Exportations de vaccins : Merkel favorable au blocage, la tension monte avec Londres

Par AFP  |   |  905  mots
(Crédits : YVES HERMAN)
Sous la pression de la vaccination, dont le retard avec d'autres pays est déjà manifeste, l'Union européenne tente de reprendre la main sur ses quantités de doses à disposition. L'objectif est de tenir sa promesse de « 70% des adultes européens vaccinés d'ici la fin de l'été ». Or, au sein même de l'Union, le blocage de ces exportations vers des pays partenaires divise.

L'Union européenne était divisée lundi sur un durcissement des conditions d'exportation des vaccins fabriqués sur son territoire, une mesure qui devrait cibler AstraZeneca et qui alimente les tensions avec Londres, bien plus en avance dans sa campagne de vaccination.

Les Vingt-Sept, en conflit avec le groupe suédo-britannique pour des livraisons nettement inférieures aux prévisions, se réunissent en sommet jeudi et vendredi, alors que le continent fait face à une troisième vague de la pandémie de Covid-19.

D'ores et déjà, la chancelière allemande Angela Merkel a dit mardi soutenir la menace de la Commission européenne de bloquer les exportations du vaccin AstraZeneca si l'UE ne recevait pas les livraisons prévues.

"Nous avons un problème qui est bien connu avec AstraZeneca", a constaté la chancelière lors d'une conférence de presse, en disant apporter son "soutien" à pression mise sur le laboratoire britannique par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a récemment menacé d'interdire les exportations de ce vaccin depuis l'UE.


La veille, Ursula von der Leyen, a menacé samedi de bloquer les exportations du vaccin AstraZeneca si l'UE ne recevait pas d'abord les approvisionnements promis par le laboratoire.

La responsable allemande, qui vise un objectif de 70% des adultes européens vaccinés d'ici la fin de l'été, a rappelé que le contrat de l'UE avec AstraZeneca prévoyait la livraison de doses produites à la fois sur des sites dans l'UE et au Royaume-Uni.

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"Or, nous n'avons rien reçu des Britanniques, alors que nous les fournissons", a-t-elle fait valoir. L'UE a envoyé une "lettre formelle" pour se plaindre auprès du groupe pharmaceutique.

Parallèlement, des discussions sont en cours entre Bruxelles et Londres "pour tenter de trouver des solutions", a déclaré lundi le porte-parole de l'exécutif européen Eric Mamer lors d'un point presse, sans autres détails.

"La solution, c'est qu'AstraZeneca livre des doses à l'Union européenne conformément à notre contrat", a-t-il insisté.

Un "principe de réciprocité" soutenu par la France

La Commission s'est dite la semaine dernière prête à durcir les conditions d'exportation de doses vers les pays qui produisent eux-mêmes des vaccins anti-Covid - une mesure ciblant explicitement le Royaume-Uni.

La France soutient la Commission. "Il faut un principe de réciprocité : livrer les autres si nous sommes livrés conformément aux contrats signés", a expliqué samedi le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune.

"Ce doit être la stratégie d'une Europe qui accélère et défend ses intérêts: produire plus, faire respecter les contrats, contrôler les exportations", a-t-il estimé.

Le Premier ministre irlandais, Micheal Martin, a au contraire exprimé lundi sa vive opposition à un éventuel blocage, estimant "que ce serait une mesure très rétrograde".

Il a prévenu que si l'UE commençait à ériger des barrières, d'autres pays pourraient faire de même pour les composants utilisés dans la fabrication des vaccins.

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Bataille autour d'une usine aux Pays-Bas

Londres s'est pour sa part dit confiant que cette menace ne serait pas mise à exécution.

Les tensions se cristallisent sur une usine produisant le vaccin AstraZeneca située aux Pays-Bas, qui est toujours en attente d'une approbation du régulateur européen, et dont les doses sont revendiquées par les Britanniques et les Européens.

L'éventuelle décision d'interdire ces exportations de vaccins relève d'abord de l'Etat membre où est situé l'usine. Mais la Commission a le pouvoir d'aller à l'encontre de cette décision, en vertu du mécanisme mis en place fin janvier par Bruxelles.

Critiqué par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce système n'a pour l'instant été utilisé qu'une fois: l'Italie avait bloqué le 4 mars l'envoi de 250.000 doses d'AstraZeneca vers l'Australie, faisant valoir une "pénurie persistante" et "des retards dans les livraisons".

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La Haye privilégie un "compromis" entre le Royaume-Uni, Bruxelles et AstraZeneca, estimant qu'un blocage des exportations serait un "scénario perdant-perdant", selon un responsable néerlandais. Il a toutefois ajouté que les Pays-Bas se rallieraient à la position de la Commission.

L'UE a exporté quelque 9 millions de doses, tous vaccins confondus, vers le Royaume-Uni entre le 1er février et le 9 mars, selon des chiffres européens, soit environ un tiers du total des doses administrées à cette date aux Britanniques.

C'est le premier marché à l'exportation des vaccins produits dans l'UE. A l'inverse, aucune dose produite sur le sol britannique n'a été exportée vers l'UE.

AstraZeneca doit livrer aux 27 au deuxième trimestre 70 millions de doses de son vaccin, beaucoup moins que les 180 millions promises dans le contrat signé avec l'Union européenne.

Au premier trimestre, l'UE devrait avoir reçu au total quelque 30 millions de doses d'AstraZeneca, contre 90 millions prévues.

Ces déconvenues se sont ajoutées à des inquiétudes sur l'utilisation du vaccin dans une partie des pays européens, avant que l''Agence européenne des médicaments (EMA) ne le juge finalement "sûr et efficace".

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