Italie : la croissance révisée à la baisse pour 2018

Par Grégoire Normand  |   |  858  mots
"D'une manière générale, une évolution du commerce mondial et du prix du pétrole plus défavorable que celle en cours pourrait entraîner en 2018 une croissance du PIB inférieure de 0,2 point", c'est-à-dire de 1,2%, précise l'Istat. (Crédits : Reuters/Tony Gentile)
Le Produit intérieur brut (PIB) de l'Italie devrait augmenter de 1,4% en 2018, en légère baisse par rapport aux prévisions d'avril, a annoncé mardi 22 mai l'Institut national des statistiques dans ses "Perspectives pour l'économie italienne en 2018".

La mise en oeuvre des réformes devrait être plus compliquée que prévu pour le nouveau gouvernement italien. Alors que le chef de file du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, et le patron de la Ligue, Matteo Salvini, viennent de désigner Giuseppe Conte comme président du Conseil, l'institut de statistiques italien Istat vient de signaler une baisse du Produit intérieur brut en 2018. Dans un communiqué publié ce 22 mai, les économistes indiquent que la croissance devrait progresser de 1,4% en 2018 contre 1,5% en 2017Le gouvernement sortant prévoyait le 26 avril une croissance de 1,5% pour l'année en cours. Le nouvel exécutif qui a annoncé un programme de réformes économiques et sociales controversées, devrait bénéficier d'une conjoncture moins favorable alors que la troisième économie de la zone euro vient de traverser une décennie très difficile sur le plan économique après une crise aux effets dévastateurs.

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Ralentissement du commerce international

Dans ses perspectives pour l'économie italienne en 2018, l'organisme public précise que le scénario actuel est caractérisé par certains risques en raison d'une évolution plus modeste du commerce international et d'une hausse plus marquée du prix du pétrole. En 2018, les exportations devraient augmenter de 4,3% (5,4% en 2017) et les importations de 4,7% (5,3% en 2017). "

D'une manière générale, une évolution du commerce mondial et du prix du pétrole plus défavorable que celle en cours pourrait entraîner en 2018 une croissance du PIB inférieure de 0,2 point", c'est-à-dire de 1,2%, précise l'Istat.

La contribution du commerce extérieur au PIB devrait être neutre après un effet positif en 2017.

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Les dépenses de consommation des ménages devraient ralentir (1,2% contre 1,4% en 2017). Les investissements (ménages et entreprises) devraient se renforcer en 2018 (+4%) grâce à des conditions financières favorables. La politique accommodante de la Banque centrale européenne permet encore aux entreprises et aux ménages d'obtenir des conditions de financement idéales. "Des mesures plus favorables aux investissements pourraient représenter un élément de soutien à l'économie", ajoute l'institut de statistiques.

Au niveau du marché du travail, Istat envisage une amélioration avec une hausse de l'emploi de 0,8% en 2018. Dans le même temps, "le taux de chômage devrait baisser à 10,8%". Malgré cette amélioration, l'Italie affichait le quatrième taux de chômage le plus élevé de l'UE en décembre 2017 (10,8%) derrière la Grèce, l'Espagne et Chypre selon les statistiques d'Eurostat. Et certaines régions du sud (le Mezzogiorno) notamment sont particulièrement frappées par un chômage de masse comme en Calabre, avec des taux supérieurs à 25%.

Du côté des comptes publics, si le solde budgétaire s'est amélioré ces dernières années (1,9% du PIB en 2017 contre 2,5% en 2016), le ratio de dette publique/PIB a atteint 131,5% contre 132% en 2016 et 131,5% en 2015. Ce ratio est le second plus important de l'Union européenne derrière la Grèce.

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[Cliquer sur la photo pour l'agrandir. Un graphique de notre partenaire Statista.]

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Inquiétudes en Europe

Face aux incertitudes sur l'avenir politique et économique de l'Italie, plusieurs dirigeants européens ont multipliés les avertissements à l'encontre du futur gouvernement italien. Surtout que les deux partis eurosceptiques, même s'ils ont reculé sur une sortie de la zone euro, n'ont pas caché leurs ambitions de relancer l'économie italienne en laissant déraper les déficits et la dette.

La Commission européenne a mis en garde mardi le nouveau gouvernement italien contre des dérapages budgétaires en rappelant au pays qu'il figurait parmi les plus endettés de la zone euro.

"La Commission européenne ne se mêle pas par principe de la politique nationale. Mais pour nous il est important que le nouveau gouvernement italien maintienne le cap et mène une politique budgétaire responsable", a déclaré le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro Valdis Dombrovskis, dans une interview publiée par le quotidien économique allemand Handelsblatt.

"L'Italie a l'endettement public le plus élevé de la zone euro après la Grèce", a-t-il rappelé en forme d'avertissement, alors que le coût d'emprunt du gouvernement italien pour financer ses déficits sur les marchés financiers s'est accru ces derniers jours.

Mais ces mises en garde pourraient être encore contre-productives pour les institutions européennes. En effet, Bruxelles a joué aux yeux de beaucoup d'Italiens le mauvais rôle après la crise de 2008 avec la nécessité de respecter les traités dans un contexte de récession alimentant ainsi le sentiment eurosceptique. Pour le nouveau gouvernement, ce type de remarque pourrait permettre d'asseoir sa légitimité dans une Europe encore bien divisée 10 ans après une crise majeure.

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