine européenne qui est basée en Grande-Bretagne.  On est un peu inquiets, jusqu'à ce que les choses soient claires.

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, est sur la même longueur d'onde, craignant les conséquences du flou actuel.

"C'est un élément de plus d'incertitude, d'instabilité, dans un monde qui fait face à plein de difficultés d'ordre géopolitique, avec Daesh, avec l'Ukraine, on a des crises financières à répétition, on rajoute le Brexit. Le seul message que je voudrais faire passer c'est qu'il faut aller vite. Car on risque de détruire la confiance. Il ne faut pas que ça occupe tout le monde pendant un an, comme le Grexit, où l'on s'est focalisé sur un pays (la Grèce) qui représente moins de 1% du PIB européen ».

Quels liens avec la Grande-Bretagne?

Certains dirigeants soulignent tout de même l'ampleur du choc, Ils mettent en avant nos liens avec le Royaume Uni. A l'instar d'Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie (ex GDF-Suez).

 « Le départ d'un pays de l'Europe est un choc. Surtout quand on pense que ce pays s'est battu à nos côtés, allant même plus loin dans notre soutien : Churchill n'avait-il pas proposé en 1940 une fusion avec la France ? Ce départ de la Grande-Bretagne en dit long sur l'Europe telle qu'elle fonctionne actuellement, une machine désincarnée.

 L'incrédulité domine aussi, à tel point que certains patrons ne veulent pas croire à une rupture franche et nette. C'est le cas du PDG de Saint Gobain, Pierre-André Chalendar

 « Le Brexit, c'est une revanche du politique sur l'économie, mais une victoire à la Pyrrhus. A moyen terme, sur le plan économique,  je ne crois pas à une rupture totale dans la relation de la Grande-Bretagne à l'Europe. Si les Anglais avaient un pied dedans et un pied dehors, ils auront sans doute, à l'avenir,  un pied dehors et pied dedans. »

 Certains se dont déjà rendus en Grande-Bretagne, afin de rassurer leurs salariés, comme Philippe Wahl, patron de La Poste.

« Notre première filiale à l'étranger, qui réalise 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires, est en Grande-Bretagne. J'y suis allé cette semaine porter un message de solidarité, pour réaffirmer l'appartenance de ces salariés à notre groupe ».

 Refonder l'Europe

Au-delà du choc, les dirigeants d'entreprise espèrent un électrochoc pour les dirigeants européens, une prise de conscience qui aboutirait à la relance du projet commun. Bruno Lafont, patron du cimentier LafargeHolcim est de ceux-là.

 « Je suis heureux non pas du Brexit, mais qu'il provoque une relance de l'Europe. On a rarement autant parlé de l'Europe ces derniers jours »

 Mais quelle doit être cette relance de l'Europe ? Pour  Isabelle Kocher., il faut revenir aux fondamentaux.

 On a perdu de vue la vision initiale, le projet visant à établir la paix, la sécurité.  Il faut refaire l'Union européenne. Revenir aux racines, c'est-à-dire la paix, et la sécurité,  revenir à un socle de politiques européennes, visant à assurer la sécurité aux 27.

Et la politique économique? Reflétant un discours largement partagé dans le monde patronal, Isabelle Kocher défend un certain désengagement de la commission européenne, une volonté de liberté plus grande:

Pour l'économie, il faut introduire de la souplesse, revenir à des cadres beaucoup plus souples. Dans l'énergie, une politique à 27 ne veut pas dire grand'chose. En revanche, il est urgent de construire une politique de l'énergie entre les pays interconnectés, je pense d'abord à la France et l'Allemagne. Toute décision prise en Allemagne concernant l'énergie impacte la France, qui fournit une grande partie de l'électricité consommée en Allemagne. Elle impacte donc le consommateur français. Et il faut laisser plus de marges manœuvre aux territoires : chaque maire d'une grande ville a aujourd'hui une idée de ce que devrait être sa politique de l'énergie