Italie : les grands axes du programme des populistes

L'accord de gouvernement trouvé par le Mouvement 5 étoiles de Luigi di Maio et la Ligue de Matteo Salvini devrait permettre à l'Italie de sortir de l'impasse politique dans laquelle elle est empêtrée depuis le mois de mars dernier. Mais le programme propose des mesures controversées même si une sortie de l'euro semble désormais exclue. Retour en six points sur les principales propositions.
Grégoire Normand
Luigi Di Maio (M5S) et Matteo Salvini (Ligue) ont apporté des précisions sur les 30 principales mesures qu'ils veulent mettre en place au cours de leur mandat.
Luigi Di Maio (M5S) et Matteo Salvini (Ligue) ont apporté des précisions sur les 30 principales mesures qu'ils veulent mettre en place au cours de leur mandat. (Crédits : Reuters)

Les dirigeants du Mouvement 5 étoiles (M5S) et de la Ligue, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, sont parvenus à un accord sur leur contrat de gouvernement mais réfléchissent toujours au nom du futur président du Conseil italien. Cette annonce a déjà soulevé des inquiétudes en Europe. Dans un document de 58 pages, les deux forces politiques ont apporté des précisions sur les 30 principales mesures qu'elles veulent mettre en place au cours de leur mandat. Mais il apparaît que les mesures les plus controversées ont été exclues du programme. La Bourse de Milan a accueilli froidement la publication de ce programme élaboré par les deux formations politiques, en vue de présenter la semaine prochaine le premier exécutif anti-système dans un pays fondateur de l'Union européenne, à qui il manque encore un chef de gouvernement.

--

luigi di maio

Le représentant du Mouvement 5 étoiles Luigi Di Maio lors d'une conférence au club de la presse étrangère à Rome le 13 mars 2018. Crédits : Tony Gentil/Reuters.

--

Lire aussi : En Italie, l'économie reste fragile à la veille des élections

1- Réduction de la dette par une politique de soutien à la croissance

Confrontée à un ratio de dette important (plus de 130% du PIB), l'Italie fait régulièrement l'objet de critiques de la part de l'Allemagne ou des partisans de la rigueur budgétaire sur le Vieux Continent. Dans leur programme commun, la Ligue et et le Mouvement 5 étoiles mettent en avant une réduction de la dette par une politique de soutien à la croissance, sans passer par une augmentation de la fiscalité ou des mesures d'austérité.

Pour favoriser l'investissement public, ils défendent la modification des règles européennes afin que les dépenses engagées dans l'investissement public ne soient pas prises en compte dans le déficit budgétaire. Un scénario qui présente rapidement des limites au vue du fonctionnement des institutions européennes. S'il est bien sûr possible de réviser les traités européens, le processus de modification prend généralement du temps au regard des révisions précédentes.

--

dette italie

(Un graphique de notre partenaire Statista. Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

--

Lire aussi : En Italie, l'économie reste fragile à la veille des élections

2- Pas de sortie de l'euro en vue

Le programme ne comporte aucun élément relatif à une sortie de l'euro, a affirmé une source citée par Reuters qui ajoute que ce projet ne devrait pas être vecteur d'inquiétudes quant au maintien de l'Italie au sein du bloc monétaire. La publication mardi soir par le Huffington Post Italia d'une ébauche d'accord évoquant la volonté des deux partis de demander l'effacement de 250 milliards d'euros de dette et de réclamer des procédures permettant aux États membres de sortir de l'union monétaire a ébranlé mercredi les marchés transalpins, faisant plonger la Bourse de Milan et grimper les rendements de la dette souveraine italienne.

Le programme ne parle plus explicitement d'une sortie de l'euro mais entend "revoir, avec les partenaires européens, le cadre de la gouvernance économique", y compris la monnaie unique, pour "revenir à la situation des origines dans laquelle les États européens étaient mûs par une intention sincère de paix, de fraternité, de coopération et de solidarité". Les populistes proposent également une renégociation des traités européens.

3 - Simplification de la fiscalité

Au niveau du Trésor public, les deux formations proposent une réforme de la fiscalité "courageuse et révolutionnaire". Elles veulent simplifier la fiscalité sur le revenu des personnes et celle sur les entreprises avec deux barèmes de 15% et 20% par le biais d'une "flat tax". Les tranches actuelles sont taxées entre 23% et 43%. Les futurs dirigeants veulent encourager la politique familiale en accordant une déduction fiscale de 3.000 euros pour les familles.

