Plan Biden : une pluie d'investissements européens tombe sur le sol américain

Séduits par les subventions de Joe Biden et les prix de l'énergie aux Etats-Unis, les grands industriels européens investissent massivement outre-Atlantique dans les industries vertes. Cet exode de capitaux risque d'être lourd de conséquences pour l'Europe, comme autant d'opportunités manquées de réindustrialisation.
Joe Biden à un meeting démocrate jeudi à Baltimore.
Joe Biden à un meeting démocrate jeudi à Baltimore. (Crédits : Reuters)

« Le succès de la stratégie industrielle de Joe Biden. » Deux mois après son entrée en vigueur, la loi IRA (pour Inflation Reduction Act) est déjà portée au pinacle dans les communiqués de la Maison Blanche. Pour une fois, l'habituelle emphase des Américains n'est pas si éloignée de la réalité. Même avant l'IRA, le seul secteur des véhicules électriques a attiré 73 milliards d'euros d'investissements privés en 2022. Soit plus que sur les sept dernières années cumulées.

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La présidence américaine affiche sur son site la liste des entreprises qui ont investi ces derniers mois outre-Atlantique dans les industries vertes. Le tableau de chasse a de quoi faire pâlir d'envie - ou d'angoisse - l'Europe. BASF, Stellantis, Iberdrola, Siemens Gamesa, Solvay, Volkswagen, BMW, Engie... Les plus grands industriels européens ouvrent ou agrandissent des usines aux Etats-Unis dans la mobilité électrique et les énergies renouvelables pour des dizaines de milliards d'euros. Le champion ibérique des renouvelables Iberdrola compte ainsi investir 25 milliards d'euros sur les deux prochaines années en Amérique.

Des dizaines de milliards d'euros d'investissements

L'IRA, annoncée en fanfare depuis l'été dernier et entrée en vigueur le 1er janvier, cherche à ancrer ces filières d'avenir sur le sol américain, à travers des subventions et des crédits d'impôts à la production et à l'achat. 391 milliards de dollars d'aides sur dix ans qui ne bénéficient qu'aux technologies made in USA. Les groupes européens cèdent d'autant plus facilement aux sirènes de l'Amérique qu'elle offre, en plus de l'IRA, des coûts de l'énergie ultra-compétitifs jusqu'à six fois moins chers qu'en Europe.

En France, le groupe Vinci ne cache non plus son intérêt pour les Etats-Unis. Dans un entretien à La Tribune, son PDG, Xavier Huillard a clairement indiqué qu'il étudiait un développement dans les énergies renouvelables outre-Atlantique.

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De son côté, le géant de la chimie allemande BASF, orphelin de ses contrats avec Gazprom et victime de la flambée des coûts du gaz, ferme plusieurs unités de son site historique de Ludwigshafen. En parallèle, il agrandit celui de Geismar en Louisiane pour près d'un milliard d'euros. Cet exode ne prend pas toujours la forme d'une délocalisation.

Course aux technologies de rupture

« On parle de l'électrique, des énergies renouvelables, de secteurs qui ne sont pas encore structurés, d'innovations qui n'existent pas encore. Pour chiffrer ce mouvement de l'Europe vers les Etats-Unis, on ne peut pas utiliser les statistiques classiques, en termes d'emplois, de milliards d'investissements. Par exemple, certains secteurs comme l'hydrogène ne sont même pas comptabilisés en tant que tels par l'INSEE. Il faut faire une analyse au cas par cas », observe l'économiste du cabinet BDO Anne-Sophie Alsif qui mène une étude sur le sujet.

A écouter cette spécialiste de l'économie internationale, les Etats-Unis parient plus sur la découverte de technologies de rupture autour desquelles bâtir un écosystème industriel, que sur le rapatriement de productions existantes.

Après avoir crié au loup à l'automne, la classe dirigeante européenne se tient silencieuse depuis que ses craintes se sont matérialisées. La portée de l'IRA est même parfois minorée. Le CEPII, centre de réflexion économique rattaché à Matignon, avance dans une note publiée en février que son « effet pourrait être limité ». Les investissements qui pleuvent sur les Etats-Unis « n'auraient pas eu lieu sans l'IRA, ni en Europe ni aux États-Unis ».

Dans les faits, les fonds envoyés d'un côté de l'Atlantique représentent parfois autant d'investissements en moins de notre autre côté de l'océan. En témoignent les récentes annonces de Tesla. Le constructeur gèle ses investissements dans sa gigafactory de Berlin quand il agrandit son usine du Nevada pour 3,6 milliards de dollars. « L'assemblage de cellules de batteries Tesla se concentrera aux États-Unis en raison des bonnes conditions créées par la législation américaine IRA, qui prévoit des allégements fiscaux », a déclaré le fabricant de voitures électriques.

