Désindustrialisation : le patronat européen appelle l'UE à « changer de cap »

Par latribune.fr  |   |  818  mots
Afin d'améliorer la compétitivité de l'UE face aux États-Unis et à la Chine, l’exécutif européen a déjà adopté jeudi dernier un texte qui simplifie et étend les possibilités de subventions publiques jusqu'à fin 2025. (Crédits : POOL New)
L'UE doit d'urgence faire baisser les prix de l'énergie et alléger les réglementations face au « risque réel de désindustrialisation », alerte le patronat européen. L’organisation juge insuffisant le texte adopté la semaine dernière pour faciliter les aides d’État en faveur des entreprises contribuant à réduire les émissions de CO2. Bruxelles s'apprête justement à dévoiler dans les prochains jours de nouvelles propositions pour améliorer la compétitivité du Vieux continent.

Alors que la Commission européenne doit dévoiler dans les prochains jours une proposition de réforme du marché européen de l'électricité, ainsi que des textes pour accélérer les procédures de nouvelles implantations dans les technologies vertes en Europe et mieux garantir l'approvisionnement en matières premières critiques, l'organisation qui regroupe les fédérations d'employeurs de 35 pays alerte : « Le risque de désindustrialisation est réel ».

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Le directeur général de BusinessEurope, Markus Beyrer, affirme ainsi dans un message transmis à l'AFP que de nombreuses sociétés sont en train de délocaliser partiellement ou totalement leur production hors d'Europe. Quelques exemples à l'appui : le chimiste BASF a annoncé en février la fermeture de plusieurs unités de production en Allemagne, invoquant un manque de compétitivité lié aux prix du gaz. Quelques jours plus tôt, le constructeur automobile Ford avait annoncé 3.800 suppressions de postes en Europe d'ici 2025.

Il faut dire que la concurrence est rude : les prix de l'énergie en Europe, bien qu'en baisse, restent encore très supérieurs à ceux des États-Unis. Ces derniers ont également lancé un vaste plan de subventions - IRA (pour Inflation Reduction Act) - qui attirent les industriels européens : les plus grands ouvrent ou agrandissent des usines outre-Atlantique dans la mobilité électrique et les énergies renouvelables pour des dizaines de milliards d'euros. Ce plan accroît ainsi la pression sur l'industrie européenne qui souffre déjà depuis des années des pratiques déloyales de la Chine.

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L'UE contre-attaque

Pour justement répondre aux subventions massives distribuées aux États-Unis et en Chine, l'exécutif européen a déjà adopté jeudi dernier un texte facilitant les aides d'État en faveur des entreprises contribuant à réduire les émissions de CO2. Le texte simplifie et étend les possibilités de subventions publiques jusqu'à fin 2025. Il inclut notamment un mécanisme qui permettra aux États membres, dans certains « cas exceptionnels », de s'aligner sur le montant d'aide proposé par un pays tiers pour éviter qu'il ne « détourne » un investissement prévu en Europe.

L'instrument permettra par ailleurs « d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables et les projets de décarbonation de l'industrie », selon la Commission. En particulier, il « simplifie » les conditions pour accorder des aides en faveur de « petits projets » ou bien de technologies pas encore mûres comme l'hydrogène issu de sources renouvelables. Il élève les plafonds d'aide autorisés et simplifie le calcul des montants versés.

Le texte prévoit de nouvelles mesures pour soutenir l'investissement dans des équipements jugés stratégiques comme les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes, les pompes à chaleur, les systèmes de capture et stockage de carbone, mais aussi dans des composants clé ainsi que la production et le recyclage de matières premières critiques. Parmi elles, des systèmes de subvention simplifiés sous la forme d'un pourcentage de l'investissement total ou d'un forfait, dont les montants pourront être accrus s'ils sont versés via des avantages fiscaux.

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Réductions de taxes et allégement administratif

Reste que BusinessEurope, dont font notamment partie le Medef en France et le BDA en Allemagne, juge ces efforts insuffisants et trop lents. L'organisation réclame « des réductions de taxes » pour faire baisser rapidement les tarifs de l'énergie. « Les décideurs politiques ne doivent pas se laisser abuser par (...) la baisse récente des prix de l'énergie » en Europe, car ils restent élevés en comparaison internationale et « resteront plus élevés que ceux des principaux (pays) concurrents », avertit Markus Beyrer. Les milieux d'affaires européens « appellent l'UE à changer de cap de toute urgence », a ajouté le dirigeant autrichien.

Après l'énergie, « l'empilement des réglementations est le problème numéro un des entreprises », assure-t-il, s'appuyant sur une enquête récente de l'organisation patronale. « Pour la seule année 2023, la Commission européenne prévoit de présenter 43 nouvelles initiatives politiques en plus de 116 propositions déjà en attente, (...) dont un nombre croissant n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact appropriée », déplore Markus Beyrer. Cette charge réglementaire « pousse encore plus les entreprises et les investissements à quitter le continent », affirme-t-il.

La baisse des taxes sur l'énergie et la réduction des demandes redondantes en matière de reporting social et environnemental figurent en tête d'un paquet de 11 propositions concrètes formulées par BusinessEurope dans un document publié ce lundi.

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(Avec AFP)