Agriculteurs : à Bruxelles, Macron se félicite que l'accord avec le Mercosur n'ait « pas été conclu à la va-vite »

Par latribune.fr  |   |  1259  mots
Lors d'une conférence de presse, il s'est félicité que l'accord UE-Mercosur n'ait « pas été conclu à la va-vite » (Photo d'illustration). (Crédits : POOL)
Au terme d'un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles, ce jeudi, la Commission européenne a confirmé amorcer plusieurs chantiers relatifs à l'agriculture, dans l'objectif de calmer la grogne exprimée par les exploitants du Vieux continent. Lors d'une conférence de presse, Emmanuel Macron est notamment revenu sur la politique agricole commune (PAC) et a réaffirmé sa stricte opposition à l'accord de libre-échange avec le Mercosur, deux sujets inflammables.

[Article publié le jeudi 1er février 2024 à 07H21 et mis à jour à 18H10] Une journée au sommet paraît arriver à son terme, ce jeudi après-midi, à Bruxelles. Un Conseil européen extraordinaire s'est tenu. Objectif, revenir en détail sur le budget de l'Union européenne - et notamment sur une enveloppe supplémentaire accordée à l'Ukraine. Difficile, toutefois, de faire abstraction de la crise agricole. D'autant plus qu'un millier de tracteurs, venus de toute l'Europe, ont bloqué les rues de la capitale belge.

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En fin d'après-midi, le président français a pris la parole lors d'une conférence de presse. « Nous vivons une crise agricole en Europe, et ce, depuis de nombreux mois, a souligné Emmanuel Macron. (...) Nous voyons partout en Europe, des mouvements de contestations monter. »

« Nous avons fait beaucoup pour notre agriculture en Europe, et en France, d'abord en défendant une politique agricole commune, qui n'était pas acquise, a-t-il poursuivi, citant le chiffre de 9 milliards d'euros d'aides par an, et énumérant les dispositifs mis en place en France. (...) Nous ne devons pas sous-estimer que l'accélération et l'instabilité géopolitique (...) ont conduit à des perturbations massives, qui touchent profondément le modèle agricole européen. Et c'est à cela que nous sommes touchés. »

Produire davantage ? Une « nécessité », estime Macron

Pandémie de coronavirus, guerre en Ukraine... Aux yeux du locataire de l'Elysée, ces facteurs constituent de facto une raison supplémentaire de changer le modèle agricole européen. Il a ainsi réclamé à l'exécutif bruxellois la mise en œuvre d'un « Egalim européen ». Le principe ? Faire en sorte qu'il n'y ait pas de « contournement de ce qui a été fait au niveau français par ces grandes centrales d'achat européennes », a-t-il explicité.

Certains distributeurs se sont organisés à l'échelle européenne via des centrales d'achat, et cherchent, grâce à celles-ci à contourner la loi française, a-t-il pointé.

Lors de ses échanges avec Ursula von der Leyen, le président français a également demandé à la Commission européenne d'aboutir « à des simplifications concrètes et tangibles dès la fin du mois de février » en faveur des agriculteurs. En parallèle, Emmanuel Macron a exigé « la mise en place d'une force européenne de contrôle sanitaire et agricole » pour « éviter » la « concurrence déloyale » entre pays membres de l'Union européenne. L'enjeu ? Assurer une « souveraineté alimentaire ».

« Nous veillerons que nos agriculteurs puissent continuer de produire et assumer que la production, et davantage de production, est une nécessité dans le monde dans lequel nous vivons », a-t-il justifié.

Le chef de l'Etat est également revenu sur les autres mesures, amorcées la veille par l'exécutif européen (limitation des importations ukrainiennes, jachères...). Il s'est aussi félicité que l'accord UE-Mercosur n'ait « pas été conclu à la va-vite », et a réaffirmé la position de la France, de stricte opposition à l'accord de libre-échange.

