En Angleterre, les propriétaires se font de plus en plus rares

Par Mathias Thépot  |   |  851  mots
Seulement 40 % des londoniens sont propriétaires.
La hausse des prix de l'immobilier ces dernières années en Angleterre a mécaniquement fait tomber la part des propriétaires immobiliers outre-manche.

Ce n'est pas parce qu'un pays est peuplé de ménages qui rêvent d'acheter leur logement qu'il contient une part importante de propriétaires. On peut le constater en France où, si la volonté de devenir propriétaire reste inaliénable - même chez les jeunes -, au final « seulement » 57,7% des ménages ont acheté le logement qu'ils occupent, indique l'Insee. Ce qui fait de la France l'un des pays européens avec le plus faible taux de propriétaires.

Ce constat vaut également pour l'Angleterre, où une étude réalisée par le cercle de réflexion Resolution Foundation montre que la proportion de la population anglaise propriétaire de son logement a chuté à 63,8%, soit un plus bas depuis 1986, alors que le plus haut national avait été atteint en 2003 avec 70,8% de propriétaires. Or les Anglais sont très attachés à la propriété immobilière. Seuls moins de 10 % des locataires du secteur privé outre-manche disent ne pas vouloir accéder à propriété. Et plus globalement, les deux tiers des Anglais qui se sont résignés à l'idée d'acheter leur logement le sont parce qu'ils estiment qu'ils n'auront jamais les moyens pour le faire.

Une question de pouvoir d'achat

L'achat immobilier, c'est donc avant tout une question de pouvoir d'achat. Or, en Angleterre, comme en France d'ailleurs, les prix de l'immobilier ont fortement augmenté par rapport aux revenus des ménages lors des trente dernières années. Dans les années 1980, le premier achat immobilier se faisait à un prix moyen pour l'Angleterre inférieur à 30.000 livres (35.400 euros) tandis qu'en 2015, il fallait débourser 150.000 livres en moyenne dans le pays et 330.000 livres à Londres, rappelle l'étude de Resolution Foundation. Résultat, de plus en plus d'Anglais sont devenus locataires.

Sans surprise, le cas le plus extrême est celui la capitale, Londres, où le pourcentage de propriétaires ne s'établit plus qu'à 40 % de la population. Il faut dire que Londres est la ville la plus chère d'Europe : une étude de Deloitte qui cartographie les surfaces pouvant être acquises dans 19 pays pour la somme de 200.000 euros, montre que la capitale anglaise est la ville la plus chère du classement avec... 11 m² ! Et l'amplification de la bulle immobilière ces dernières années à Londres n'a fait que renforcer le phénomène d'exclusion d'un pan entier de la population de l'accès à la propriété.

Un phénomène similaire fut observé à Paris. Après une forte hausse déconnectée des revenus entre 1998 et 2011, les prix de l'immobilier sont devenus au moins deux fois plus élevés que dans les autres grandes villes françaises. Ainsi, seulement un tiers des ménages parisiens sont désormais propriétaires et le parc locatif représente un peu plus de 60% des logements.

Louer ne veut pas dire payer moins cher à court terme

Paradoxalement, à court terme, la location n'est pas financièrement plus avantageuse. En Angleterre par exemple, les locataires du secteur privé consacrent en moyenne 30% de leurs revenus à leur loyer alors que les emprunts des propriétaires ne représentent que 23% de leurs revenus. La location dans le secteur privé tient donc moins d'un choix financier qu'à une incapacité des ménages à acheter à cause de prix trop élevés. L'étude de Deloitte montre ainsi que le Royaume-Uni est le pays le moins abordable car ses habitants doivent économiser pendant près de 11 ans pour acheter un appartement de 70 mètres carrés.

D'ailleurs, la chute de la part des propriétaires en Angleterre ne se vérifie pas qu'à Londres : des villes comme Manchester (-14 points de pourcentage par rapport à 2003 à 58%) ou des comtés comme le South Yorkshire ou le West Midlands (respectivement -10 points à 58.5% et -11 points à 59% par rapport à 2005 ) ont également perdu des propriétaires ces dernières années. « Avec des prix et des apports en hausse constante alors que les revenus ont stagné ces dernières années, il n'est pas difficile de voir pourquoi un nombre croissant de personnes ne peuvent plus accéder à la propriété immobilière », confirme l'étude du think tank.

Quelle efficacité pour les politiques publiques ?

La situation est d'autant plus surprenante que le marché immobilier britannique bénéficie de taux d'emprunt immobilier historiquement bas et que le gouvernement a mis en place un programme d'aide à l'achat qui permet aux acheteurs de ne disposer pour apport que de 5% de la valeur d'achat du bien. Mais visiblement, une telle politique publique n'a pas redonné la possibilité à un pan de la population exclue de l'accès à la propriété d'acheter, bien au contraire. Ce constat questionne donc l'efficacité des politiques publiques de relance de l'immobilier, parfois inflationnistes.

Elles peuvent même avoir des effets pervers. Pas seulement « à cause de la frustration que cela provoque chez ceux qui ne peuvent pas acheter, mais à cause de l'impact sur leur niveau de vie », note le think tank. Et même sur le long terme, cela pose aussi un problème, car un faible taux de propriétaires veut aussi dire que « les jeunes générations auront une retraite plus incertaine ».