Grèce : un "toilettage" de la dette pour encore "gagner du temps"

Par Romaric Godin  |   |  825  mots
Un "toilettage" de la dette grecque pourquoi faire ?
Le MES a rendu public les mesures envisagée pour alléger la dette grecque d'ici à 2060. Peu convaincant au regard des enjeux.

Le Mécanisme européen de Stabilité (MES) a rendu public ce mercredi 7 décembre les mesures dites de « court terme » pour restructurer la dette grecque. Ces mesures sont au nombre de trois : allongement de la maturité moyenne des emprunts, protection contre des hausses de taux d'intérêt et réduction du taux prévu pour une partie de la dette. Ces trois mesures devraient, selon un « scénario central » réduire la valeur de la dette en 2060 de 20% et porter la dette grecque à 104,7 % du PIB à cette date, contre 176 % aujourd'hui.

Les mesures encore imprécises

Les propositions du MES, validées par l'Eurogroupe du lundi 5 décembre, manquent cependant de concret. On ne dispose pas encore de la nouvelle répartition des maturités. Le MES se contente d'indiquer que les mesures devraient réduire le poids des remboursements dans les années 2030 et 2040, bien évidemment pour les reporter vers les années 2050. Concernant la seconde mesure, complexe, qui vise à transformer des dettes à taux variables en dettes à taux fixes, on ignore quels taux seront appliqués, ce qui est important, car un taux fixe trop élevé fera porter d'abord un coût supplémentaire à la Grèce. La restructuration prévue coûtera ainsi dans un premier temps plus cher à la Grèce, surcoût qui sera compensé, dit le MES « sur le long-terme ». Seule certitude : la surtaxe de 2 % prévue sur une dette datant de 2012 de 11,3 milliards d'euros sera supprimée pour l'année 2017. Les détails seront connus lors de leur mise en œuvre concrète, début 2017.

Toilettage

Au final, cette restructuration est surtout un toilettage qui permet de se protéger contre une hausse excessive des taux et contre un alourdissement des remboursements dans les années 2030-2040. Ce sont des mesures de protection contre des effets négatifs, pas de véritable « cadeaux » faits à la Grèce. Le MES reconnaît d'ailleurs que les besoins de financement nets de la Grèce, autrement dit, l'argent dont le pays aura réellement besoin chaque année pour rembourser sa dette et les intérêts de sa dette, « devrait rester, dans un scénario central », en dessous de 15 % du PIB « à moyen terme » et en dessous de 20 % du PIB après cela. C'est davantage que la recommandation de la Commission qui, depuis des années, demande de limiter ces besoins à 15 % du PIB, niveau déjà considérable pour un pays qui n'a pas accès au marché.

Ponction

Le MES part néanmoins du principe que la Grèce pourra financer ces besoins par un retour sur le marché. C'est possible, mais, même avec ces mesures, se financer sur les marchés sera onéreux pour Athènes et nécessitera, pour maintenir la confiance, une discipline budgétaire de fer. Du coup, le poids de la dette pendant les 43 années à venir sera encore considérable. La ponction effectuée sur l'économie grecque pour financer cette dette va rester un poids insoutenable pour ce pays qui, rappelons-le, a été ravagé par les effets de l'austérité et a perdu près d'un quart de sa richesse en 5 ans. Un investisseur en Grèce devra donc prendre conscience que la demande restera réduite et que les impôts à payer demeureront nécessairement élevés. La Grèce est loin d'être sortie du « péonage » de la dette. La mesure est donc avant tout politique, elle permet à Alexis Tsipras de prétendre avoir "obtenu quelque chose". Mais la réalité est loin de ce message.

Le coût de la « bienveillance »

Certes, ce « coup de pouce » peut s'accompagner de deux autres séries de mesures. Mais dans les deux cas, toute réduction nominale de la dette est exclue, ce qui rend a priori l'impact de ces mesures nécessairement très limité. Encore une fois, et conformément à la seule stratégie mise en place depuis 2010, il s'agit de « gagner du temps ». Incapables d'assumer l'erreur de cette cavalerie financière imposée à Athènes, les membres de l'Eurogroupe laissent le soin à leurs successeurs de gérer le futur défaut grec. Car un point reste en suspens et fera l'objet de rudes négociations dans les semaines à venir : celui des conditions de ces mesures qui ne sont pas « gratuites ».

Austérité à perpétuité

Le gouvernement grec va devoir réaliser de nouveaux tours de vis budgétaires et prendre des engagements d'excédents budgétaires après 2018. On a vu que la Grèce devra faire face à un surcoût dans l'immédiat. Du reste, compte tenu des besoins de financement que ces mesures laissent à la Grèce, ces excédents devront rester quasi permanents pendant quatre décennies. Une austérité de facto à perpétuité que ces petites mesures du MES ne règlent absolument pas. Autant dire que pour un pays comme la Grèce, la promesse du « bonheur à long terme » ressemble à une chimère.