L' « impatience » des industriels européens

A l'image d'Ursula von der Leyen qui fait les fonds d'enveloppes du plan de relance pour trouver des financements équivalents à l'IRA, les responsables européens tendent à se concentrer sur les volumes d'argent débloqués. Pourtant, les subventions de l'IRA rapportées au PIB américain pèsent autant que France 2030 dans l'Hexagone. Interrogés sur l'IRA, les industriels louent la simplicité de ses mesures et surtout leur timing« C'est maintenant que se structurent les filières industrielles de demain. Il y a une question de timing. Il faudrait une réaction rapide de l'Europe. Même si certains projets vont dans le bon sens, l'UE est lente et compliquée quand les principes de l'IRA sont simples et pragmatiques avec un unique crédit d'impôts », alerte le président de France Hydrogène Philippe Boucly.

Dans l'hydrogène tricolore, il ne constate pas encore d'hémorragie de capitaux industriels vers les Etats-Unis dans sa filière, mais admet que « l'impatience » des professionnels de l'hydrogène pointe, tout comme la tentation de partir aux Etats-Unis. Tant pour l'IRA que pour le coût de l'énergie.

L'Europe « à la veille d'une nouvelle désindustrialisation »

Surtout, Philippe Boucly déplore les six mois de retard qu'a pris Bruxelles en 2022 pour débloquer les aides publiques aux projets dans l'hydrogène. Dans le même temps, l'allemand Linde construit un complexe de production d'hydrogène bleu au Texas de 1,8 milliard de dollars.

Lire aussi« Buy European » : l'impossible réponse européenne face au protectionnisme américain

Sur le plan politique, l'économiste Anne-Sophie Alsif s'étonne d'une « Europe atone », qui « n'envoie aucun signal aux industriels européens, y compris sur les prix de l'énergie ». Bruxelles se contente en effet de négocier des exemptions à l'IRA et exclut tout soutien direct au made in EU« Si on ne fait rien, on est à la veille d'une nouvelle désindustrialisation. Nous ne sommes qu'au début de la révolution industrielle verte. On risque de réaliser les opportunités manquées dans vingt ans. Comme lorsqu'on a pris conscience pendant la crise sanitaire des conséquences de la désindustrialisation des années 2000 », craint-elle.

Ce dimanche à Berlin où elle rendait visite au chancelier Olaf Scholz, Ursula von der Leyen a assuré qu'une action législative européenne dans une quinzaine de jours proposerait de débloquer les aides et les fonds européens qui n'ont pas été utilisés jusqu'à présent pour la transition verte dans l'UE.

Commentaires 27
à écrit le 07/03/2023 à 14:26
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Tous les matins l'oncle Sam se réveille en se demandant comment détruire l'UE et l'euro. La plus belle trouvaille c'est d'avoir fait croire aux ukrainiens qu'ils entreraient dans l'OTAN et dans l'UE pour "énerver" l'ours russe qui n'avait pas besoin ...

à écrit le 06/03/2023 à 22:46
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En sacrifiant l'Ukraine, les États-Unis résolvent pour eux-mêmes toute une série de tâches politiques et économiques les plus importantes : affaiblir la Russie, renforcer la discipline de bloc au sein de l'OTAN, restaurer le statut ébranlé de superpu...

le 06/03/2023 à 22:54
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Point de vue très enrichissant comme à l' habitude de Noam Chomsky, le grand linguiste de la gauche us, -" Il est important de rappeler à quel point les États-Unis sont isolés hors du monde anglophone. Et ont avec eux seules les élites europé...

à écrit le 06/03/2023 à 22:39
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Au cas où certains n'auraient toujours pas compris qu'il il faut sortir de l'union européenne de toute urgence. Cela devient critique. La réalité est là, l'UE n'est qu'un protectorat américain qui se fait piller avec la corruption de nos dirigeants q...

à écrit le 06/03/2023 à 22:02
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Voilà comment F Asselineau démontrait dans une de ses toutes premières conférences la face cachée de la construction européenne et anticipait son futur qui vient de rattraper l' ensemble des peuples européens contre leur vol...

à écrit le 06/03/2023 à 19:02
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Au moins ils ne perdront pas bêtement leurs argents en Europe, merci Hollande ! Ils seront absorbés par l'économie américaine.

à écrit le 06/03/2023 à 17:30
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A propos...qui est le grand vainqueur du nouveau suicide européen....comme en 1918 et en 1945 ? .manifestement nos Macron and co ne comprennent rien et se sont laissés embarquer dans une politique contre productive, alors que bien sûr pour soutenir l...

le 06/03/2023 à 19:06
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C' est le but de Macron et Scholz, celui de deux vassaux du gauchisme américain. Le but poursuivi par le premier était de naufrager la France patrie des droits de l' homme, de souche catholique et pour Scholz de naufrager l'...

