Faut-il s'inquiéter de l'inflation faible en zone euro ?

Par Romaric Godin  |   |  865  mots
La hausse des prix annuelle est inférieure à 1 % depuis octobre 2013
La hausse des prix reste désespérément faible en zone euro. Doit-on y voir un vrai risque déflationniste ou une menace de croissance anémique ?


C'est une information qui n'est guère rassurante. L'indice de la zone euro des prix à la consommation en zone euro pour le mois d'août a été révisé à la baisse mercredi 16 septembre de 0,2 % à 0,1 % sur un an. L'inflation faible persiste donc dans l'union monétaire. La hausse des prix n'a plus dépassé les 0,3 % annuel depuis novembre 2014 et est inférieure à 1% depuis octobre 2013. Une situation qui risque donc de persister encore pendant plusieurs mois. Faut-il s'en inquiéter ?

Faible inflation

Premier élément : l'indice de la hausse des prix globale est très fortement influencé par l'évolution des prix de l'énergie. La nouvelle baisse, que bien peu avaient anticipée, du prix du pétrole a conduit à un recul des prix de l'énergie de 7,2 % en août sur un an (contre 5,6 % en juillet). Du coup, l'indice a été tiré mécaniquement vers le bas. Globalement, cette baisse est plutôt positive, elle « libère » du pouvoir d'achat pour les consommateurs en réduisant la part des revenus consacrés à la consommation.

Une grande partie de la reprise européenne depuis 2013 s'explique, du reste, par cet effet. « La consommation des ménages est le premier contributeur de la reprise européenne et cela s'explique en grande partie par l'inflation faible qui permet une hausse des salaires réels malgré un chômage élevé », explique ainsi Maxime Sbaihi, économiste zone euro à l'agence Bloomberg. Et de conclure : « finalement, dans le contexte macroéconomique actuel, cette inflation faible est plutôt une bonne nouvelle. » Pas d'inquiétude à avoir donc sur une nouvelle descente attendue en territoire négatif dans les mois qui viennent de l'indice des prix.

Pas de spirale déflationniste

Deuxième remarque : l'inflation sous-jacente, qui exclut l'énergie, le tabac et l'alimentation, autrement dit les éléments les plus « exogènes » de la hausse des prix, se porte mieux, à 0,9 % sur un an. Un niveau cependant encore historiquement faible et qui s'est encore dégradé en août, passant de 1 % à 0,9 %. Depuis septembre 2013, l'inflation sous-jacente n'a jamais dépassé le niveau d'1 % par an et n'a, du reste, atteint ce niveau qu'au cours de quatre mois. « L'inflation sous-jacente n'est pas totalement coupée des effets de la baisse de l'énergie et je préfère observer l'indice des services pour mesurer l'inflation domestique. Or, en août, cet indice est stable », souligne Maxime Sbaihi. Le niveau de cet indice demeure, là encore, à un niveau modeste, à 1,2 %. Il est cependant au-dessus de son niveau de mars et avril (1 %).

Cette tenue des prix sous-jacent doit cependant rassurer quant au risque déflationniste. La zone euro ne semble pas être entrée dans une logique de spirale d'ajustement à la baisse des prix où les consommateurs attendraient une baisse des prix pour acheter. « Les enquêtes d'activité montrent que les industriels stabilisent leurs prix de vente et peuvent ainsi profiter de la baisse des prix des matières premières pour rétablir leurs marges », explique Maxime Sbaihi.

Faible demande

Reste une question : cette inflation faible, largement en deçà de l'objectif de la BCE (sous, mais proche des 2 %) qui est défini comme un niveau de « stabilité », n'est-elle pas, malgré tout, un frein à la croissance européenne ? Comment cette croissance qui reste anémique malgré une légère amélioration peut-elle s'accélérer avec des prix qui restent compris entre 0 % et 1 %, même en excluant les effets volatils ? « Ce niveau d'inflation est le symptôme d'une demande trop faible », souligne Maxime Sbaihi. Comment les entreprises, alors, n'hésiteraient pas à se lancer dans des investissements importants ?

Certes, d'un côté, les taux sont bas et, dans de nombreux cas, les taux réels sont encore négatifs, poussés par l'action de la BCE, mais de l'autre, la faible demande n'encourage guère les entreprises à agir. C'est là tout le dilemme de la banque centrale : encourager les entreprises à investir en l'absence de perspectives fortes de demande pour créer de la demande future. C'est là aussi les limites de son action.

Echec pour la BCE ?

Dans ce contexte, la politique de la BCE a-t-elle échoué ? Non, affirme Maxime Sbaihi, qui estime qu'il trop tôt pour agir et pour qui la BCE ne « peut pas faire grand-chose contre un choc pétrolier externe » à part, précisément s'assurer qu'il ne débouche pas sur une spirale déflationniste. De ce point de vue, pour le moment, le pari semble gagner. Mais la vigilance est de plus en plus de mise, d'où les déclarations de Mario Draghi en septembre sur sa détermination à mener le QE, la politique de rachats d'actifs publics, aussi longtemps qu'il le faudra.

Mais on voit bien les limites de la politique monétaire : sans travail sur la demande, ses effets resteront forcément plus lents. C'est pourquoi, dans son programme de Jackson Hole d'août 2014, Mario Draghi avait estimé que le QE devait s'accompagner d'une politique de relance au niveau européen. Faute de cette politique, qui semble peu probable aujourd'hui (à l'exception d'un plan Juncker qui est assez fantomatique pour le moment), le QE risque de n'avoir qu'un effet affaibli sur l'inflation. Et la BCE toutes les peines du monde à retrouver son objectif.