Le programme propose la mise en place d'un revenu de citoyenneté d'un montant de 780 euros par mois aux personnes en situation de précarité, pour faciliter leur réinsertion et stimuler la consommation. En revanche, les bénéficiaires ne devraient pas avoir le droit de refuser plus de trois offres d'emploi en deux ans. Les deux partis sortis victorieux du dernier scrutin veulent ouvrir un dialogue avec l'Union européenne dans le but d'utiliser 20% du fonds social européen pour aider l'Italie à installer un revenu universel.

Sur le plan économique, le document signale le développement de la green-economy et des voitures électriques. Au niveau de l'emploi, l'accord propose l'instauration d'un salaire minimum et une enveloppe de deux milliards d'euros dans les dispositifs d'aide à la recherche d'emploi.

4- Retrait de la réforme des retraites

Au niveau des retraites, le futur gouvernement propose un retrait de la réforme des retraites dite "Fornero" qui a relevé l'âge du départ à la retraite (et qui prévoit d'autres relèvements de seuils). Il devait passer au 1er janvier de 66 ans et cinq mois à 67 ans . Le projet affirme que ces mesures coûteront 5 milliards d'euros d'après des chiffres rapportés par Reuters.

La coalition veut également introduire un nouveau système de points permettant d'ajouter l'âge au nombre d'années de cotisations, avec pour but d'arriver à 100 points. Par exemple, une personne qui a cotisé 35 ans devra attendre 65 ans pour partir à la retraite. Une option permettra aux femmes qui ont cotisé 35 ans de partir à la retraite dès 57 ans.

5- Création d'une banque publique d'investissement

Pour doper l'activité, le programme prévoit la création d'une banque publique d'investissement. Au niveau bancaire, la coalition défend une réforme "radicale" du système européen de sauvetage des banques pour améliorer la protection des avoirs financiers des épargnants. Elle plaide en faveur d'une séparation entre les métiers de banque d'affaires et de détails. Enfin, elle suggère de maintenir l'actionnariat public au sein de la Monte dei Paschi qui récemment traversé une grave crise.

Lire aussi : Monte Paschi revient en Bourse après 10 mois de suspension

6- Réforme des institutions

Comme en France, la coalition propose une baisse drastique du nombre de parlementaires avec 400 députés contre 630 aujourd'hui. Pour le Sénat, leur nombre serait limité à 200 contre 318 actuellement. Tous les parlementaires seraient élus au suffrage universel direct avec interdiction de changer de groupe politique pendant la mandature. Le futur exécutif veut multiplier les référendums d'initiative populaire et favoriser la décentralisation en renforçant l'autonomie des régions.

La coalition veut enfin instaurer un code éthique qui interdirait les personnes condamnées d'entrer au gouvernement, même lorsque leur condamnation fait l'objet d'un appel. Cette interdiction cible des individus visés par des enquêtes pour des délits graves comme la corruption.

> Lire aussi l'entretien de Marc Lazar, directeur du centre d'histoire de Science Po et président de la School of government de l'Université LUISS à Rome : Italie : "Les populismes prospèrent sur la crise de défiance envers la politique"

Grégoire Normand
Commentaires 38
à écrit le 24/05/2018 à 13:31
Signaler
Même si le chiffre 100 qui sonne "rond" est peut être un peu trop optimiste (105 à 107 paraîtraient plus raisonnables), l'idée de sommer l'âge et le nombre d'années de cotisation pour déterminer les droits à retraite est franchement excellente, et o...

à écrit le 22/05/2018 à 16:25
Signaler
"recul progressif de l'âge de retraite, qui doit passer à 67 ans en 2019" : Oh, je veux bien voir un policier de 67 ans courir auprès d'un malfaiteur, un pompier de 67 ans combatter le feu, un prof de gym de 67 ans, un ouvrier du BTP manipulant un ma...

le 24/05/2018 à 13:33
Signaler
Un policier, un pompier ou un prof de gym peut être parfaitement encore en capacité de travailler à 67 ans... plus forcément comme opérationnel, mais dans des tâches administratives pour en soulager leurs collègues plus jeunes, ou de formation ou d'...

le 24/05/2018 à 15:43
Signaler
Etant grec, vivant sous la rigueur depuis 8 ans [entre autres, on embauche 1 fonctionnaire contractuel (et en général avec un grand retard) pour 5 fonctionnaires partis à la retraite] tous les services publics sont en sous-effectifs, surtout les écol...

le 24/05/2018 à 18:51
Signaler
@Vassilis Ici , à 67 ans ,nos baby-boomers sont dans un camping- car en train de sillonner le pays depuis leur pré-retraite ou mise en disponibilité obtenu à 55 ans.Par contre ,ils sont plutôt favorable dans les sondages à ce que les générations s...

