Le futur européen dans l'impasse

Par Constant Méheut  |   |  896  mots
François Hollande, Matteo Renzi et Angela Merkel se sont réunis hier en Italie pour discuter de l'avenir de l'Union Européenne post-Brexit.
Les chefs d'Etats français, allemand et italien se sont réunis hier en Italie pour évoquer l'avenir de l'Europe post-Brexit. Mis à part quelques orientations évoquées, l'avenir européen reste bien flou.

Voici le nouveau "club des trois" qui entend donner un second souffle à l'Europe. Hier François Hollande, Angela Merkel et Matteo Renzi se sont retrouvés en fin d'après-midi sur le porte-aéronefs Garibaldi, au large de Naples, pour évoquer l'avenir de l'Union Européenne (UE) après la sortie du Royaume-Uni.

Mais à l'image du sommet tenu à Berlin le 28 juin dernier, juste après le Brexit, cette réunion a offert plus de symboles que de contenu. Les trois dirigeants européens ont échoué à présenter une stratégie économique commune et n'ont donné aucune indication sur les négociations autour de la sortie du Royaume-Uni.

Un mini-sommet plombé par la "course au symbole"

Si certains ont un jour vu dans le Brexit une opportunité pour refonder l'UE sur des bases concrètes et solides, leurs espoirs ont de nouveau été douchés hier. Car les chefs d'Etats français, allemand et italien s'en sont tenus à un appel de refondation européenne presque exclusivement symbolique. D'abord dans la mise en scène. Hollande, Merkel et Renzi ont effectué une courte visite sur l'île de Ventotene en mer Thyrrénienne. Une île symbolique où gisent les cendres d'Altiero Spinelli, militant italien anti-faciste emprisonné pendant la guerre par Mussolini et auteur d'un "Manifeste pour une Europe libre et unie" aux connotations fédéralistes.

Les trois représentants se sont ensuite réunis pour un dîner de travail sur le porte-aéronefs Garibaldi qui fait aujourd'hui partie de la mission Sophia de lutte contre le trafic d'êtres humains organisé par les passeurs en Méditerranée. Un autre symbole, s'il en fallait encore un, de cette Europe des valeurs qu'ont essayé de ranimer Hollande, Merkel et Renzi.

La rencontre a donc pris les airs d'un retour aux racines européennes, où chaque dirigeant a tenu à rappeler, à force de symboles et d'idéaux, le destin de l'UE post-Brexit.

"Nous respectons le choix fait par les citoyens britanniques mais nous voulons écrire un nouveau chapitre. L'Europe après le Brexit relancera les idéaux puissants d'unité et de paix, de liberté et de rêves", a exprimé Matteo Renzi, président du Conseil des ministres italien.

Mais derrière l'habit rhétorique de cette rencontre, les propositions avancées par les trois chefs d'état peinent à soulever l'enthousiasme et l'espoir. Entre flou et divergences, l'avenir européen paraît bien ennuyeux.

Des semblants de propositions

François Hollande a énuméré trois "priorités" pour parvenir à cette relance d'une Union européenne en pleine crise existentielle. La première, selon lui, doit être la sécurité avec la protection des frontières extérieures de l'UE grâce à un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes. La seconde, a-t-il poursuivi, doit être la défense avec "davantage de coordination, de moyens supplémentaires et de forces de projection". Et la troisième, la jeunesse avec un programme Erasmus d'échanges universitaires "amplifié".

Sur le plan économique, Matteo Renzi a une nouvelle fois plaidé auprès de la chancelière allemande pour diminuer les politiques d'austérité européennes et pour revenir sur les contraintes d'équilibre budgétaire, arguant qu'il faut prendre des "mesures fortes pour relancer la croissance et lutter contre le chômage des jeunes". Un appel à la reprise économique auquel a fait écho François Hollande en insistant sur le plan Juncker de relance de l'investissement en Europe (315 milliards d'euros de 2015 à 2018) qui selon lui doit "non seulement [être] prolongé" mais également "amplifié".

Si Angela Merkel, en bonne diplomate, n'a pas manqué de saluer les résultats du Plan Emploi de Matteo Renzi et du Pacte de Responsabilité de François Hollande, elle est néanmoins restée très prudente quant à ses appels à la relance économique. "Il faut un examen, y réfléchir", a-t-elle glissé en réponse à François Hollande. La chancelière a préféré mettre l'accent sur le besoin d'améliorer la compétitivité européenne, comme si elle ne pouvait s'empêcher de souligner les divergences de politique économique au sein de l'Union Européenne.

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Derrière l'optimisme d'apparence, un véritable flou sur l'avenir

Matteo Renzi a conclu ce mini-sommet sur une note optimiste : "Nous pensons que l'Europe est la solution vis-à-vis des problèmes de notre époque. L'Europe est la plus grande opportunité des nouvelles générations. Nous continuerons mais il faut avoir un rêve plus vaste", a affirmé le dirigeant italien.

Mais force est de reconnaître qu'en dépit de ces paroles d'espoir c'est l'incertitude quant à l'avenir européen qui prédomine. L'Europe pouvait légitimement exiger un grand discours capable de relancer le projet européen, fait de propositions concrètes et d'orientations historiques. Elle n'a eu droit qu'à un réchauffé d'idéaux passés et à une énième langue de bois dissimulant à peine les divergences économiques.

Dans moins d'un mois et alors que les mouvements populistes ont le vent en poupe sur le vieux continent, les 27 Etats membres se réuniront à Bratislava pour un sommet sensé impulser une nouvelle dynamique en Europe. Mais si, à l'instar de Matteo Renzi hier, le but est seulement d'affirmer que "l'Europe n'est pas finie", on en voit mal l'utilité.

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