La Belgique ne signera pas l'accord Ceta entre l'Union européenne et le Canada

Par latribune.fr  |   |  1030  mots
La signature prévue jeudi à Bruxelles du traité de libre-échange UE-Canada (CETA) semble plus que jamais menacée par le "Non" de la Wallonie qui a rejeté tout "ultimatum" de l'UE et s'est dite "déçue" par une nouvelle proposition visant à la rassurer.

Publié le 24 octobre 2016 à 7:59 ; Mis à jour le 24 octobre 2016 à 19h04

Après l'échec des négociations entre la Wallonie et le Canada vendredi, le président du Parlement européen, Martin Schulz, avait tenté de recoller les morceaux samedi en recevant tour à tour la ministre canadienne du Commerce Chrystia Freeland, puis M. Magnette, en présence du chef de cabinet du président de la Commission européenne. Pendant ces deux jours, les Wallons avaient négocié avec le Canada et la Commission européenne pour tenter d'aplanir les différends sur cet ambitieux accord de libre-échange transatlantique.

Le président du parlement de Wallonie, André Antoine, a affirmé lundi qu'"il ne sera pas possible de respecter l'ultimatum" de l'UE concernant la signature de la Belgique au Traité de libre-échange UE/Canada, le Ceta.

"Ce ne sera pas possible de respecter cet ultimatum", a dit M. Antoine, à la radio belge RTL.

Le président du conseil européen, Donald Tusk a donné dimanche jusqu'à lundi soir à la Belgique, bloquée par la résistance wallonne au Ceta, pour dire si OUI ou NON elle était en mesure de signer le Traité de libre-échange à la cérémonie prévue jeudi à Bruxelles.

Le Premier ministre belge Charles Michel a annoncé lundi, en début d'après-midi, que son pays ne pourrait pas signer en l'état l'accord de libre-échange avec le Canada. Le chef du gouvernement fédéral s'exprimait à l'issue d'une réunion à Bruxelles avec les ministres-présidents de Flandres et de Wallonie. Le dirigeant wallon, Paul Magnette, a confirmé à cette occasion qu'il rejetait l'ultimatum posé par le Canada et l'Union européenne, qui lui avaient demandé de se décider avant lundi soir. Charles Michel a indiqué qu'il restait "ouvert au dialogue" avec la Wallonie pour permettre une signature ultérieure de l'accord de libre-échange.

Malgré cette annonce, Donald Tusk a indiqué lundi soir que le sommet de jeudi était "toujours possible", malgré l'impasse belge. "Ensemble avec le Premier ministre, Justin Trudeau, nous pensons que le sommet de jeudi est toujours possible. Nous encourageons toutes les parties à trouver une solution. Il y a encore du temps" a expliqué le président du Conseil européen sur Twitter.

Un week-end mouvementé

La Commission européenne a transmis dimanche au chef du gouvernement wallon, Paul Magnette, un projet de déclaration sur la protection des investissements, une des pommes de discorde qui empêchent la signature du traité de libre-échange avec le Canada (CETA). Ce document - intitulé Déclaration du Royaume de la Belgique (et des États membres...) avec le soutien de la Commission européenne, sur la protection des investissements et la Cour d'investissement ("ICS") - "répond à toutes les réserves dont M. Magnette a fait part", selon un diplomate européen.

La Wallonie, qui rejette le traité de libre-échange UE-Canada (CETA), s'est dite "déçue" par cette nouvelle proposition sur la protection des investissements, qui visait à rassurer la région francophone belge pour permettre la signature de l'accord par la Belgique.

"On nous remet un document décevant et parallèlement on nous donne un ultimatum. C'est très étonnant. Cela nous pousse à nous poser des questions sur le but poursuivi", a indiqué l'entourage du chef du gouvernement wallon, Paul Magnette.

"Ce document nous étonne dans la mesure où il contient largement moins d'avancées que celles atteintes vendredi et samedi", a regretté cette source. "Certains éléments convenus samedi ne s'y trouvent pas. On s'interroge sur le but poursuivi".

Le CETA "présente une réforme radicale de la résolution des litiges en matière d'investissements", affirme la Commission européenne.

La pomme de discorde du traité

L'exécutif européen s'était engagé à envoyer un document concernant la protection des investissements, une des pommes de discorde qui empêchent la signature du CETA. Cette question est en effet l'une des plus sensibles, car elle a trait à la possibilité donnée aux multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un État adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts.

même s'il est signé jeudi à Bruxelles comme prévu par l'UE et le Canada, ce traité doit encore être approuvé par le Parlement européen et celui du Canada afin d'entrer en vigueur de façon provisoire et partielle. pour qu'il entre complètement en usage, les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE devront le ratifier, ce qui pourrait prendre des années.

Les dispositions concernant la protection des investissements "n'entreront pas en vigueur avant la ratification du CETA par tous les Etats membres, chacun conformément à son propre processus constitutionnel", est-il écrit dans la Déclaration. Quand le traité sera définitivement appliqué, il est convenu de la mise sur pied d'un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada. Toutes les auditions seront publiques.

Des "pseudo-juges"

"Une sorte de Cour publique des investissements qui ouvre la voie à une Cour internationale des investissements", selon un négociateur européen.

Mais les détracteurs du CETA jugent qu'elle ne va pas assez loin et craignent que ces "pseudo-juges" ne soient des avocats d'affaires liés à des cabinets privés.

Dans le document transmis à M. Magnette, il est notamment explicité que "la sélection des tous les juges du Tribunal et du Tribunal d'appel sera faite, sous le contrôle des institutions européennes et des Etats membres, d'une façon rigoureuse, avec l'objectif d'en garantir l'indépendance et l'impartialité, ainsi que la plus haute compétence".

Les juges seront rémunérés par l'Union européenne et par le Canada sur une base permanente. "Il faudra progresser vers des juges employés à temps plein", est-il préconisé. "Les exigences éthiques pour les juges des Tribunaux, déjà prévues dans le CETA, doivent être développées de façon détaillée, dans les plus brefs délais, dans un Code de Conduite obligatoire et contraignant", selon le texte du traité. "L'accès à cette nouvelle juridiction pour les usagers les plus faibles, c'est-à-dire les PME, doit être amélioré et facilité".

(Avec AFP et Reuters)