Colère des agriculteurs : Bruxelles prête à lâcher du lest sur les jachères

Afin de répondre à la colère agricole, la Commission européenne vient d'annoncer qu'elle prolongera finalement une dérogation aux règles de la Pac sur les jachères. Une mesure demandée depuis longtemps par principales organisations syndicales et professionnelles du Vieux Continent, rappelle Christiane Lambert, présidente de l'organisation qui les représente.
Giulietta Gamberini
La politique agricole commune (Pac) de l'Union européenne impose à chaque exploitation de laisser au moins 4% de terres arables en jachères ou en infrastructures agro-écologiques non productives (haies, bosquets, fossés, mares), pour protéger la biodiversité.
La politique agricole commune (Pac) de l'Union européenne impose à chaque exploitation de laisser au moins 4% de terres arables en jachères ou en infrastructures agro-écologiques non productives (haies, bosquets, fossés, mares), pour protéger la biodiversité. (Crédits : Reuters)

Le petit pas fait par la Commission européenne sur l'un des sujets brûlants de la révolte agricole, les jachères, ne satisfait pas complètement les agriculteurs européens. Dans un communiqué diffusé le 31 janvier, l'organisation Copa-Cogeca, qui regroupe leurs principales organisations syndicales et professionnelles du Vieux Continent, déclare « prendre acte de cette avancée », mais considérer cette décision tardive « dans le calendrier agricole »ainsi que « limitée ».

Elle affirme espérer « que les États membres renforceront encore cette proposition afin d'avoir une approche plus globale, en particulier dans les États membres qui ont été particulièrement touchés par les événements climatiques extrêmes, lors de la réunion du Conseil européen de demain ».

« Plus de réactivité »

« Nous demandons cette dérogation depuis avril de l'année dernière », rappelle Christiane Lambert, présidente du Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne) et ancienne présidente du premier syndical agricole français, la Fnsea, interrogée par La Tribune. Tout en saluant une « bonne nouvelle pour les agriculteurs européens  », elle regrette aussi que les « demandes d'assouplissement sur d'autres éléments de conditionnalité » de pays situés « plus à l'Est »de l'Europe, frappés de sécheresse, n'aient pas été écoutées. C'est d'ailleurs sur ces autres « éléments de conditionnalité » pour obtenir les aides de la Politique agricole commune (Pac)qui concernent des pays avec des « difficultés supplémentaires » (Roumanie, Espagne, Italie) ,que le Copa-Cogeca demande au Conseil européen d'aller plus loin, précise-t-elle.

«  Cela ne va pas assez vite », déplore-t-elle, déçue aussi par les propositions de la Commission à propos de la suppression des droits de douane dont bénéficient depuis 2022 les produits agricoles ukrainiens entrant dans l'UE, qu'elle considère non suffisamment protectrices des agriculteurs européens.

« Face au mouvement de protestation des agriculteurs, la Commission européenne commence à se réveiller. Il serait temps! », estime Christiane Lambert, pour qui « le grand défaut de Bruxelles c'est son manque de réactivité ».

L'un des critères agro-environnementaux des aides de la Pac

Le 30 janvier, la Commission européenne a annoncé que le 1er février elle examinerait une proposition de nouvelle dérogation aux obligations de jachères dans la Politique agricole commune (PAC). Cette dernière, dans sa version entrée en vigueur début 2023, impose à chaque exploitation de laisser au moins 4% de terres arables en jachères ou en infrastructures agro-écologiques non productives (haies, bosquets, fossés, mares), pour protéger la biodiversité. C'est l'un des critères agro-environnementaux pour bénéficier des aides versées aux agriculteurs.  Mais ce taux minimum peut être ramené à 3% s'ils y ajoutent 4% de cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote sans produits phytosanitaires, pour atteindre 7% favorables à la biodiversité.

Après le début de la guerre en Ukraine, afin de permettre aux agriculteurs européens de produire davantage pour compenser les perturbations de l'offre céréalière de l'Ukraine et de la Russie, Bruxelles avait suspendu l'application de cette condition. La dérogation a expiré fin 2023, bien qu'une dizaine d'Etats, dont la France, ainsi que les grandes organisations agricoles, aient réclamé à l'automne sa prolongation au moins partielle pour 2024.

Un compromis évitant des écueils politiques et juridiques

La dérogation proposée par l'exécutif européen sera provisoire et durera un an, a précisé la Commission. Elle reprend une idée française, explique le média Contexte: celle de permettre aux agriculteurs d'atteindre la part minimale de 7 % d'éléments non productifs grâce aux seules cultures dérobées ou fixatrices d'azote. Ce compromis permet d'éviter les complications juridiques et politiques qui auraient découlé du renouvellement pur et simple de la dérogation qui avait été accordée en 2023: notamment une réouverture de négociations avec le Conseil et le Parlement européen.

« La nouvelle dérogation devrait prendre la forme d'un acte d'exécution, texte réglementaire qui ne nécessite pas la validation des eurodéputés », précise Contexte.

Le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire français, Marc Fesneau, a prévu de continuer d'appuyer la position de Paris dans le cadre de divers rendez-vous organisés le 31 janvier à Bruxelles « pour accélérer le traitement des urgences » agricoles. Le président de la République Emmanuel Macron compte pour sa part aborder le sujets lors d'un entretien jeudi avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, en marge du Conseil européen.

Giulietta Gamberini
Commentaires 7
à écrit le 01/02/2024 à 14:08
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Que ne ferions nous pas pour sauver un dogme en cours, en gagnant du temps en le faisant perdre à ceux qui protestent !;-)

à écrit le 01/02/2024 à 7:56
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Alors que c'est un principe écologiquement sain mais bon les paradis fiscaux de ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant sont tellement importants, nous autres on peut pas comprendre hein forcément !

à écrit le 31/01/2024 à 23:09
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4% de terres en jachères, c"est peanuts pour faire respirer un peu mieux la planète. Du temps de l'assolement triennal et de la rotation des cultures, c'était...30% .

le 01/02/2024 à 8:43
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@Valbel89. Du temps de l’assolement triennal………..Ça remonte à quand?La population française était de combien d’habitants? 40 millions,50 millions ? Actuellement ,c’est 68 millions.Ce qui était faisable et je suis d’accord avec vous sur la gesti...

le 01/02/2024 à 17:26
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"La population française était de combien d’habitants? 40 millions,50 millions " L'agriculture est mondialisée et financiarisée ce que vous dites est donc obsolète.

à écrit le 31/01/2024 à 20:48
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Bonjour, bon la jachères et la rotation des cultures me semblent une politique de gestion responsable des terre agricoles... Bien sur cela a un coups financiers, mais cela évitent l'appauvrissement des terres agricoles... Bien sur ils ne faut pas...

à écrit le 31/01/2024 à 20:31
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Vive l'épuisement des terres agricoles et la pollution des nappes phréatiques (cf. épandage) au profit des millionnaires céréaliers...

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