« On demande simplement que les règles environnementales et sanitaires soient les mêmes [pour tous] sinon ce n'est pas juste. La position française est une position de clarté. »

La PAC sous le feu des critiques

Ses déclarations interviennent quelques heures après la prise de parole de la présidente de la Commission européenne.

« Nous allons travailler avec la présidence belge du Conseil de l'UE sur une proposition que nous allons présenter (...) pour réduire le fardeau administratif » de la Politique agricole commune (PAC), avait anticipé Ursula von der Leyen.

La PAC fait, en effet, l'objet de vives critiques pour sa complexité. Notamment dans son application concrète au niveau de chaque pays membres, à commencer par la France. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, avait d'ailleurs appelé la veille Bruxelles à « simplifier » rapidement ses procédures.

« On ne peut avoir une PAC qui soit à ce point complexe et incompréhensible, parfois tant pour nos administrations que nos agriculteurs. On a besoin de s'engager résolument dans la voie de la simplification », a-t-il dénoncé.

« Vous avez des agriculteurs aujourd'hui qui ne savent pas le pourquoi des aides qu'ils touchent. Il ne s'agit pas d'attendre la nouvelle PAC post-2027 », a-t-il ajouté. Il a ainsi évoqué « les dérogations, les formulaires à remplir, les attestations réclamées » même quand un contrôle satellitaire est prévu - ce « qui pourrait permettre d'alléger les procédures ».

Autre écueil : la PAC 2023-2027 accorde des « flexibilités » accrues aux Etats pour s'adapter aux spécificités locales, au risque d'avoir des normes plus ou moins complexes et strictes d'un pays à l'autre, une potentielle concurrence intérieure.

Bruxelles fait des concessions

Bruxelles a déjà fait des concessions mercredi : l'exécutif européen a proposé de renouveler pour une année supplémentaire, entre juin 2024 et juin 2025, l'exemption de droits de douane accordée à l'Ukraine depuis le printemps 2022 pour soutenir le pays en guerre. Mais en l'assortissant de « mesures de sauvegarde » renforcées, limitant l'impact des importations de produits agricoles ukrainiens. Ceux-ci ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023.

Sur les obligations de jachères imposées par la nouvelle Politique agricole commune (PAC) entrée en vigueur début 2023, Bruxelles propose aux Vingt-Sept une « dérogation partielle » leur permettant de toucher les aides, même sans respecter la proportion d'au moins 4% de terres arables en jachères.

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Les céréaliers français des droits de douanes

Si, selon l'Elysée, la Commission européenne a « répondu aux demandes de la France », cette dérogation intervient « tardivement » et reste « limitée », avait toutefois regretté le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l'UE. Les céréaliers français veulent voir réinstaurer des droits de douanes au-delà d'un quota d'importations d'Ukraine.

« On est extrêmement déçus. Le problème est crucial pour les céréales. Entre 2021 et 2023, les importations de blé ukrainien dans l'Union européenne ont été multipliées par vingt. On est passé de 215.000 tonnes de blé en 2021 à 5 millions de tonnes en 2023 », avait déclaré, de son côté, à l'AFP Eric Thirouin, le président de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB).

Mercosur : Bruno Le Maire prêt à un « bras de fer » avec la Commission

Autre sujet de friction majeur : un accord de libre-échange, avec les pays d'Amérique du Sud. En charge de la politique commerciale des Vingt-Sept, la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole, et dont Paris déclare ne pas vouloir.

Ce traité avec d'importants pays agricoles « n'est pas bon pour nos éleveurs et ne peut pas, ne doit pas être signé en l'état », a déclaré mercredi le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire, se disant prêt à un « bras de fer » avec la Commission.

Cette dernière avait déclaré, la veille, qu'« à l'heure actuelle, l'analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies ». Mais « les discussions continuent et l'Union européenne continue à poursuivre son objectif d'atteindre un accord qui respecte les objectifs de l'UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités, notamment dans le domaine agricole », avait-il néanmoins précisé.