L'Allemagne tombe en récession

Par latribune.fr  |   |  1064  mots
Olaf Scholz, le chancelier allemand (Crédits : JOHANNA GERON)
Avec une deuxième baisse consécutive de son produit intérieur brut (PIB), l'Allemagne est tombée en récession au premier trimestre, selon l'institut Destatis.

[Article publié le jeudi 25 mai 2023 à 08h14 et mis à jour à 13h58] Si le Royaume-Uni devrait éviter la récession cette année, ce ne sera pas le cas de l'Allemagne. Selon l'institut Destatis, la plus première économie d'Europe est entrée en récession technique au premier trimestre 2023, avec une deuxième baisse consécutive de son produit intérieur brut (PIB), plombé par son industrie qui souffre d'une baisse de sa demande, sur fond d'inflation et de hausse des taux d'intérêt. Le PIB de l'Allemagne a chuté de 0,3% entre janvier et mars sur un trimestre, après avoir reculé de 0,5% entre octobre et décembre, en données corrigées des variables de saison et de calendrier.

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Il s'agit d'une récession au sens technique, c'est-à-dire deux trimestres de baisse à la suite. C'est une première depuis la pandémie de coronavirus. La crise sanitaire avait provoqué une chute du PIB allemand au premier et deuxième trimestre 2020. Sur un an, l'indicateur chute de 0,5%. Ce chiffre, définitif, revoit à la baisse une précédente estimation de fin avril, qui parlait d'une stagnation (0,0%) de l'activité.

« Ce n'est pas une surprise, même si l'ampleur de cette révision est effrayante », reconnaît Jens Oliver Niklasch, analyste pour LBBW.

« L'Allemagne est bien tombée dans une récession hivernale »

L'industrie allemande, longtemps dépendante du gaz russe bon marché, a été durement touchée l'an dernier après l'invasion de l'Ukraine par Moscou. Et pour cause, le conflit a coupé ses approvisionnements vers l'Allemagne et fait grimper les prix. Malgré cela, l'économie semblait mieux résister que prévu en début d'année, grâce à des aides publiques massives, un recours accru au gaz liquéfié et un début de baisse des prix du gaz entamée à l'automne.

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L'industrie a profité également d'une réouverture de la Chine et de l'atténuation des goulots d'approvisionnement sur les marchés internationaux, relançant les exportations. Du coup, la perspective d'une récession semblait s'éloigner. Mais « cet optimisme a laissé place à plus de réalisme (...), l'Allemagne est bien tombée dans une récession hivernale », commente Carsten Brzeski, expert pour la banque ING.

Malgré ce ralentissement, le gouvernement allemand reste optimiste, avec une prévision de croissance de 0,4% en 2023. « L'économie a connu une faiblesse hivernale. Mais nous continuons à nous attendre à une nette amélioration au cours de l'année », a assuré à l'AFP le ministère de l'Economie.

Une inflation élevée

La publication de divers indicateurs sur la situation économique du mois de mars l'ont illustré. Après plusieurs mois de hausse, la production du secteur manufacturier, centrale pour le modèle économique allemand, est repartie à la baisse, chutant de 3,4% sur un mois. La production de véhicules automobiles a notamment diminué de 6,5% et la construction de 4,6%. Les commandes industrielles ont elles aussi rechuté lourdement en mars, de 10,7% sur un mois, du jamais vu depuis le creux de la pandémie. Et les exportations, essentielles pour ce secteur, ont fortement reculé à 5,2%.

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La raison de ce retournement est la baisse de la demande, liée à l'inflation, qui reste très élevée à plus de 7% dans le pays malgré une diminution progressive. Et les hausses de taux directeur menées tambour battant par la Banque centrale européenne (BCE) pour combattre cette hausse des prix ont enfoncé le clou, freinant considérablement l'activité.

« L'effet positif de l'assouplissement des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et de la baisse des prix sur les marchés de l'énergie est moins important que la perte de pouvoir d'achat et la politique monétaire restrictive », résumait récemment l'économiste Fritzi Koehler-Geib.

Le FMI peu optimiste

Malgré ce ralentissement, le gouvernement allemand s'attend toujours à une reprise progressive de l'activité au cours de l'année. Au final, il anticipe sur l'ensemble de l'année une croissance de 0,4% en 2023. Berlin table sur la poursuite de la baisse de l'inflation dans le pays et en zone euro, ce qui devrait assouplir la politique monétaire de la BCE et relancer la demande. Mais tout le monde n'est pas aussi optimiste. Le FMI a prévu en avril que l'activité économique allemande se contracterait de 0,1% cette année, avant un rebond de la croissance de 1,1% en 2024.

« L'Allemagne est très largement considérée comme le potentiel mouton noir de l'Europe », déclare Guillaume Dejean, analyste pour Global Market Insight.

La situation économique allemande dénote par rapport à ses voisins européens, où le risque de récession s'est progressivement estompé grâce à la baisse des prix de l'énergie. En Belgique et en France, l'activité économique a ainsi progressé respectivement de 0,4% et 0,2% au premier trimestre 2023 par rapport au trimestre précédent. L'Italie a de son côté vu son PIB grimper de 0,5%.

Le moral des entrepreneurs repart à la baisse

Cette annonce intervient alors le moral des entrepreneurs est reparti à la baisse en mai après six mois de hausse, selon le baromètre IFO publié ce mercredi. L'indicateur, réalisé via un sondage mensuel auprès de 9.000 entreprises allemandes, chute de 1,7 point, à 91,7 points.

« L'effet positif de l'assouplissement des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et la baisse des prix sur les marchés de l'énergie est moins important que le poids de la perte de pouvoir d'achat et de la politique monétaire restrictive », résume l'économiste Fritzi Koehler-Geib.

Depuis plusieurs mois, le moral des entrepreneurs était porté par la résilience de l'économie allemande face à la crise de l'énergie, conjuguée à la fin de nombreux goulots d'étranglement dans d'approvisionnement. Mais l'inflation reste très élevée dans le pays, atteignant 7,2% en avril, plombant le pouvoir d'achat des ménages. Et les hausses de taux directeur menées tambour battant par la Banque centrale européenne (BCE) pour la combattre, commence à avoir des effets sur l'activité, accroissant les risques de récession pour la première économie de la zone euro.

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(Avec AFP)