En Allemagne, un libéral nommé ministre des Finances veillera à l'orthodoxie budgétaire

Par latribune.fr  |   |  818  mots
Christian Lindner, 42 ans, a obtenu le poste aux Finances, alors qu'il était convoité par les Verts durant les négociations de la nouvelle coalition. (Crédits : Wolfgang Rattay)
Plus de deux mois après le scrutin, l'Allemagne connaît les noms de ses nouveaux ministres qui vont devoir tourner la page des seize années du règne d'Angel Merkel. La tâche est d'autant plus périlleuse qu'outre-Rhin les compteurs de l'inflation s'affolent en même temps que la reprise fulgurante des contaminations fait peser le risque de nouvelles restrictions. Le libéral Christian Lindner, défenseur de l'orthodoxie budgétaire, entend rétablir la trajectoire des finances publiques.

Les visages du nouveau gouvernement allemand, issu des élections du 26 septembre au cours desquelles aucun parti n'avait remporté suffisamment de sièges pour diriger seul l'Allemagne, commencent à être dévoilés. La coalition tripartite aux couleurs d'un feu tricolore (rouge SPD, jaune FDP, Verts) était parvenue à trouver un accord, qui prévoit que ce sont les libéraux démocrates (Freie Demorkratische Partei) qui détiendront le ministère des Finances, après près de deux ans de crise Covid-19, a annoncé mercredi Olaf Scholz, le futur chancelier. Jamais une telle coalition politique qui va mettre fin aux seize années de règne d'Angela Merkel n'a été au pouvoir dans l'Allemagne d'après-guerre.

Contrairement à la France qui poursuit sa politique du "quoi qu'il en coûte" afin d'éviter la faillite aux entreprises durant la pandémie, l'Allemagne compte bien retrouver rapidement le chemin de la rigueur budgétaire. Elle est d'autant plus sous pression que, outre-Rhin, l'inflation atteint un niveau inédit depuis 30 ans, proche des +5% sur un an.

Ensuite, la première puissance économique européenne fait face à un regain virulent de l'épidémie. Face à la quatrième vague, Berlin a déjà décidé de prolonger ses aides aux entreprises jusqu'en avril 2022.

Jusqu'ici, l'Etat allemand a déboursé plus de 72 milliards d'euros en aides aux entreprises, en plus d'avoir accordé 54 milliards d'euros de crédits, selon des chiffres du ministère publiés la semaine dernière. Le chômage partiel y a coûté depuis le début de la pandémie quelque 31 milliards d'euros.

Un opposant farouche aux hausses d'impôts, même pour les riches

Aussi, après le départ de Jens Weidmann, un autre chantre de la rigueur budgétaire, à la tête de la banque centrale, la nouvelle coalition s'est dotée d'un autre conservateur avec l'arrivée de Christian Lindner aux Finances, un poste convoité par les Verts durant les négociations. L'objectif est de revenir "en 2023" aux règles de rigueur budgétaire.

"Nous limiterons à partir de 2023 l'endettement à ce que permet le frein constitutionnel", selon le contrat de coalition négocié pendant plusieurs semaines entre SPD, FDP et les Verts, qui prévoit toutefois des moyens budgétaires "sans précédent" pour respecter les objectifs climatiques.

Point commun avec son homologue Annalena Baerbock, une femme promue à la tête du ministère allemand des Affaires étrangères, à 42 ans, Christian Lindner n'a encore jamais occupé de fonctions ministérielles fédérales.

Partisan de l'austérité budgétaire, il est opposé à toute hausse d'impôts, notamment pour les plus fortunés.

En 2017, lors de la formation de la précédente coalition, il avait rompu les négociations pour former un gouvernement avec les conservateurs et les Verts sous l'égide d'Angela Merkel. Un volte-face en pleine nuit qui suscita la surprise générale et coûtera cher aux libéraux qui sombreront durablement dans les sondages.

Un milliard d'euros pour les soignants

Néanmoins face à l'urgence sanitaire, une somme d'un milliard d'euros va être débloquée en faveur des soignants et aide-soignants "particulièrement sollicités" par la pandémie de Covid-19, a aussi annoncé le social-démocrate, Olaf Scholz.

En comparaison, en France, le Ségur de la santé a prévu une enveloppe totale de 19 milliards d'euros. "Parmi ces 19 milliards d'euros, 9 milliards sont des investissements, 6,5 milliards du désendettement de quelque 1.300 hôpitaux, 1,5 milliard iront aux Ehpad et 2 milliards à la transition numérique", avait détaillé Jean Castex fin octobre.

Des deux côtés du Rhin, ces dépenses ne seront qu'en partie amorties par la croissance. Pour 2021, le gouvernement allemand s'attend à une progression de 2,6% de l'économie avant un rebond à 4,1% en 2022.

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Les Verts "réalistes" adoubés

Avec un probable grand ministère regroupant l'Economie et la Protection du climat, l'écologiste Robert Habeck doit, lui, mettre en oeuvre le programme de mesures contre le réchauffement climatique ficelées par les partenaires de la nouvelle coalition, notamment la sortie du charbon dès 2030.

Ce quinquagénaire parfois qualifié de "vert pâle" a définitivement scellé la victoire des "realos", l'aile centriste des Verts moins radicale que les "fundis", en décrochant la co-présidence des Grünen il y a près de quatre ans.

Enfin, la nouvelle coalition gouvernementale veut placer la défense d'une "Europe souveraine" au cœur de sa politique étrangère, a affirmé Olaf Scholz.

Une "Europe souveraine est la clé et c'est un devoir pour notre politique étrangère", a déclaré le dirigeant social-démocrate, qui veut "rendre possible cette Europe souveraine, la promouvoir et la faire progresser".

(Avec AFP)

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