Colère des agriculteurs : à Rungis, l'inquiétude des commerçants grandit

Ils roulent vers le marché d'intérêt national de Rungis. Insatisfaits, les agriculteurs ont repris leur mouvement lundi. Après huit autoroutes en direction de Paris bloquées, la Coordination rurale du Lot-et-Garonne prévoit de paralyser le marché à partir de mardi. A Rungis, on retient son souffle.
Générant 10 milliards de chiffres d'affaires par an, la plateforme géante de produits nourrit l'île de France quotidiennement.
Générant 10 milliards de chiffres d'affaires par an, la plateforme géante de produits nourrit l'île de France quotidiennement. (Crédits : Pauline Chateau / La Tribune)

« A chaque conflit social, les appels à bloquer le marché de Rungis se font entendre. C'est normal, c'est un marché d'intérêt national (MIN) », relativise un porte-parole du marché. En 2019, par exemple, pendant le mouvement des gilets jaunes, plusieurs syndicats avaient tenté de bloquer un des points d'entrées, la « grande porte » de Thiais.

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Quelque 500 personnes étaient présentes pour empêcher les camions de rentrer. Selon eux, les gros cylindrés incarnaient les acheteurs du patronat. Les voitures, elles, censées appartenir à de plus petits commerçants, étaient autorisées à passer. La tentative avait engendré un important ralentissement. Toutefois, elle n'avait pas suffi à bloquer réellement le marché, tant les points d'entrées sont divers, et le marché, étendu.

CRS et véhicules blindés pour protéger l'entrée du marché

« Hier soir, cette nuit et ce matin, un important dispositif de sécurité a été déployé par la Préfecture du Val-de-Marne, sur les 6 entrées aux péages du marché. Les policiers se chargent de filtrer les entrées en vérifiant la carte des professionnels qui viennent acheter » précisait donc, lundi midi, Rungis. Par « important dispositif », il faut entendre : camions de gendarmerie, véhicules blindés et des centaines d'agents mobilisés. Une paralysie du marché serait particulièrement inquiétante.

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Générant 10 milliards de chiffres d'affaires par an, la plateforme géante de produits nourrit l'Ile-de-France quotidiennement, et impacterait approximativement 18 millions de consommateurs par année. Étalés sur 234 hectares, le « garde-manger » fait aussi travailler 12.000 salariés, compte 1.200 entreprises, et 26.000 acheteurs professionnels. Une ruche qui ne connaît pas de repos.

« Pour l'instant, le marché fonctionne normalement. Le filtrage a simplement généré 5 minutes d'attente dans la file » assure-t-on à Rungis. « Nous suivrons les recommandations de la préfecture, et plus largement du ministère de l'Intérieur, pour la suite des événements. » Reste qu'il est trop tôt pour savoir si le blocus va fonctionner, et s'il va perdurer. Aucune anticipation précise de la part du marché de Rungis n'est donc prévue.

Moins de produits, montée des prix

Les grossistes eux, commencent à s'inquiéter. Najim Boulakout de chez Marechal légumes, grossiste à Rungis, témoigne : « Il est vrai que pour l'instant tout fonctionne. Mais nous n'avons aucune vision sur l'avenir. Hier j'attendais de la marchandise en provenance de Perpignan qui n'est jamais arrivée à cause des autoroutes bloquées - 16 le sont toujours ce lundi. J'ai pu me faire dépanner par un autre fournisseur, mais je ne tiendrai pas plus de deux jours. » En attendant le blocus « tout est calme ». Il décrit une ambiance d'attente, quelque peu pesante mais qui n'empêche pas les professionnels de travailler.

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« S'ils bloquent vraiment, je commencerai à perdre de l'argent à partir de jeudi. Et nous sommes nombreux dans ce cas » précise-t-il. Il surenchérit : « Les prix ont déjà commencé à augmenter pour ceux dont la marchandise se raréfie. » Pour lui, ce sont les restaurateurs qui vont en pâtir le plus, le risque : « Qu'ils n'aient rien à mettre dans les assiettes. »

Najim Boulakout n'attend qu'une chose, « que le gouvernement donne des réponses aux agriculteurs qui suffiront à calmer le mouvement. » Gabriel Attal prononcera d'ailleurs son discours de politique générale ce mardi dès 15 heures à l'Assemblée nationale. Réussira-t-il, cette fois-ci, à éteindre le feu ?

Dans les rangs des agriculteurs en tout cas, on reste très déterminés à obtenir des résultats. La trentaine de tracteurs qui a pris la route ce matin d'Agen est accompagnée d'un camion de ravitaillement contenant de la nourriture, du carburant, des tables, des matelas, un brasero et quelques drapeaux français. Le conducteur de ce camion confiait en début de journée, aux journalistes de l'AFP : « On est déterminés mais la durée est indéterminée. On a de quoi tenir 8 jours, peut-être même 15. »

A qui va gagner ce blocus ?

Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture s'est exprimé ce midi sur BFMTV au sujet du blocage, et dénonçait ce matin une action qui pourrait « pénaliser les agriculteurs ».

« Rungis, c'est le lieu où viennent converger la plupart des produits français [...] quand vous bloquez Rungis, vous bloquez la capacité d'écoulement des producteurs. Qui va gagner à ça ? ».

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Les avis sont évidemment divergents. Le représentant de la Confédération paysanne à Agen, mitigé, a confié à l'AFP : « Ils ont raison de se rendre à Rungis, car c'est le symbole du libre-échange. Mais eux (sous-entendu, les syndicats qui bloqueront le marché, ndlr), contrairement à nous, veulent s'adapter à la logique de compétition et du libre-échange. Nous, on la remet en cause. »

Commentaires 2
à écrit le 30/01/2024 à 8:15
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Je peux vous dire que si c'était les soulèvements de la terre qui organisaient de telles manifestations ils seraient déjà tous en prison.

à écrit le 30/01/2024 à 7:57
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C'est surtout un marché qui s'en fout plein les pognes, depuis bien trop longtemps. On parle souvent des distributeurs finaux qui se graissent la patte, ok, mais jamais de tous ces intermédiaires qui ne produisent pas ce qu'ils revendent, et qui sont...

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