Non, en Europe, l'accord sur la Grèce ne fait pas l'unanimité

Par Sarah Belhadi  |   |  993  mots
Alexis Tsipras rejoint ce lundi 13 juillet le Palais Maximou (le Matignon grec) après l'annonce d'un accord trouvé in extremis entre les créanciers et Athènes. Plus tôt dans journée, il a assuré que son gouvernement continuera à se "battre pour les réformes radicales dont la Grèce a besoin" et pour "regagner" sa "souveraineté perdue".
En échange, de lourds sacrifices, hausse de la TVA, privatisations massives, réforme des retraites, la Grèce a obtenu un accord de principe pour un troisième plan d'aide. De nombreuses voix, tout au long de la journée, se sont fait entendre pour dénoncer l’attitude de l’Eurogroupe, et en particulier la position allemande.

Après 17 heures de négociations au forceps, l'Eurogroupe a in fine accouché d'un accord à l'ouverture des négociations pour un troisième plan d'aide à la Grèce. Pour autant, le plan, qui ne peut être mis en place dans l'immédiat, doit être précédé de solutions à court terme. Dès ce lundi après-midi, les ministres de la zone euro se sont réunis afin de discuter d'une aide financière nécessaire à la Grèce pour tenir à court terme. Sans grande confiance.

Ainsi, le Premier ministre des Finances finlandais - qui plaidait pour un Grexit - a prévenu que ces négociations seraient "difficiles". "Je ne pense pas que beaucoup de pays aient un mandat pour donner de l'argent sans conditions", a-t-il ajouté devant la presse. Plus consensuel, le ministre français des Finances, Michel Sapin, prévient qu'"il faudra quelques jours pour trouver les bonnes manières de faire". Quelques jours tout au plus. En effet, la situation grecque est urgente : la Grèce, dont les banques sont fermées depuis le 29 juin, doit honorer plusieurs échéances : 7 milliards d'euros d'ici au 20 juillet et 5 milliards d'euros de plus d'ici à la mi-août.

En fin de journée, Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, à peine réélu, a expliqué que le financement transitoire était "très complexe", à mettre en place. "Nous n'avons pas encore trouvé la clé", a ainsi commenté le patron de l'Eurogroupe, évoquant des difficultés financières, techniques, légales et politiques.

Les Grecs, dans l'attente, encore une fois

En attendant, les Grecs sont toujours suspendus à de nouvelles annonces. Lundi soir, le ministère des Finances a fait savoir que les établissements bancaires resteront fermés jusqu'à jeudi inclus. Et, si la plupart des dirigeants se félicitent de cet accord historique, de nombreux Grecs sont loin d'être satisfaits de la tournure des événements ces dernières heures. Ainsi, un appel à manifester a été lancé sur Facebook ce soir, à 19h place Syntagma à Athènes. A 18h05 (heure d'Athènes), l'événement affichait 24.704 participants.

Avant que l'accord soit trouvé, c'est l'ancien ministre des Finances, professeur d'économie, Yanis Varoufakis, qui s'est exprimé dans une interview accordée au journaliste Harry Lambert du New Statesman. Il y révèle les coulisses de ces derniers mois de négociations. Il n'hésite pas à dénoncer le "manque total de scrupules démocratiques" de ses interlocuteurs de l'Eurogroupe. Le tableau est noir : en toile de fond, la ligne allemande dictée par Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. Varoufakis révèle que seul Michel Sapin, le ministre des Finances français, laisse entendre une voix différente, mais doit choisir, très attentivement ses mots en réunion s'il ne veut pas passer pour un opposant à la doxa officielle.

Un accord qui ne passe pas

Ces révélations tombent au moment où l'accord doit être validé cette semaine par les différents parlements. Au Portugal, en Espagne, et en France, il suscite de vives critiques dans les rangs de l'extrême gauche, de l'extrême droite, et des partis eurosceptiques.

Si la satisfaction est le maître mot de la journée, Jean-Luc Mélenchon, député européen du Parti de gauche, a dénoncé la pression et l'attitude d'Angela Merkel vis-à-vis de la Grèce : "cet accord a été négocié le pistolet sur la tempe de Monsieur Tsipras pour reprendre une expression qu'il a lui même utilisée".

"On voit donc se dessiner un nouveau visage de l'Europe fait de brutalité et d'omnipotence du gouvernement allemand".

Il n'hésite pas, encore une fois, à tacler Berlin :

"Le gouvernement allemand est le problème de l'Europe et non pas le gouvernement grec, ni le gouvernement français, ni l'italien, ni l'espagnol, ni qui on voudra".

"Un coup d'Etat financier"...

L'attitude de l'Eurogroupe est sévèrement critiquée en Espagne du côté de Podemos. "Ce que l'on recherche en Grèce, c'est à faire un coup d'Etat financier, à transformer (le pays) en protectorat", a lancé l'ancien eurodéputé espagnol Pablo Echenique, élu régional du parti antilibéral Podemos, le plus proche allié européen de Syriza, le parti du Premier ministre grec Alexis Tsipras. Tout en précisant que "la solidarité européenne n'existe pas".

Catarina Martins, dirigeante du Bloc de gauche, un parti antilibéral portugais estime de que "ce n'est pas un accord, c'est un diktat". Et dénonce le fait que "la démocratie a été complètement balayée de la carte pour faire place à des diktats de type colonialiste".

De l'autre côté de l'échiquier politique, l'extrême droite a aussi déploré l'asservissement de la Grèce à la zone euro. A Paris, Florian Philippot, vice-président du Front national a dénoncé "la mise en esclavage d'un peuple entier" pour "sauver l'euro à tout prix", sur l'antenne d'iTélé. En Grande-Bretagne, c'est Nigel Farage, chef de l'Ukip qui assure que cet accord "montre que la démocratie et l'appartenance à la zone euro sont incompatibles".

 ...que Paul Krugman, Nobel d'économie, dénonce

Mais la contestation n'est pas l'apanage des politiques. Dès dimanche, #ThisIsAcoup, le hashtag lancé par des internautes pour dénoncer un coup d'Etat de l'Allemagne contre la Grèce est devenu le deuxième mot-clé le plus populaire sur Twitter ...dans le monde. Il a aussi obtenu l'approbation de Paul Krugman, Nobel d'économie. Dans une tribune publiée dans le New York Times, l'économiste estime que les efforts demandés à Athènes "dépassent la sévérité, ils recèlent un esprit de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et effacent tout espoir de soulagement".

Il ajoute "Le projet européen vient de subir un coup terrible voire fatal. Et quoique vous pensiez de Syriza ou de la Grèce, ce ne sont pas les Grecs qui ont porté ce coup".