Sobriété énergétique : le ministre allemand de l'économie vante les mérites des douches plus courtes et plus froides

Par latribune.fr  |   |  890  mots
Robert Habeck (Crédits : MICHELE TANTUSSI)
La perspective d'un arrêt des livraisons de gaz russe à l'Europe se rapproche. Ce lundi, les géants nationaux OMV en Autriche et ENI en Italie constatent une diminution du gaz russe acheminé, alors que Gapzrom entame des travaux sur certains gazoducs. Le scénario de pénuries et de rationnement est évoqué dans certains pays européens dont l'Allemagne pour cet hiver.

L'effondrement des livraisons de gaz russe à l'Europe se poursuit à l'initiative de Gazprom. En Autriche d'abord, où le géant russe, qui a entamé des travaux de maintenance des deux gazoducs Nord Stream 1, a fortement diminué les quantités livrées au groupe autrichien OMV. « OMV a été informé par Gazprom de la diminution de l'approvisionnement en gaz, ce qui se traduit pour aujourd'hui par une baisse de 70% des volumes arrivant au terminal de Baumgarten (l'un des noeuds de la distribution de gaz en Europe centrale », a déploré OMV dans un communiqué.

Un scénario identique se produit en Italie. Gazprom ne fournit ce lundi que 21 millions de m3 à l'entreprise nationale d'hydrocarbures Eni contre 32 millions de tonnes en moyenne ces derniers jours, soit une diminution d'un tiers. L'Italie est aussi approvisionnée en partie par le gazoduc Nord Stream 1.

Le scénario des pénuries et du rationnement envisagé

De quoi amplifier l'inquiétude des Européens sur le scénario de pénurie. Les quantités de gaz russe acheminées vers l'Europe ne cessent de diminuer depuis le début du conflit ukrainien. Gazprom a déjà interrompu totalement les livraisons de gaz russe vers certains pays, comme la Pologne et la Bulgarie, qui n'acceptent pas de payer en roubles comme s'est mis à l'exiger l'énergéticien. La tendance est à un arrêt général des livraisons de gaz russe à l'Europe dans les prochains mois. Une dynamique qui inquiète quant aux stocks disponibles de gaz pour chauffer les ménages et faire fonctionner les industries européennes.

La perspective d'une pénurie de gaz est désormais ouvertement évoquée en Allemagne, où le gouvernement évalue la possibilité de rationnements. En France, pays moins dépendant du gaz russe que l'Allemagne, les énergéticiens EDF, TotalEnergies et Engie ont lancé un appel fin juin  à la sobriété énergétique pour économiser les quantités d'énergies disponibles. Le gouvernement commence lui aussi à tirer la sonnette d'alarme et prépare des mesures pour inciter les entreprises et les ménages à réduire leur consommation d'électricité et de gaz.

Mesures de sobriété en Allemagne

Très dépendante du gaz russe, l'Allemagne est sur le qui-vive. Même si la pause des livraisons russes ne doit durer que 10 jours en raison des travaux sur le gazoduc Nord Stream, Berlin craint que Moscou ne stoppe pour de bon les livraisons via ce pipeline qui fournit une part essentiel de son approvisionnement. Le pays, des municipalités aux grandes entreprises, se prépare à toutes les restrictions. Mais si les livraisons de gaz russe s'arrêtent, l'Allemagne devra faire des « choix de société très difficiles », a prévenu le ministre de l'Economie et du Climat, Robert Habeck, qui a vanté les mérites des douches plus courtes et plus froides.. L'eau chaude de la douche, la température des bureaux et pourquoi pas l'éclairage des feux de circulation, tout est à l'étude. Le secteur industriel, les collectivités et administrations cherchent tous les moyens de réduire leur consommation énergétique.

« Il est possible que nous introduisions à nouveau plus de télétravail pour une durée limitée, comme lors de la pandémie. Mais cette fois-ci pour économiser de l'énergie dans l'intérêt national », a récemment expliqué dans la presse Carsten Knobel, le patron du groupe Henkel, l'un des poids-lourds de la bourse de Francfort.

Le spécialiste des lessives et adhésifs n'est pas le seul à s'inquiéter. L'industrie chimique est particulièrement vulnérable, car dépendant fortement du gaz. L'organisation du secteur VCI dit se préparer « au scénario du pire ». Le géant BASF, dont le site de Ludwigshafen (ouest) est une véritable ville dans la ville, réfléchit à mettre une partie des salariés en chômage partiel, en cas d'arrêt des livraisons de gaz russe qui font tourner ses turbines.

Les réserves de gaz se remplissent donc difficilement. A ce rythme, « nous courons à la pénurie de gaz », a prévenu Robert Habeck.

« Si nous ne recevons plus de gaz russe (...) les quantités actuellement stockées ne suffiront que pour un ou deux mois », alerte Klaus Müller, le président de l'Agence fédérale des réseaux.

D'où l'appel à prendre les devants car les consommateurs « seront choqués lorsqu'ils recevront un courrier de leur fournisseur d'énergie » avec un « triplement » de la facture à la clé, selon le responsable. Le Bundestag, où siègent les députés, a adopté jeudi un plan d'économie: plus de chauffage au-dessus de 20 degrés l'hiver et plus d'eau chaude dans les bureaux individuels. De nombreuses villes ont déjà diminué la température de l'eau des piscines ou l'éclairage urbain. La municipalité d'Augsbourg, en Bavière, envisage même d'arrêter certains feux de circulation. Une coopérative immobilière près de Dresde, en Saxe (est), a décidé de couper l'eau chaude la nuit dans ses 600 logements, provoquant une polémique nationale. Jeudi, c'est le premier groupe immobilier allemand, Vonovia, qui a annoncé son intention de limiter à 17 degrés la température du chauffage central la nuit dans son parc de 350.000 logements.