Budget de l'UE : la Commission se prépare au Brexit

Par latribune.fr  |   |  1208  mots
Il s'agit d'une "réduction modérée du financement de la Politique agricole commune et de la politique de cohésion, de 5% environ dans les deux cas, afin de tenir compte de la nouvelle réalité d'une Union à 27", a fait valoir la Commission dans un document de présentation.
Bruxelles a présenté ce mercredi 2 mai un budget en hausse pour la période 2021-2027 malgré la perspective du Brexit. Les budgets relatifs à la politique agricole commune et à la politique de cohésion du territoire devraient subir des coupes.

Les débats promettent d'être tendus entre les différents pays de l'Union européenne. La Commission européenne a défendu mercredi 2 mai un budget de l'Union européenne en hausse mais avec des coupes dans des secteurs symboliques tels que l'agriculture ou la cohésion en faveur des régions les plus pauvres.

1.279 milliards d'euros

L'institution européenne a proposé un budget pour la période 2021 à 2027 s'élevant à 1.279 milliards d'euros contre 1.087 milliards d'euros pour 2014-2020 en prix courants, en hausse malgré la perte prévue de l'importante contribution britannique. "C'est un budget ambitieux mais équilibré, juste pour tous", a défendu le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a présenté sa proposition de "cadre financier pluriannuel" devant les eurodéputés réunis à Bruxelles. D'après M.Juncker, le départ du Royaume-Uni prévu à la fin du mois de mars 2019 va laisser "un trou de 15 milliards par an" dans les finances européennes après 2020, qui correspond à la dernière année de contribution du royaume.

Parmi les mesures les plus difficiles à faire passer, la Commission réclame "une réduction modérée" du financement de la Politique agricole commune (PAC), chère à la France, et de la politique de cohésion, dont les pays de l'est sont les grands bénéficiaires, "de 5% environ dans les deux cas". Ces domaines politiques emblématiques représentent actuellement respectivement 37% et 35% du budget de l'UE.

La France a immédiatement réagi sur les mesures d'économie prévues pour la PAC. "Une telle baisse, drastique, massive et aveugle, est simplement inenvisageable" et "la France ne pourra accepter aucune baisse de revenu direct pour les agriculteurs", indique le ministère de l'Agriculture dans un communiqué. "Cette part que l'on va enlever aux agriculteurs va remettre en cause la viabilité de leurs exploitations", a souligné le ministre, Stéphane Travert, lors d'un point presse.

Restriction en cas de viol de l'État de droit

Parmi les nouveautés, la Commission européenne a proposé de "restreindre l'accès aux fonds de l'UE" en cas de violation de l'État de droit dans son projet de budget pour la période 2021-2027, une initiative sans précédent.

"Le respect de l'État de droit est une condition préalable indispensable à une saine gestion financière et à une mise en oeuvre efficace du budget. C'est pourquoi nous proposons un nouveau mécanisme qui permettra de protéger le budget en fonction des risques liés aux déficiences de l'État de droit", a expliqué le président de l'exécutif bruxellois.

"Il s'agit d'un mécanisme d'application générale car il ne vise pas des États membres en particulier", a-t-il insisté. Mais les gouvernements polonais et hongrois se sentent directement visés par ces propos.

Innovation importante dans le budget proposé, le lien renforcé entre les fonds de l'UE et l'État de droit vise à protéger le budget de l'Union européenne contre les risques financiers liés à des défaillances généralisées de l'État de droit dans les pays membres, a souligné la Commission.

S'ils sont approuvés par les États membres et le Parlement européen, les nouveaux instruments proposés permettront à l'Union de suspendre, réduire ou restreindre l'accès aux fonds de l'UE d'une manière proportionnée à la nature, à la gravité et à l'étendue des défaillances généralisées de l'État de droit.

Une telle décision devrait être proposée par la Commission et adoptée par le Conseil (qui représente les pays membres) par un vote à "la majorité qualifiée inversée", a précisé la Commission européenne. Selon la procédure, pour rejeter la recommandation, il faudra rassembler une majorité constituée par 55% des États représentant 65% de la population de l'UE. Plusieurs pays réclament ce mécanisme afin de tirer les leçons du bras de fer infructueux entre Bruxelles et le gouvernement ultra-conservateur polonais, accusé de menacer l'indépendance de sa justice.

Face à la lourdeur de la procédure en cours lancée par la Commission, l'idée est de pouvoir recourir à la pression financière dans des cas comparables. "Nous n'accepterons pas de mécanismes arbitraires qui feront de la gestion des fonds un instrument de pression politique à la demande", a déjà averti le vice-ministre polonais pour les Affaires européennes, Konrad Szymanski.

Pas de budget distinct pour la zone euro

La Commission européenne propose de consacrer 55 milliards d'euros à la zone euro dans le budget pluriannuel de l'Union européenne 2021-2027, afin de soutenir l'investissement en cas de chocs économiques, de financer les réformes structurelles et d'aider de nouveaux membres à adopter la monnaie unique.

Cet argent alloué à la zone euro, ou à ceux qui veulent rejoindre le club des dix-neuf pays, apparaît comme un compromis entre la volonté du président français Emmanuel Macron de créer un budget séparé pour la zone euro doté de plusieurs centaines de milliards d'euros et les réticences de l'Allemagne, qui refuse un budget distinct pour la zone euro, ou n'est prête à accepter qu'un budget modeste.

La Commission européenne redoute qu'un budget séparé ne fasse qu'accroître les divisions au sein de l'Union européenne dont l'unité est déjà mise à l'épreuve par la perspective du Brexit en mars 2019.

"Après la sortie du Royaume-Uni de l'UE, le produit intérieur brut de la zone euro représentera plus de 85% du PIB total de l'UE", a souligné la Commission dans un communiqué. "C'est pourquoi les moyens de renforcer l'union économique et monétaire ne doivent pas être séparés mais partie de l'architecture financière globale de l'Union", a-t-elle ajouté.

Deux instruments

Dans le cadre du budget 2021-2027, l'exécutif bruxellois propose ainsi de créer deux nouveaux instruments "afin de promouvoir une zone euro stable et la convergence vers la zone euro". Le premier instrument est un nouveau programme d'appui aux réformes qui, doté d'un budget global de 25 milliards d'euros, apportera un soutien financier et technique à tous les États membres en vue de la réalisation de réformes prioritaires.

En outre, un mécanisme de convergence fournira un soutien spécifique aux États membres n'appartenant pas à la zone euro sur la voie de leur adhésion à la monnaie commune, précise la Commission.

Le deuxième instrument est un "mécanisme européen de stabilisation des investissements" qui permettra de maintenir les niveaux d'investissement en cas de chocs asymétriques importants, poursuit la Commission.

Il prendra d'abord la forme de prêts adossés garantis par le budget de l'UE, à concurrence de 30 milliards d'euros, combinés à une aide financière aux États membres destinée à couvrir le coût des intérêts. Les prêts apporteront un soutien financier supplémentaire à un moment où les finances publiques se tendent et où les investissements prioritaires doivent être maintenu.

Les propositions de la Commission pour le prochain cadre financier pluriannuel de l'UE vont désormais faire l'objet d'une négociation entre les États membres - qui doivent trancher dans ce dossier à l'unanimité - et le Parlement européen.

(avec agences)