à écrit le 21/05/2018 à 12:47
Signaler
La situation italienne me fait penser à l'élection de Trump en 2016. On nous prédisait un effondrement économique, une paralysie politique totale... 2 ans après l'économie américaine n'a jamais été aussi dominante (pour notre plus grand malheur à nou...

le 25/05/2018 à 15:46
Signaler
Personne n'a jamais prédit un effondrement économique des USA avec Trump, mais la deliquescence d'un grand pays., C'est le cas.

à écrit le 21/05/2018 à 12:27
Signaler
C'est un plan d'attaque économique à suivre car il révolutionne la manière de traiter l'économie qui est mené depuis des lustre par les banquiers qui font des riches en petite quantité et des pauvres malheureusement

le 25/05/2018 à 15:49
Signaler
Les banquiers ne font que prêter de l'argent à des gens raisonnables susceptibles de les rembourser. Vous pouvez vous faire plaisir et jouer aux banquiers - il vous suffit d'acheter des bons du trésor italien. Foncez, c'est un investissement en or a...

à écrit le 20/05/2018 à 10:48
Signaler
Ils veulent réduire le montant de la dette, très bien. Normalement, cela se fait par des remboursements, mais il n'en est pas question dans leur programme. Ils veulent simplement ne pas rembourser et voler ainsi leurs créanciers, dont nous ! Ils nous...

à écrit le 19/05/2018 à 16:21
Signaler
Voila une posture politiquement incorrecte et qui va attirer les foudres des économistes de tous bords. Cependant il s’agit d’un programme de relance par la consommation intérieure qui peut très bien marcher. Qui dit relance consommation dit égalemen...

le 25/05/2018 à 15:50
Signaler
C''est exactement le programme de 1981 : nationalisation des banques, retraite à 60 ans, on relance la demande. On a vu la suite. Les banquiers de la BCE feront ce qu'ils doivent faire : préserver la valeur de l'Euro en évitant de préter de l'argent...

à écrit le 19/05/2018 à 15:36
Signaler
Ah la politique et les politiciens les vendeurs de rêve. Et les briseurs de rêves, c'est la politique. Aucun pays au monde ne peut y réchapper nous sommes tous contaminé par ce fléau migratoire.Du vent et rien que du vent. Bon vent à tous et tout...

le 24/05/2018 à 21:22
Signaler
Avec un peu d'imagination, je suppose que vous arriverez facilement à imputer également le changement climatique au "fléau migratoire". Allez-y, essayez d'innover !

à écrit le 19/05/2018 à 12:33
Signaler
bref ! face aux économistes en herbe , j'ai beaucoup plus confiance en ce gouvernement Italien qui s'attaque aux vrais problèmes pour lesquels il a été élu. Il y a jamais une solution de voir , il y en a des milliers qui peuvent rendre les économies ...

le 19/05/2018 à 13:33
Signaler
Vous savez , c'est bien plus facile de parler des problèmes que de les résoudre. Il faut juger les politiques sur les solutions qu'ils proposent et non pas sur les problèmes qu'ils dénoncent.

le 19/05/2018 à 18:19
Signaler
"j'ai beaucoup plus confiance en ce gouvernement Italien qui s'attaque aux vrais problèmes pour lesquels il a été élu" S' attaquer, comment ..? Nommer les problèmes n' apporte pas le moyens de les résoudre, il faut remédier aux cause...

le 25/05/2018 à 15:53
Signaler
Regardez la réalité en face - ce sont des guignols, qui n'assument pas. Ils veulent sortir du cadre européen tout en gardant l'euro. C'est impossible. Tous simplement. Ce sont donc des rigolos qui font des promesses d'alcoolique au bar. Leur déma...

à écrit le 19/05/2018 à 12:02
Signaler
Contradictions intrinsèques et conséquences destructrices Ce n'est probablement pas par les partis populistes que l'on aboutira à des solutions. Le vote populiste étant actuellement essentiellement un vote d’impulsion ou de contestation de tout et d...

le 19/05/2018 à 15:26
Signaler
Pouvez toujours nous rabacher le discours du "There is non Alternative", en attendant c'est Di Maio et Salvini qui sont à la tête de la 3eme économie de la zone euro. Leur programme, ils vont l'appliquer. Ceci dit, les européistes doivent effectiveme...

le 21/05/2018 à 11:53
Signaler
Depuis ils ont changé de contrat, ils vont : - non pas retarder l’âge de départ à la retraite mais l’avancer - rester dans l’UE, tout en s’affranchissant de ses règles - ne plus s’auto-exonérer des dettes, mais en créer d’autres en faisant une rel...

