Lois Egalim : les raisons de la colère des agriculteurs

Le gouvernement annoncera ce mardi de « nouvelles mesures » en faveur des agriculteurs, qui manifestent partout en France et bloquaient lundi plusieurs axes routiers notamment autour de Paris. Parmi leurs revendications : une meilleure application de la loi Egalim, censées leur éviter de vendre à perte. A deux jours de la fin des négociations entre les fournisseurs et les distributeurs, trois entreprises vont être sanctionnées pour ne pas avoir respecté cette loi.
Au cœur des revendications des professionnels du secteur : les lois EGAlim supposées leur garantir une meilleure rémunération dans le cadre des négociations entre industriels et supermarchés.
Au cœur des revendications des professionnels du secteur : les lois EGAlim supposées leur garantir une meilleure rémunération dans le cadre des négociations entre industriels et supermarchés. (Crédits : LEONHARD SIMON)

Pression maximale sur le gouvernement. Alors que les huit grands axes autoroutiers desservant Paris sont bloqués par les agriculteurs, le gouvernement de Gabriel Attal  promet d'annoncer de « nouvelles mesures » mardi après un premier volet jugé insuffisant avant le week-end. Au cœur des revendications des agriculteurs figurent les lois Egalim supposées leur garantir une meilleure rémunération dans le cadre des négociations entre industriels et supermarchés. Car dans les faits, le texte serait peu appliqué et à deux jours de la fin des négociations entre les distributeurs et les producteurs, le gouvernement a va prononcer trois sanctions à l'encontre de trois entreprises qui n'ont pas respecté ces lois.

A quoi correspondent les Lois Egalim ? Pourquoi sont-elles au cœur des revendications des agriculteurs ? Que compte faire le gouvernement ? La Tribune fait le point.

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Loi Egalim 1, 2 et 3...

La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, ou loi Egalim, est issue des Etats généraux de l'alimentation de 2017. Elle vise principalement à favoriser une alimentation saine et durable ou encore à renforcer la qualité des produits.

L'un de ses volets principaux consiste à payer au juste prix les producteurs, notamment dans le cadre des négociations commerciales avec les industriels. Pour rappel, les négociations commerciales ont lieu chaque année entre les entreprises agroalimentaires (des petits producteurs aux gros industriels comme Danone ou encore Coca-Cola) et les supermarchés où sont notamment décidés les prix d'achats des produits des fabricants. Les supermarchés souhaitent dans ce contexte négocier les prix aux plus bas.

Trois lois ont alors été adoptées. La loi Egalim 1 de 2018 permet ainsi à l'agriculteur de proposer ses prix à l'acheteur en prenant en compte ses coûts de production. Le producteur peut ainsi peser davantage dans les négociations. Des indicateurs de référence ont également été élaborés par les organisations interprofessionnelles, notamment des coûts de production, pour permettre aux agriculteurs de s'aider dans les négociations commerciales. La loi permet également la possibilité de renégocier les prix en cas de fortes variations du coût des matières premières ou de l'énergie via des clauses de renégociations.

Avec Egalim 2, adoptée en 2021, les agriculteurs continuent de proposer leur prix mais cette fois la signature d'un contrat devient désormais obligatoire contrairement à la précédente loi. « Avec Egalim 2, les matières premières agricoles ont été sanctuarisées, c'est-à-dire qu'on ne peut pas négocier leur prix. Dans chaque produit, cette part n'est donc pas négociable entre les intermédiaires et les distributeurs », précise Caroline Bellone-Closset, avocate au cabinet CornetVincentSégurel. Un mécanisme de révision automatique du prix est également mis en place pour mieux prendre en compte les évolutions liées au marché.

Enfin, Egalim 3 ou loi dite Descrozaille (du nom du parlementaire qui a porté le texte) de 2023, poursuit le travail des deux premières lois pour limiter la guerre des prix entre les distributeurs. Elle vient également prolonger les mesures d'encadrement des promotions sur les produits alimentaires et de grande consommation (hygiène, beauté, ...) ou encore le seuil de revente à perte. Ce dernier, mis en place lors de la loi Egalim 1 oblige les supermarchés à vendre leurs produits au prix auquel ils les ont achetés en les majorant de 10%.

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Pourquoi la loi Egalim est au cœur des revendications des agriculteurs ?

Alors que les négociations commerciales annuelles avec les plus gros industriels et les supermarchés doivent s'achever le 31 janvier, l'efficacité et le respect des lois Egalim sont pointés du doigt par les agriculteurs. « Certains distributeurs renient le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles et refusent de reconnaître la hausse des coûts de production industriels (énergie et salaires) », a notamment reproché la Coopération agricole. Rien que mi-janvier, des éleveurs laitiers se sont rassemblés devant des sites Lactalis en Mayenne pour dénoncer les prix du lait fixés par le groupe industriel, jugés trop bas et donc contraire à la loi. Un viticulteur bordelais a également attaqué des négociants au tribunal, en les accusant de lui avoir acheté du vin en vrac à un tarif « abusivement bas ». Une première depuis la mise en place de la loi Egalim en 2018.

Mais il faut dire que ces derniers mois, avec l'inflation, la pression était mise sur les distributeurs qui se sont fournis aux prix les plus bas possibles. « Maintenant les agriculteurs ne sont pas contents : on essaye de concilier des intérêts radicalement divergents entre d'un côté la rémunération des agriculteurs et de l'autre la préservation du pouvoir d'achat », commente l'avocate Caroline Bellone-Closset.

Le gouvernement a annoncé qu'il allait prononcer trois sanctions très lourdes à l'encontre de trois entreprises qui ne respectent pas les lois Egalim. Le Premier ministre a annoncé vendredi dernier un renforcement des contrôles et a promis de mettre une « pression maximale » sur les négociations.

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Des mesures difficiles à appliquer

Cependant, s'il y a des sanctions, elles risquent d'être « contestables », note Caroline Bellone-Closset. Car dans les faits, les lois Egalim « sont dures à appliquer », confie l'avocate. Pour commencer, il est difficile pour certains agriculteurs de rédiger les contrats et de ce fait de proposer leurs prix aux intermédiaires. A la fin, ce sont bien souvent les acheteurs qui rédigent les contrats. Il n'est également pas évident pour eux de calculer exactement leurs coûts de production. Qui plus est, dans le monde agricole, les situations diffèrent les unes des autres. « Dans certaines filières, personne ne sait comment appliquer le texte », explique-t-elle.

Résultat, des agriculteurs continuent encore de vendre à perte. « La loi Egalim n'est pas une solution miracle pour la rémunération des agriculteurs », défend-elle. Car au-delà de la loi Eglim, les agriculteurs dépendent aussi de la loi de la concurrence. Un agriculteur qui n'est pas performant peut se retrouver évincer du marché. « Ce n'est pas possible de faire une loi qui interdit à un producteur de vendre à perte », précise-t-elle. Avant de conclure : « C'est le système dans son ensemble qui pose problème ».

Commentaires 3
à écrit le 30/01/2024 à 12:58
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C'est pourtant limpide, les producteurs vendent avec des marges insuffisantes. Il faut donc une base minimum garantie pour les producteurs. Donc les leviers pour agir se situent ailleurs. Le prix n'est pas viable, il faut garantir la marge. Négoc...

à écrit le 30/01/2024 à 9:50
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Pour ceux qui savaient pas l’état à montre son impuissance pour faire appliquer les lois qui demandent du courage..

à écrit le 30/01/2024 à 9:03
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On comprend que la FNSEA soit particulièrement gênée aux entournures hein ! ^^

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