Brexit : la Banque d'Angleterre sort son "bazooka monétaire"

Par Mathias Thépot  |   |  715  mots
La Banque d'Angleterre a abaissé son taux directeur d'un quart de point, à 0,25 %.
Pour la première fois depuis 2009, la banque d'Angleterre a abaissé son taux directeur afin de soutenir l'activité britannique, en berne depuis le Brexit. Elle accompagne cette baisse de plusieurs mesures de soutien.

Comme attendu, la Banque d'Angleterre (BoE) a donc abaissé d'un quart de point son taux de refinancement à 0,25 % - une première depuis 2009 - afin de soutenir l'activité britannique, en berne depuis le Brexit voté le 23 juin dernier. Elle accompagnera par ailleurs cette baisse de plusieurs mesures de soutien. Cette annonce est tout sauf une surprise car lors de la dernière réunion du Comité de politique monétaire (MPC) de la Banque d'Angleterre, le 14 juillet dernier, il avait été décidé de ne rien faire dans l'attente de données sûres concernant un ralentissement britannique. Mais ce ralentissement ne faisait déjà aucun doute, et la publication récente de l'indice des directeurs d'achat « PMI » en chute vertigineuse dans les services, l'industrie et la construction, et qui s'est affiché à son plus bas niveau depuis avril 2009, a fini de convaincre l'institution gouvernée par Mark Carney. D'autant qu'en parallèle, le moral des consommateurs et des industriels est en berne et l'activité immobilière ralentit.

Mesures de complément

En guise de politique contra-cyclique, la « Vieille Dame de Threadneedle Street » actionne donc le levier monétaire, et de manière prononcée. La BoE ne s'est en effet pas limitée à la baisse de son taux directeur. Elle a accompagné son action de trois mesures de soutien supplémentaires, attendues par les analystes. Dans le détail, le MPC a en fait relevé le plafond du programme de rachats d'actifs - dits d'assouplissement quantitatif - lancé en 2009 (qui a atteint en juillet 2012 375 milliards de livres), à 435 milliards de livres. Ce nouveau plafond a notamment pour but d'acheter de nouveaux titres jugés « sûrs» auprès de fonds de pension ou compagnies d'assurance, par exemple, afin de les pousser à investir en échange dans des actifs plus risqués, comme les obligations d'entreprise ou les actions. La Banque d'Angleterre a aussi annoncé l'achat direct de 10 milliards de livres d'obligations d'entreprises britanniques. Enfin, le MPC a décidé de muscler son programme de crédit bon marché aux banques visant à leur faire prêter davantage aux ménages et aux entreprises. Il s'agit concrètement d'un accès à un total de 100 milliards de livres mis à disposition par la BoE pour permettre aux institutions financières de bénéficier au plus vite de l'abaissement du taux directeur.

hLes marchés financiers ont bien accueilli ces annonces : à 17H10, le Footsie, l'indice boursier phare de la place londonienne, gagnait 1,68 % à 6.745 points. Au même moment, la livre sterling était en repli. L'euro gagnait en effet 1,25 % à 0,8475 pence, et le dollar 1,38 % à 0,7611 pence.

Objectif de 2 % d'inflation

Ainsi, la BoE compte atteindre son objectif de 2 % d'inflation, qui s'établit pour l'instant à 0,5 %. Cette relance monétaire inédite outre-manche interroge, du reste, dans un contexte économique actuel qui rend la fuite en avant monétaire des banques centrales relativement inefficace. On le voit notamment avec la Banque centrale européenne qui éprouve les pires difficultés à transmettre sa politique monétaire expansionniste à l'économie réelle. En effet, s'il est toujours possible de donner des facilités de liquidités aux banques, il est dans le contexte actuel, bien plus ardu de stimuler la demande des entreprises et des ménages. Ainsi la BoE ne peut, seule, « libérer le potentiel enfoui de l'économie britannique, ou même obtenir des entreprises qu'elles investissent davantage qu'elles ne le font déjà », notait l'analyste de ETX Capital Neil Wilson.

Mieux articuler actions budgétaire et monétaire

D'autant que la BoE a aujourd'hui décidé d'agir seule sans attendre de connaître les décisions de politique économique de la première ministre, Theresa May, annoncées pour l'automne. Le but aurait été d'articuler en bonne intelligence les politiques budgétaires et monétaires.

Enfin, malgré les chiffres de la croissance britannique qui étaient bons au deuxième trimestre, en hausse 0,6 % en glissement annuel, force est de constater que les conséquences du Brexit provoquent des réactions de grande ampleur outre-manche. En actionnant le levier monétaire de la sorte, Mark Carney se garde en effet très peu de marges de manœuvre pour resserrer la vis si besoin à l'avenir. Espérons pour le Royaume-Uni que les annonces de ce jeudi 4 août produiront leurs effets, car la BoE a abattu une carte majeure.