à écrit le 19/05/2018 à 9:23
Signaler
De la poudre au yeux pour gagner du temps! Tant que l'on aura dissout cet administration qu'est l'UE de Bruxelles!

le 24/05/2018 à 21:19
Signaler
Il ne faudra pas la dissoudre. Elle est déjà en train d'imploser.

à écrit le 18/05/2018 à 23:06
Signaler
La flat tax est franchement une excellente idée dont on ferait bien de s'inspirer; ça a été le levier du décollage économique de l'Europe de l'Est.

le 19/05/2018 à 2:15
Signaler
votre sens de l'humour est exceptionnel!

le 19/05/2018 à 20:57
Signaler
Aucun humour dans mes propos, la démentielle progressivité de l'IRPP en France est probablement une des causes de la faiblesse chronique de notre croissance. Les pays de l'Est, quand ils ont reconstruire leur système fiscal, ont dans l'ensemble opté ...

le 24/05/2018 à 21:16
Signaler
Le décollage économique rimait avec décollage de l'émigration. Qaund les chiffres prospèrent, les gens (ou une partie importante des gens) vivent dans la misère. Voyez un peu la démographie des ex pays de l'Est. Peut-être bruno nous dira qu'ils ont...

à écrit le 18/05/2018 à 20:11
Signaler
Il y a des gens qui voient clair car d' une grande prospective travaillée et d 'autres tout juste là pour embrouiller! L’ALLEMAGNE PROPOSE UNE VOIE DE SORTIE DE L’EURO. POUR SE PROTÉGER ELLE-MÊME. = Un article de l’économiste italien...

le 18/05/2018 à 21:44
Signaler
Les pays faiblards la zone euro, à mon avis, ne feront pas la bêtise de s’engager à renflouer la BCE en cas de sortie de l’euro de leur part d’autant plus que ce ne serait pas vraiment nécessaire si l’Euro était une monnaie aussi viable que le Franc...

le 19/05/2018 à 15:37
Signaler
La seule manière de provoquer une scission de la zone euro, c'est de forcer l'allemagne à la quitter. Tôt ou tard Macron devra choisir son camp entre une allemagne qui repoussera indéfiniment les réformes de la zone euro et ne fera que des concession...

à écrit le 18/05/2018 à 19:38
Signaler
On peut rappeler que les salariés italiens se tapent depuis 2015 avec Matteo Renzi le "Job Act", un nom anglais qui signifie loi travail. Depuis, la loi de Stabilité, approuvée le 21 décembre 2017 par la Chambre des Députés italienne, prévoit qu...

à écrit le 18/05/2018 à 19:31
Signaler
La flat tax à taux bas a pour finalité de relancer l’économie mais prive l’État italien de ressources fiscales importantes, en outre celui-ci compte augmenter les dépenses avec le revenu citoyen et l’investissement, avec le risque d’accroître fortem...

le 18/05/2018 à 19:58
Signaler
Au moindre faux-mouvement des M5S/ligue, les taux s'envolent et la marge de manœuvre se réduit. En fait les marchés financiers vont soumettre l'Italie si elle suit une politique irresponsable, l'UE peut décider de soutenir l'Italie ou d'aggraver la s...

le 18/05/2018 à 20:40
Signaler
ben, maduro et chavez aussi ils ont regle le probleme de la dete en repudiant une partie et en financant l'autre par de l'hyperinflation ' payee par personne'....... le resultat est brillantissime..... ca devient risible, ces gens qui accusent l'eur...

à écrit le 18/05/2018 à 19:02
Signaler
Programme franchement idealiste, si on baisse les impôts partout, qu'on réduit les recettes fiscales et que d'un autre côté on augmente les dépenses, la dette se creuse, c'est mécanique. D'un autre côté , ils auront le mérite de rappeler aux allemand...

le 19/05/2018 à 0:08
Signaler
Recul de l'âge de départ à la retraite et non baisse!

à écrit le 18/05/2018 à 18:44
Signaler
Les nouveaux Tsipras pro UE ou comment se faire syriser. Un peu comme notre jean Luc ..Tsipras qui hier, en bon parlementaire européen ne citait AUCUN article des traités européen. La défaite de la FI c’est la sienne mais voulait-...

le 18/05/2018 à 19:00
Signaler
Le problème est ailleurs , mais tout viendra en son temps !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.