Jachères, Mercosur : l'UE tente de faire un pas vers les agriculteurs en colère

Par latribune.fr  |   |  874  mots
Les agriculteurs entament mardi leur deuxième jour de blocage d'axes stratégiques autour de Paris, déterminés à montrer qu'ils peuvent tenir plusieurs jours (Crédits : Emmanuel Foudrot)
Alors que, Emmanuel Macron a rappelé l'opposition de la France au traité de libre-échange Mercosur, la Commission européenne a annoncé peu avant, ce mardi, que « les conditions pour conclure les négociations ne sont pas réunies », mais que « les discussions continuent ». Elle a également indiqué que Bruxelles envisage une nouvelle dérogation relative aux règles imposées sur les jachères.

[Article publié le mardi 30 janvier 2024 à 08H17 et mis à jour à 15H20] Face à l'ampleur de la colère des agriculteurs qui manifestent dans plusieurs pays de la zone euro, la réponse doit se faire à l'échelle européenne. Le président français a d'ailleurs profité d'une visite d'Etat en Suède pour porter un message auprès des 27.

Si Emmanuel Macron a estimé ce mardi que ce serait de la « facilité de tout mettre sur le dos de l'Europe » pour expliquer les difficultés des agriculteurs français, il a par ailleurs expliqué s'opposer à l'accord commercial en négociations entre l'Union européenne et les pays du Mercosur en raison de « règles qui ne sont pas homogènes avec les nôtres », et a demandé des « mesures claires » pour les importations de poulets et de céréales d'Ukraine.

Peu avant, ce mardi, Bruxelles avait déjà annoncé que « à l'heure actuelle, l'analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies », a fait savoir son porte-parole, Eric Mamer.

Mais « les discussions continuent et l'Union européenne continue à poursuivre son objectif d'atteindre un accord qui respecte les objectifs de l'UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités, notamment dans le domaine agricole », a-t-il néanmoins précisé.

Pour rappel, l'accord concerne l'Union européenne et le Mercosur, c'est-à-dire le Marché Commun de l'Amérique du Sud. Ce dernier rassemble l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay au sein d'une zone de libre-échange institutionnalisée. Dans le détail, l'accord avec le Vieux continent prévoit de favoriser certaines exportations européennes et certaines importations sud-américaines.

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Les négociations entre l'UE et le Mercosur pour la conclusion d'un accord commercial ont débuté... il y a près d'un quart de siècle, en 2000 ! Un accord politique avait été conclu en 2019, mais l'opposition de plusieurs pays, dont la France, en a bloqué l'adoption définitive.

« Impossible de conclure dans ces conditions »

Les propos de la Commission ce mardi détonnent avec ceux de l'Elysée. Et pour cause, elle avait assuré, en amont, que l'exécutif européen aurait décidé « de mettre fin aux négociations en cours au Brésil sur le Mercosur, un projet de traité de libre-échange avec l'Amérique du Sud ».

Et pour cause, les conditions dans lesquelles sont importées des denrées alimentaires produites à l'étranger sont au cœur des revendications des agriculteurs français. Ainsi, en déplacement à Montastruc-du-Salies (Haute-Garonne), vendredi 26 janvier, pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs, le Premier ministre Gabriel Attal avait prévenu que la France s'opposait à la signature du traité avec le Mercosur.

« Emmanuel Macron a réitéré auprès de la Commission avec la plus grande fermeté le fait qu'il était impossible de conclure dans ces conditions », a fait savoir l'Elysée.

Jachères, bientôt une nouvelle dérogation ?

Autre élément de la colère des agriculteurs : les jachères. Selon la Commission européenne, Bruxelles envisagerait une nouvelle dérogation. Pour rappel, la loi exige, depuis 2023, qu'une partie des terres arables de chaque exploitation (4%) soit laissée en jachère. Objectif, préserver la biodiversité. Une mesure obligatoire si les professionnels du secteur souhaite bénéficier d'aides européennes dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Mais les agriculteurs se plaignent qu'on leur retire l'exploitation d'une partie de leurs terres.

L'exécutif européen examinera ainsi jeudi une proposition sur « une dérogation temporaire à ces règles », dans la continuité de l'exemption déjà accordée en 2023 consécutive à la guerre en Ukraine, a explicité le porte-parole de l'institution Eric Mamer. Outre la France, plusieurs Etats de l'UE réclamaient la poursuite de cette dérogation.

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De nouvelles annonces attendues ce mardi

En attendant, les agriculteurs français continuent leurs actions. Un cortège en route pour investir le marché de Rungis (MIN) a ainsi été freiné dans sa progression par les forces de l'ordre, ce mardi. Ces convois s'ajoutent aux blocages d'axes stratégiques autour de Paris. Les agriculteurs déterminés à montrer qu'ils peuvent tenir plusieurs jours si les « nouvelles mesures » dévoilées dans la journée par le gouvernement déçoivent encore.

Selon une source policière, les blocages autour de Paris ont impliqué lundi un millier d'agriculteurs et « un peu plus de 500 engins ». « L'objectif de tenir jusqu'à vendredi est manifeste », selon cette source.

Dans l'optique d'esquisser une sortie de crise, Gabriel Attal a reçu une nouvelle fois lundi soir Arnaud Rousseau, et son homologue du syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot. La réunion a duré 3h30. Les participants ne se sont pas exprimés à l'issue. Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à porter avec lui principalement « deux mesures » : « l'arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations » et « l'interdiction formelle de l'achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient ».

(Avec AFP)