Guerre en Irak : le rapport Chilcot critique vivement Tony Blair

Par Sasha Mitchell  |   |  795  mots
"Je serai avec vous quoi qu'il arrive" avait écrit Tony Blair à George W. Bush.
Le rapport de la commission d'enquête sur l'engagement du Royaume-Uni dans la guerre en Irak a été publié mercredi. Les premières conclusions, dévoilées par Sir John Chilcot, mettent sévèrement en cause le jugement et les choix de Tony Blair.

[Publication le 6 juillet à 12h45, mise à jour à 15h47]

L'image est impressionnante. A l'intérieur du QE2 centre de Londres, des dizaines de rapports sont étalés sur une table. Le résultat de sept années de travail pour la commission d'enquête sur l'engagement du Royaume-uni dans la guerre en Irak, présidée par Sir John Chilcot. Les chiffres donnent le tournis : 2,6 millions de mots, 150.000 documents consultés et 150 auditions menées. Les premières conclusions, dévoilées ce matin, aussi.

Dans une allocution, Sir John Chilcot a commencé par rappeler que l'invasion de l'Irak en 2003 était la première participation du Royaume-Uni dans une opération d'occupation d'un Etat souverain depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Avant de rentrer dans le vif du sujet :

  • Premier point, et non des moindres, le rapport estime que l'option militaire n'a pas été choisie en "dernier ressort", que l'envoi de troupes dès mars 2003 n'était pas nécessaire et que les alternatives non-violentes n'avaient pas toutes été épuisées. Alors que George W. Bush et Tony Blair pointaient à l'époque du doigt la France qui, selon eux, bloquait l'avancée des négociations au conseil de sécurité de l'ONU, il apparaît désormais que la faute était imputable au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, qui souhaitaient absolument une opération militaire en dépit des réserves des autres pays membres. Selon les membres de la commission, Tony Blair a sous-estimé son pouvoir d'influence sur les Etats-Unis. "La relation entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis est assez forte [...] pour ne pas avoir besoin d'apporter son soutien inconditionnel lorsque les jugements divergent." Référence à la phrase "je serai avec vous quoi qu'il arrive" envoyée par Tony Blair à son homologue américain dans un câble dès juillet 2002.
  • Pour ce qui concerne la question de la possession d'armes de destruction massives par le régime de Saddam Hussein, Tony Blair a présenté les faits avec "une certitude qui n'était pas justifiée", selon Chilcot. Il est désormais clair que la décision d'envahir l'Irak a été prise en se basant sur "des informations et des évaluations" erronées.
  • Plus globalement, la commission affirme que la guerre a été un échec. "Le gouvernement n'a pas réussi à atteindre les objectifs fixés", a déclaré Sir John Chilcot au QE2 centre.

Parmi les autres points abordés dans le rapport, la question de l'attitude de Tony Blair dans les mois précédents l'intervention. Le Premier ministre de l'époque aurait à de nombreuses reprises caché des faits cruciaux ainsi que des correspondances avec Bush aux membres de son gouvernement. La commission a en revanche précisé qu'elle n'a pas été en mesure de se prononcer sur la légalité ou non de l'invasion.

"Un criminel de guerre"

Dans la foulée de l'intervention de Sir John Chilcot, les réactions ont été nombreuses. A commencer par Clare Short, ministre du développement international du gouvernement de Tony Blair en 2003, qui a assuré se sentir "très mal" de n'avoir pu faire davantage pour éviter le conflit.

Députée écologiste de Brighton, dans le sud du pays, Caroline Lucas a quant à elle qualifiée Tony Blair de criminel de guerre lors d'une manifestation en marge de la présentation du rapport.

Le Premier ministre David Cameron s'est pour sa part montré plus prudent, rappelant que le rapport Chilcot n'accuse par Tony Blair d'avoir volontairement trompé le peuple britannique. Il a également annoncé que deux journées seront consacrées à un débat sur le rapport à la Chambre des communes, la semaine prochaine.

Tony Blair a réagi à la publication du rapport mercredi après-midi : "Cette décision a été la plus difficile à prendre durant ces dix années en tant que Premier ministre. J'en accepte l'entière responsabilité, sans exception et sans excuse."

D'autres révélations devraient intervenir dans les jours à venir, une fois le rapport - quatre fois plus long que Guerre et Paix de Tolstoï - disséqué par journalistes et députés.