à écrit le 06/03/2023 à 17:16
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Ah le réalisme américain dans toute sa splendeur. Euh en Europe, on réveille quand ? Et pour les autres, comparer les US et la France,,,tsssss : les US c'est une autre culture économique/sociale, c'est 1 langue commune, 6 fuseaux horaires, et c'est...

à écrit le 06/03/2023 à 17:06
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Quiconque a les américains pour amis n'a plus besoin d'ennemis.

à écrit le 06/03/2023 à 14:10
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Clairement l'empire américain est plus rassurant que les califats européens... malgré sa dette abyssale.

le 06/03/2023 à 15:03
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constat. après la France désinstrualisée ! la renaissance politique active elle le chemin d une France désagriculturisée ?

à écrit le 06/03/2023 à 13:12
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Ce qui était attendu se produit ,il faut vraiment être naïf pour s'en plaindre. Investir aux USA en bénéficiant de larges subventions et d'une énergie très bon marché ou investir en Europe avec ses règles anti concurrence malthusiennes et avec une é...

à écrit le 06/03/2023 à 12:11
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À quoi sert l'UE ? À perdre de l'argent, encore et encore, en nous enfonçant dans la dette abyssale, pour des idéaux fallacieux que l'UE est la première à trahir ! Bien sûr que les américains en profitent puisque c'est leur bébé, créé pour asservir l...

à écrit le 06/03/2023 à 11:43
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La France championne UE des investissemennts étrangers n"'est évidemment pas concernée.....à moins que nos investisseurs paient leur énergie le même prix que les entreprises locales, donc ils vont quand même y réfléchir

à écrit le 06/03/2023 à 11:41
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Depuis le covid et l'épisode "vaccins" quel européen n'a pas compris que l'Europe toute entière était sous la férule de plus en plus féroce de ces "amis" américains ? On va se faire plumer jusqu'à se retrouver nus comme des vers. Et personne en Europ...

à écrit le 06/03/2023 à 10:45
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« Le succès de la stratégie industrielle de Joe Biden. », guerre en Ukraine + traitres au pouvoir en UE => sanction contre la Russie. sabotage de Nordstream => explosion du prix de l'Energie. subventions aux US => délocalisation aux US => effondremen...

le 07/03/2023 à 11:04
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@truc "sabotage de Nordstream" A noter, sur ce sujet que les allemands viennent d'annoncer qu'ils refusaient de donner leur conclusion de leur enquête.Est-ce lié aux rumeurs qui laissent entendre que ce sont les américains à l'origine de ce sab...

à écrit le 06/03/2023 à 10:41
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Et vous n'avez encore rien vu... A la fin de la guerre en Ukraine, les marchés de travaux de reconstruction de l'Ukraine seront confiées à des entreprises Américaines, le tout financé par l'Union Européenne donc avec nos impots. Les entreprises Euro...

le 07/03/2023 à 15:24
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Évidemment,comme au Koweït et en Irak où tous les contrats de reconstruction on été attribués à des société US. En même temps en Ukraine les USA sont le principal bailleur de fonds donc il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils partagent le gâteau de la...

à écrit le 06/03/2023 à 9:51
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Il faut s'attendre à voir grossir de très grosses bulles dans le secteur des mobilites qui ne manqueront pas de se dégonfler avec pertes ( et fracas). Surtout dans la mobilité électrique si on continue à considérer que la mobilité électrique doit êtr...

à écrit le 06/03/2023 à 9:08
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Construire une "Union Européenne" était censé nous permettre d'échapper à ça ! Bien joué ! ;-)

à écrit le 06/03/2023 à 7:53
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Et voila, le tour est joue. L'europe suiveuse va mourir lentement au profit des americains. Plus bete, ca n'existe pas.

le 06/03/2023 à 8:47
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depuis trop longtemps que les enarques qui nous dirige sont a la botte des usa ou est le soutien de l'amerique a l(inflation en europe promise par m biden c(est tous pour les usa et rien pour les autres

à écrit le 06/03/2023 à 7:27
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Bonjour, Personnellement je ne comprends pas que des investissement européenne a nos entreprises arrivent sur le sol américain... Les aides économique doivent être assorti d'une localisation de développement...

le 06/03/2023 à 11:12
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Une entreprise europeenne peut investir ou elle veut,c est son argent, pas celui de l UE. Si on veut que les investissement se fassent ici, il faut que les conditions soient favorables. Et le moins qu on puisse dire c est que c est pas le cas avec la...

à écrit le 06/03/2023 à 7:12
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Et oui, le protectionnisme et le nationalisme ça paye....mais une majorité de Français continue de rêver le jour des élections et de beugler dans la rue pendant les 5 années qui suivent....il y a ceux qui soumettent et les soumis....et on voit bien o...

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