L'Europe s'apprête à assouplir de manière ciblée ses règles sur les aides publiques

Face aux massives subventions américaines (Inflation Reduction Act), les dirigeants des Vingt-Sept, réunis lors d'un sommet à Bruxelles, ont ouvert la voie à un assouplissement accru des règles sur les aides publiques dans l'Union européenne, mais de façon « ciblée, temporaire et proportionnée » pour éviter une fragmentation du marché unique. Signe de tiraillements entre Etats membres, la déclaration finale des Vingt-Sept, adoptée dans la nuit, insiste sur la nécessité de « maintenir l'égalité des conditions de concurrence » au sein de l'UE, tout en garantissant « un accès équitable aux financements ».
Réunis à Bruxelles, les dirigeants des Vingt-Sept se sont mis d'accord sur la nécessité d'adapter le régime des aides d'Etat sans menacer « l'intégrité du marché unique ».
Réunis à Bruxelles, les dirigeants des Vingt-Sept se sont mis d'accord sur la nécessité d'adapter le régime des aides d'Etat sans menacer « l'intégrité du marché unique ». (Crédits : Reuters)

Le sommet de Bruxelles qui a réuni les dirigeants européens a finalement abouti à une déclaration commune en matière d'aides d'Etat pour répondre en particulier aux subventions accordées aux entreprises américaines dans le cadre de l'Inflation Reduction Act, le plan climat de Joe Biden. En matière d'aides d'Etat, « les procédures doivent être rendues plus simples, plus rapides et plus prévisibles », et « permettre de déployer rapidement un soutien ciblé, temporaire et proportionné (...) dans les secteurs stratégiques pour la transition écologique », ont ainsi indiqué les chefs d'Etat et de gouvernement européens dans une déclaration commune.

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« Nous voulons être pragmatiques », en adaptant le régime des aides d'Etat sans menacer « l'intégrité du marché unique », a résumé le président du Conseil européen Charles Michel.

D'ici le prochain sommet des Vingt-Sept fin mars, la Commission européenne est chargée de traduire en propositions législatives le plan formulé la semaine dernière par sa présidente Ursula von der Leyen pour muscler les industries vertes du continent.

Donner de plus de flexibilité aux Etats dans l'octroi d'aides aux entreprises impliquées dans les énergies renouvelables

L'exécutif européen souhaite donner plus de flexibilité aux Etats membres dans l'octroi d'aides aux entreprises impliquées dans les énergies renouvelables (solaire, éolien) et la décarbonation de l'industrie (hydrogène, électrification, efficacité énergétique), certains investissements dans de nouvelles usines pouvant être soutenus par des « avantages fiscaux ».

Mais cette idée est accueillie avec prudence parmi les Etats membres, divisés entre partisans du libre marché et avocats d'une intervention étatique, alors même que tous les pays n'ont pas les mêmes marges de manœuvre financières pour aider leurs entreprises.

Signe de ces tiraillements, la déclaration finale des Vingt-Sept, adoptée dans la nuit, insiste sur la nécessité de « maintenir l'égalité des conditions de concurrence » au sein de l'UE, tout en garantissant « un accès équitable aux financements ».

Alors que le carcan des subventions nationales est déjà assoupli depuis le début de la pandémie en 2020, l'ouvrir encore risque de profiter aux grands pays riches, essentiellement l'Allemagne et la France, qui pourraient favoriser de façon excessive leurs entreprises au détriment de leurs concurrentes de l'UE.

L'Italie et plusieurs « petits » pays mènent une fronde

L'Italie et plusieurs « petits » pays dont l'Autriche, le Danemark et la Finlande mènent ainsi une fronde pour un mécanisme plus ciblé et limité possible, au risque de le rendre insignifiant.

« Nous étions inquiets d'un assouplissement excessif des aides d'Etat, au risque de saper le marché intérieur. Mais désormais, il s'agit d'une mesure temporaire et ciblée sur l'innovation et les technologies vertes, exactement là où nous devons rivaliser avec les Américains », a observé le premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Les Vingt-Sept prennent « note » de l'idée d'un Fonds de souveraineté

Pour atténuer le risque de fragmentation du marché unique, certains Etats membres, France et Italie en tête, réclament, par ailleurs, de nouveaux financements communs. Ursula von der Leyen a promis de proposer avant l'été un « fonds de souveraineté » européen qui permettrait d'investir dans la recherche ou le capital d'entreprises stratégiques. Mais l'idée est rejetée par plusieurs pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, hostiles à toute augmentation de leur contribution au budget de l'UE. Au final, dans le texte adopté vendredi, les Vingt-Sept se contentent simplement de « prendre note » de l'idée d'un fonds de souveraineté.

Dans l'immédiat, les dirigeants européens appellent plutôt « à déployer de manière plus souple les fonds existants de l'UE » pour garantir l'équité entre les Etats. La Commission table sur la mobilisation des fonds du plan de relance européen à 800 milliards d'euros (NextGenerationEU) dont 250 milliards pourraient être consacrés à la transition verte. En incluant d'autres financements déjà débloqués, le total pourrait approcher les 370 milliards de dollars annoncés par les Américains dans leur plan climat adopté l'été dernier. « On peut répondre (au plan américain) avec les crédits dont nous disposons », a reconnu Emmanuel Macron à l'issue du sommet.

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Il est possible pour l'Europe de « bâtir des mécanismes comparables en volume, en mobilisant ce qu'on a déjà » mais aussi « en rapidité, et c'est là que la flexibilisation des aides d'Etat et la possibilité d'utiliser des crédits d'impôts est très importante », a-t-il commenté, fustigeant les délais actuels pour accorder des subventions dans l'UE.

Concernant un possible Fonds de souveraineté et des financements communs supplémentaires, « on connaît les divisions, il n'y a pas de consensus aujourd'hui entre les Etats, mais le débat viendra », a assuré le président français.

La Confédération européenne des syndicats (CES) appelle à soumettre les subventions à des conditions

Pas de subventions sans conditions : la Confédération européenne des syndicats (CES) a appelé jeudi les dirigeants européens réunis à prévoir des clauses sociales et environnementales dans leur réponse à l'IRA américain.

Si les subventions envisagées ne sont pas conditionnées au respect de standards sociaux et environnementaux, avertit la CES, « 250 milliards d'euros de fonds européens et des milliards d'aide publique nationale pourraient être accordés à des sociétés qui tirent vers le bas » ces standards.

« Augmenter l'investissement public dans l'industrie verte est la bonne chose à faire, mais les dirigeants (politiques, NDLR) ont la responsabilité de s'assurer que l'argent public est utilisé au service du bien commun », affirme Esther Lynch, la secrétaire générale de la CES. Les éventuels profits issus du soutien des Etats à l'industrie doivent être « investis et partagés avec les salariés » plutôt que « siphonnés » par les « PDG et les actionnaires », insiste-t-elle.

Secrétaire général de la confédération de syndicats de l'industrie, IndustriAll, Luc Triangle appelle lui aussi les firmes européennes à « garantir une transition énergétique juste », qui assure « le dialogue social, des salaires équitables, des emplois de qualité et des standards sociaux élevés ».

 (Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 10/02/2023 à 13:34
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si vous avez des projets foireux, idiots, pas rentables, ou les 3, foncez !!!!!!!!! le guichet a cheques ' quoi qu'il en coute aux allemands' est a nouveau ouvert, avec de la bonne monnaie ( pardon, du papier q) fraichement imprime par la banque cent...

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