Catalogne : un référendum sur l'indépendance, quoi qu'il arrive

Par Romaric Godin  |   |  1065  mots
Le président catalan annonce un référendum sur l'indépendance pour 2017.
Le président catalan Carles Puigdemont a annoncé qu'il maintenait sa priorité : l'indépendance de la Catalogne. Il préfère un référendum négocié avec l'Espagne. Mais désormais, si ce dernier n'est pas possible, il s'engage à tenir une consultation unilatérale en septembre 2017.

Le président de la Generalitat, le gouvernement catalan, Carles Puigdemont, avance de plus en plus clairement vers son objectif : l'indépendance de la Catalogne. Lors de son discours devant le parlement catalan à qui il a posé la question de confiance, il a posé les jalons du processus qui doit amener (ou non) la communauté autonome espagnole à une séparation d'avec le Royaume ibérique. Car Carles Puigdemont n'entend pas revenir sur le cœur du programme de la majorité parlementaire. « Il est évident que nous voulons nous transformer en un Etat et c'est ce mandat que nous devons accomplir », a-t-il indiqué devant les députés.

Appel à l'unité

Pour cela, le président de la Generalitat doit pouvoir compter sur une majorité parlementaire unie. Aussi a-t-il lancé un appel à la CUP, le parti de l'extrême-gauche indépendantiste qui, début juin, avait rejeté le budget de son gouvernement. « Je ne pourrai accomplir ma tâche si je n'ai pas une majorité sans aucune fissure », a-t-il indiqué. Avant de menacer : si le prochain budget est rejeté, le parlement sera dissout et il faudra retourner aux urnes. La CUP n'a donc plus le choix : elle doit accepter de soutenir le gouvernement ou se résoudre à préférer de nouvelles élections. C'est clairement de la part de l'ancien maire de Gérone une déclaration d'autorité. Déclaration qui, néanmoins, s'accompagne d'un engagement fort à mener la Catalogne vers la sécession. Carles Puigdemont propose donc à la CUP d'oublier provisoirement ses engagements sur le plan économique pour parvenir à l'indépendance.

Prêts à l'indépendance à la mi-2017

Mais ce qui était le plus attendu était l'ajustement de la feuille de route vers l'indépendance. Carles Puigdemont a clarifié cette dernière en traçant un véritable calendrier et un chemin de priorités. Comme précédemment, le point de départ de la sécession sera juin 2017, date à laquelle, affirme le président catalan, « nous disposerons des structures de l'Etat ». La Generalitat va donc faire adopter les trois « lois de déconnexion » permettant la création d'une légalité catalane, d'une administration fiscale indépendante et d'une structure d'Etat-providence propre. Ces trois lois veulent permettre une séparation avec l'Espagne « dans la sécurité juridique ». Mais l'essentiel est ailleurs : une fois ces lois votées, il faudra déclarer l'indépendance ou prendre acte du rejet de cette indépendance par les Catalans. Et c'est là le nœud du problème.

Une solution idéale et une solution de rechange

Carles Puigdemont, de ce point de vue, clarifie aussi la procédure. La priorité de la Generalitat reste le « référendum pacté », autrement dit accepté par Madrid. C'est, selon Carles Puigdemont, la « formule idéale » pour laquelle il existe un « immense consensus ». Mais c'est aussi une formule que refuse le gouvernement espagnol et qu'il a refusé plusieurs fois. Carles Puigdemont entend encore la proposer et s'engage, si elle est acceptée, « à négocier sur la formule » de ce référendum avec les autorités espagnoles.

Mais si le dialogue n'est pas possible avec Madrid, si une nouvelle fois l'Espagne refuse de négocier, alors Carles Puigdemont s'engage à organiser un référendum unilatéral. « Nous tenterons de construire un accord  jusqu'au dernier jour pour faire un référendum accepté par l'Espagne, mais s'il n'y a pas d'accord au dernier moment, il y aura un référendum », a-t-il indiqué. « Ou il y aura référendum ou il y aura référendum », a ainsi résumé le président catalan qui a promis que cette consultation aura lieu « dans la seconde quinzaine du mois de septembre 2017 ».

Une feuille de route complétée

Avec cette nouvelle feuille de route, Carles Puigdemont, qui devrait obtenir la confiance du parlement jeudi 29 septembre, tente d'apaiser sa majorité et d'exercer une pression sur Madrid. Il officialise ainsi la possibilité du recours au référendum unilatéral, solution périlleuse sur le plan juridique qui n'est pas acceptée par tous au sein de sa majorité, mais qui était une exigence de la CUP.

La priorité reste, comme auparavant, le référendum pacté, mais, désormais, il existe une porte de sortie au blocage qui persiste depuis 2012 et cette porte de sortie est le référendum unilatéral. Carles Puigdemont complète donc la feuille de route de la majorité établie après les élections du 27 septembre en intégrant le caractère unilatéral proposé par la commission sur le processus constituant du parlement. Il s'agit toujours de construire des structures d'Etat en dix-huit mois et donner, quoi qu'il arrive, la parole aux Catalans sur l'indépendance dans la foulée. Mais désormais les outils sont sur la table.

Pression sur Madrid

Avec cette stratégie, le président catalan place aussi la pression sur le gouvernement madrilène. Pour éviter un référendum unilatéral et l'entrée dans une région juridique et politique inconnue et dangereuse, le gouvernement espagnol dispose d'une année. C'est une forme de chantage qui vise à briser l'indifférence de Madrid et sa réponse purement juridique à un problème catalan que les Indépendantistes (et une partie des unionistes) estiment d'ordre politique.

Rien ne laisse présager d'une solution négociée

La situation est cependant complexe. Il n'y a toujours pas de gouvernement investi en Espagne. Mariano Rajoy ne parvient pas à construire une majorité et la gauche se déchire, notamment sur le problème catalan. Les troisièmes élections générales pourraient se tenir en décembre et la question de la réponse à Carles Puigdemont sera sans doute centrale. La question risque d'aggraver les déchirements du Parti socialiste espagnol (PSOE). Au final, il n'est pas sûr qu'une majorité favorable à la négociation sorte de ce troisième scrutin. Du reste, le gouvernement espagnol pourrait prendre le président catalan au mot et le défier d'organiser un référendum unilatéral qui risquerait de ne rassembler que les Indépendantistes et qui ne serait pas reconnu par l'UE. Dans ce cas, la situation pourrait encore se dégrader. Rien ne semble donc devoir favoriser la voie « idéale » de Carles Puigdemont. L'Union européenne peut d'ores et déjà placer cette date de septembre 2017 comme un des (nombreux) dangers qui l'attendent l'an prochain.