Le gouvernement espagnol reprend le contrôle de la Catalogne et veut des élections en janvier

Par latribune.fr  |   |  1279  mots
A l'issue du conseil des ministres extraordinaire, Mariano Rajoy et les membres de son gouvernement ont décidé comme attendu samedi d'enclencher l'article 155 de la Constitution. Le chef du gouvernement espagnol a demandé au sénat de suspendre de ses fonctions le gouvernement catalan afin de convoquer en janvier de nouvelles élections pour empêcher la sécession de la région. Des manifestations sont attendues à Barcelone où les entreprises fuient la région.

La crise catalane a franchi une nouvelle étape samedi 21 octobre après la décision, attendue, du gouvernement espagnol de lancer le processus permettant à Madrid de reprendre le contrôle de la région et de suspendre le gouvernement local afin de convoquer de nouvelles élections. L'activation de l'article 155 de la Constitution espagnole, jamais appliqué auparavant, permet au gouvernement de suspendre certaines compétences dévolues à la Catalogne et de demander la destitution du gouvernement régional. Inquiet de possible débordements lors des manifestations prévues ce samedi à Barcelone, le gouvernement a précisé qu'il s'agit d'une mesure « temporaire » dans l'attente de la tenue d'élections régionales en janvier prochain.

L'Espagne est entrée dans une crise sans précédent depuis le référendum d'autodétermination organisé en Catalogne le 1er octobre, mais déclaré illégal.

« Le gouvernement a dû appliquer l'article 155 de la Constitution. Ce n'était ni notre souhait, ni notre intention», a indiqué le premier ministre conservateur, Mariano Rajoy, à l'issue du conseil des ministres extraordinaire réuni samedi matin. «Nous appliquons l'article 155 parce qu'aucun gouvernement d'aucun pays démocratique ne peut accepter que la loi soit ignorée ».

Revenir à la légalité

Le Premier ministre espagnol avait fixé un ultimatum aux autorités catalanes, lui donnant jusqu'à jeudi matin pour renoncer clairement à une proclamation unilatérale d'indépendance. Ce renoncement officiel n'est pas intervenu. Samedi, lors d'une conférence de presse, Mariano Rajoy a détaillé les quatre objectifs de cette activation de l'article 155 de la Constitution : « revenir à la légalité, revenir à la normalité, continuer avec la reprise économique, organiser des élections ». Mariano Rajoy doit encore préciser quelles sont les conséquences concrètes de cette décision historique, négociée avec le Parti socialiste (PSOE), la principale force d'opposition, et ses alliés centristes de Ciudadanos. Les mesures devront être approuvées par le Sénat, dont le vote devrait intervenir vendredi 28 octobre. Une commission spéciale doit être formée pour en débattre et se réunira probablement lundi.

Logiquement, Madrid va reprendre le contrôle de la police régionale, les Mossos d'Esquadra, dont le chef a été accusé de sédition, pour ne pas avoir empêché le référendum d'autodétermination. Mariano Rajoy a aussi demandé au Sénat de destituer l'exécutif catalan, notamment Carles Puidgemont et son vice-président Oriol Junqueras, et de lui donner l'autorité de convoquer des élections régionales dans les six mois, afin de reprendre le contrôle sur cette région autonome qui se dirige vers la sécession. Ces élections seraient convoquées le plus tôt possible, peut-être dès janvier, en Catalogne.

Mariano Rajoy demande que tout le gouvernement catalan présidé par Carles Puigdemont soit démis de ses fonctions, qui seront exercées "en principe par les ministères (nationaux) aussi longtemps que durera cette situation exceptionnelle". Si le Sénat approuve les mesures dans les jours qui viennent, le parlement catalan continuera d'exercer ses fonctions jusqu'à sa dissolution mais ne pourra pas élire un nouveau président du gouvernement en remplacement de M. Puigdemont ni voter de nouvelles lois contraires à la constitution et au statut de cette région autonome.

Carles Puigdemont, qui doit faire une déclaration officielle à 21H00 (19H00 GMT), a menacé de faire proclamer formellement l'indépendance de la Catalogne, une région grande comme la Belgique qui représente 19% du PIB espagnol.

