Catalogne, un État indépendant viable ? Stiglitz pas d'accord avec Turner

Par Jorge Valero, Euractiv  |   |  777  mots
Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, farouche détracteur du cocktail dérégulation et austérité, soutient que la Catalogne indépendante serait une économie viable. Adair Turner,ex-vice-président de la banque Merrill Lynch Europe (2000 à 2006), ex-président de l'autorité des services financiers au Royaume Uni (2008-2013) est aujourd'hui président de l'Institute for New Economic Thinking. Il est quant à lui sceptique sur le fait que l'UE ouvrira ses portes à de nouveaux États indépendants.
Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz estime que la région serait acceptée dans l’Union Européenne et deviendrait donc une économie indépendante viable, mais l’ancien président de l’autorité britannique des services financiers, Adair Turner, n’est pas tout à fait d’accord. Un article de notre partenaire Euractiv.

Avant que l'Écosse ne devienne un modèle pour les nationalistes, le pays était un des moteurs du siècle des Lumières européen. A cette époque, Adam Smith, David Hume et d'autres ont apporté une bouffée d'air frais et de la raison après des siècles dominés par la religion et les coutumes.

Pour marcher dans les pas d'Adam Smith, l'Institut de la nouvelle pensée économique (INET) a organisé sa conférence annuelle à Edimbourg. L'objectif de l'organisation est de donner naissance à une réflexion économique qui, si elle ne la substitue pas, fait au moins la lumière sur les contradictions de la tyrannie du marché.

Pour Stiglitz, la rapidité d'acceptation de la Catalogne par l'UE est vitale

Joseph Stiglitz est un farouche détracteur du cocktail dérégulation et austérité. Le prix Nobel d'économie fait aussi partie de ces grandes personnalités qui soutiennent que la Catalogne indépendante serait une économie viable.

Malgré la fuite de plus d'un millier d'entreprises, la chute prévue du PIB et la combinaison fatale d'une rupture avec l'Espagne, avec l'UE et avec l'Union monétaire, l'économiste américain pense toujours que le Catalogne survivrait à tout cela.

Pour Joseph Stiglitz, l'UE est un facteur décisif, qui déterminera si la Catalogne s'élève en tant que nouvel État ou au contraire s'effondre. Selon lui, « difficile » de croire qu'une Catalogne indépendante ne serait pas acceptée par le club européen.

« Reste à savoir à quelle vitesse ce sera fait, à quelle vitesse iront les négociations. La rapidité est cruciale car les turbulences seront inévitables », a-t-il déclaré.

Il ajoutait :

« La question est la suivante : quelle sera la puissance du choc économique et combien de temps durera-t-il ? »

L'optimiste de Stiglitz peu soutenu

Son optimisme pour une adhésion accélérée à l'UE trouve néanmoins peu de soutien dans le monde réel. Ni l'Espagne ni le reste des partenaires européens n'accepteront une Catalogne qui devient indépendante par la force, puisque cela créerait un précédent dangereux.

« Ce sont des enjeux politiques très complexes sur lesquels l'Europe devra travailler », a-t-il commenté.

Mais, même dans le pire des scénarios, c'est-à-dire celui d'un rejet, Joseph Stiglitz reste optimiste:

« Il existe toute une série d'accords institutionnels que l'Europe a conclu avec des pays qui ne sont pas dans l'UE pour le commerce. »

Le mantra est bien connu : le commerce est bon pour tout le monde, donc pourquoi ne pas l'ouvrir ? En d'autres termes, les bénéfices économiques pourraient finir par assouplir la résistance politique.

Adair Turner, adepte de la "monnaie hélicoptère", reste pessimiste

Adair Turner est quant à lui sceptique sur le fait que l'UE ouvrira ses portes à de nouveaux États indépendants.

« La Catalogne fait face à un véritable problème. La seule manière d'être réellement indépendante est de faire partie de l'UE. Mais l'UE ne veut pas que ça arrive car cela compliquerait tout », a-t-il déclaré à Euractiv tout en soulignant que l'UE ne saurait que faire de ces nouveaux micro-États.

Adair Turner occupe plusieurs postes, dont la présidence de l'INET, l'Institute for New Economic Thinking. Il défend des idées originales comme la « monnaie hélicoptère », un concept selon lequel les banques centrales distribueraient directement de l'argent aux citoyens pour stimuler l'économie. Il « comprend la motivation » des Catalans et des Écossais qui revendiquent l'indépendance, malgré les coûts économiques.

Aspirer à devenir indépendant hors de l'UE est une "idée folle"

Selon lui, dans les sociétés actuelles, l'économie n'est pas le seul point de référence de la population. L'identité régionale ou nationale joue un rôle important. Un facteur déterminant qui a pris de l'ampleur ces dernières années, car « plus vous faites partie d'une monde globalisé, plus vous cherchez une identité locale ».

Adair Turner assure toutefois que c'est « une idée folle » d'aspirer à devenir indépendant en dehors de l'UE. C'est d'ailleurs pour cela que le SNP et les séparatistes catalans réclament l'adhésion à l'UE.

Malgré l'agitation des dernières semaines entre Madrid et Barcelone, l'économiste veut aussi faire preuve d'optimisme.

« J'espère qu'il existe un moyen pacifiste et raisonnable d'arrondir les angles, peut-être en donnant encore plus d'autonomie aux régions espagnoles, mais pour le moment je ne sais pas », a-t-il ajouté.

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Par Jorge Valero, Euractiv.com, (traduit par Marion Candau)

(Article publié le 23 oct. 2017)

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