"Nous avons réformé en cinq mois davantage que les gouvernements précédents en cinq ans"

Par Propos recueillis par Romaric Godin, à Athènes  |   |  751  mots
Giorgos Stathakis, ministre grec de l'Economie
Giorgos Stathakis, ministre grec de l'Economie, revient sur les négociations avec les créanciers de son pays.

LA TRIBUNE - Comprenez-vous la décision du FMI et des créanciers de refuser la proposition grecque du 22 juin ?

Giorgos Stathakis - Non, je ne la comprends pas. Notre proposition reposait sur une approche plus équilibrée de la consolidation budgétaire en termes de justice sociale. C'est pourquoi nous voulions mettre davantage à contribution les riches et les grandes entreprises qui ont été épargnées par l'austérité. Le FMI et les Européens ont insisté pour obtenir des baisses des pensions de 10% de plus, alors qu'elles ont déjà été baissées de 40% depuis 2010.

Vous percevez cette demande comme une volonté d'humilier le gouvernement grec ?

J'ignore s'il y a une volonté d'humilier, mais la Grèce est fortement engagée dans une volonté de trouver un accord. Notre proposition de cette semaine l'a montrée. Mais il faut trouver une solution qui soit rationnelle.

Cette « rationalité » inclut-elle nécessairement une restructuration de la dette publique grecque ?

Oui, c'est une des clés de l'accord selon nous. Pour la période 2015-2018, il faut une solution pour la dette détenue par la BCE et le FMI afin de réduire les excédents primaires nécessaires et favoriser une reprise de l'économie. A plus long terme, à partir de 2022, lorsqu'il faudra rembourser les pays européens, le montant des remboursements est insoutenable : 20 milliards d'euros en 2022, 28 milliards d'euros en 2023... Il faut donc trouver un accord pour assouplir ces remboursements et les rendre plus réalistes.

Le 30 juin, serez-vous en mesure de rembourser le FMI ?

Nous trouverons une solution. Nous avons payé le FMI en avril et en mai.

Madame Lagarde a assuré qu'il n'y aurait pas de « période de grâce » en cas de non-paiement...

Je ne suis pas impressionné par ces déclarations. Mais je pense que la balle est désormais dans le camp de nos partenaires européens.

Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent d'avoir perdu cinq mois en négociations inutiles ?

En février, nous aurions dû accepter la cinquième évaluation de la troïka et cela était inacceptable pour nous. Nous avons donc cherché à obtenir une approche plus équilibrée, ce que le 20 février, les dirigeants européens ont accepté. Il nous fallait donc ensuite négocier les termes de cette nouvelle logique.

Beaucoup vous reprochent également de n'avoir pas engagé de vraies réformes depuis votre arrivée au pouvoir ?

Nous avons réformé en cinq mois davantage que les gouvernements précédents en cinq ans. Nous avons établi un ministère spécifique en charge de la corruption et qui mène un travail très sérieux sur les questions d'évasion fiscale. Nous avons d'ailleurs signé sur ce sujet un accord avec la Suisse [l'accord est en discussion, Ndlr]. Dans d'autres domaines, un travail de préparation a lieu, mais la réforme de l'administration publique est engagée avec, comme priorité, l'indépendance de cette dernière face à l'influence politique. Nous l'avons déjà réalisé dans le domaine du système éducatif. Nous réfléchissons aussi à une simplification administrative. Il y a donc une vraie politique de réformes qui est guidée par la volonté de mettre fin au clientélisme politique. Et il y en aura encore beaucoup plus si un accord est trouvé...

L'économie grecque souffre d'un manque cruel de liquidité. Un accord suffira-t-il à faire revenir la croissance, malgré les mesures d'austérité qui semblent inévitables ?

Nous avons essayé dans notre proposition d'éviter l'austérité par la coupe dans les dépenses. Notre idée, c'est que l'ajustement budgétaire soit le plus modéré et le plus juste possible. Dans ce cadre, je pense que nous pouvons compter sur un rythme de croissance positif pour 2015 même et encore plus fort en 2016. Je constate, du reste, une forte demande d'investissement dans le tourisme, l'industrie extractive, les services ou l'immobilier. La croissance grecque a un fort potentiel, mais il faut un accord avec les créanciers.

La BCE a continué à fournir des liquidités aux banques grecques. Cette situation va-t-elle se poursuivre tant que les négociations se poursuivent ?

Je suis confiant quant à la volonté de la BCE de soutenir le financement des banques grecques pendant la période de négociation. Evidemment, s'il n'y a pas d'accord, ni les Européens, ni les Grecs ne savent de quoi sera fait le jour d'après. Comme l'a dit Mario Draghi, on n'entrera alors dans des « eaux inconnues. »