Risque d'escalade à Barcelone

Pour éviter toute escalade, Madrid insiste sur le fait que ces mesures seront limitées, temporaires et doivent déboucher sur de nouvelles élections régionales. L'annonce de cette suspension risque en effet d'attiser la mobilisation populaire qui ne faiblit pas depuis plusieurs jours, bien que la population catalane soit divisée sur la question de l'indépendance. Une grande manifestation est prévue à 17 heures à Barcelone pour réclamer la libération de deux leaders indépendantistes arrêtés au cours de la semaine.

Le chef du gouvernement catalan Carles Puigdemont, a de son côté menacé de proclamer formellement l'indépendance de cette région de 7,5 millions d'habitants si son autonomie était suspendue. L'exécutif régional affirme avoir reçu un mandat pour déclarer l'indépendance après le référendum du 1er octobre. À l'issue de ce vote, Carles Puigdemont avait réaffirmé le droit de la Catalogne à l'indépendance, tout en indiquant suspendre les effets de cette déclaration d'indépendance afin de demander une médiation avec Madrid.

Le roi d'Espagne est intervenu dans cette crise, la pire qu'ait traversée son pays depuis la fin de la dictature de Francisco Franco en 1975, assurant vendredi que l'Etat saurait faire face à cette "tentative inacceptable de sécession (...) avec ses institutions démocratiques légitimes". "Nous ne voulons pas renoncer à ce que nous avons construit ensemble", a déclaré le souverain à l'occasion de la remise du Prix Princesse des Asturies, dont l'Union européenne était un des lauréats.

Sommé de revenir à la légalité, le chef du gouvernement de Catalogne Carles Puigdemont a au contraire menacé de faire proclamer officiellement l'indépendance de cette région de 7,5 millions d'habitants si son autonomie était suspendue. Carles Puigdemont et son cabinet indépendantiste affirment avoir un mandat pour faire sécession, après avoir organisé un référendum d'autodétermination interdit par la justice. D'après eux, plus de deux millions de Catalans, soit 43% de l'électorat, ont voté à 90% oui à l'indépendance malgré des interventions parfois violentes de la police pour les en empêcher. Après ce scrutin, Carles Puigdemont avait fait une déclaration ambigüe sur l'indépendance, annonçant immédiatement qu'il en suspendait les effets. Mais c'est le Parlement catalan, où il dispose avec ses alliés d'une courte majorité absolue de 72 sièges sur 135, qui doit officiellement proclamer la "République de Catalogne". Cette même assemblée avait déclenché dès novembre 2015 le processus de rupture avec l'Espagne, l'objectif étant d'instaurer une république indépendante au plus tard en 2017, annonçant qu'elle ne reconnaissait plus les décisions de la Cour constitutionnelle.

L'UE soutient l'Espagne

L'aile dure de la coalition pousse Carles Puigdemont à consommer la rupture mais cet ancien journaliste de 54 ans coiffé à la Beatles temporise devant l'impact économique de la crise, avec la fuite de milliers d'entreprises et des banques, et le manque d'appuis à l'étranger. La France et l'Allemagne ont fermement condamné ses efforts en vue de la sécession et l'UE répète qu'elle ne reconnaîtrait pas l'indépendance de la Catalogne, qui quitterait automatiquement l'Union.A l'occasion de la cérémonie des Prix Princesse d'Asturies à Oviedo, dans le nord-ouest de l'Espagne, le président du Parlement européen Antonio Tajani a dénoncé avec virulence ceux qui "sèment la discorde (et) ignorent volontairement les lois", dans une allusion transparente aux dirigeants catalans qui défient l'Etat depuis deux ans. "Trop souvent par le passé la perspective de changer les frontières a été présentée comme une panacée divine et s'est transformée en un chaos infernal", a-t-il averti.

Emmenées par les deux plus grandes banques catalanes, Caixabank et Sabadell, près de 1.200 entreprises ont transféré leur siège social hors de Catalogne, les investissements sont suspendus et les réservations d'hôtel chutent dans la région la plus touristique d'Espagne.

Les dirigeants séparatistes promettaient depuis des années à leurs électeurs qu'une Catalogne indépendante serait reconnue par l'UE et prospérerait dès lors qu'elle ne paierait plus d'impôts à Madrid. Le pari est loin d'être gagné !

(avec AFP)