Pour s'affranchir du gaz russe, une connexion gazière entre la France et l'Espagne est "cruciale" (Von der Leyen)

Par latribune.fr  |   |  636  mots
A l'occasion d'un discours à Barcelone, la présidente de la Commission européenne a de nouveau appuyé en faveur du projet gazier MidCast entre l'Espagne et la France. (Crédits : Reuters)
Alors que l'UE cherche à réduire sa dépendance au gaz russe, la présidente de la Commission européenne a de nouveau appuyé en faveur du projet MidCat, qui permettrait à Bruxelles de faire transiter les importations de GNL par l'Espagne. Mais la crise diplomatique entre l'Algérie et le Maroc fragilise la relance de ce projet lancé en 2013 abandonné en 2019.

Tous les moyens sont bons pour tenter de réduire la dépendance européenne à l'énergie russe. Ce vendredi, Ursula von der Leyen, a relancé le débat autour du projet d'interconnexion gazière entre la France et l'Espagne, interrompu en 2019. Baptisé MidCat, il est jugé "crucial" par la présidente de la Commission européenne.

"Aujourd'hui, toute l'Europe s'accorde à dire qu'il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles russes", a-t-elle rappelé à l'occasion d'un discours à Barcelone aux côtés du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. "C'est essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques et mettre fin au chantage du Kremlin", a-t-elle ajouté, insistant sur le plan "Repower UE" sur lequel les 27 se sont mis d'accord. Dans le cadre de ce plan, "nous privilégierons les projets transfrontaliers, comme par exemple la liaison cruciale entre le Portugal, l'Espagne et la France", a indiqué la présidente de la Commission, soulignant "l'importance géopolitique" de cette interconnexion. "Il faut le faire maintenant", pour "nous libérer des menaces russes", a-t-elle justifié.

Diversifier l'approvisionnement en GNL

Lancé en 2013 entre la Catalogne (nord-est de l'Espagne) et le sud-est de la France, le projet MidCat (pour Midi-Catalogne) permettrait ainsi à l'Europe de diversifier ses sources d'approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL). Bruxelles espère en effet faire transiter les importations de GNL par l'Espagne, qui dispose de six terminaux gaziers (installations portuaires qui permettent de regazéifier et de stocker le GNL), soit le réseau le plus important d'Europe. Un objectif atteignable seulement si le réseau gazier ibérique est mieux relié au reste de l'Europe. Car l'Espagne ne possède actuellement que deux connexions avec les gazoducs français, à Irún (Pays Basque) et Larrau (Navarre). Or, ces pipelines n'ont qu'une faible capacité de livraison.

C'est donc pour combler ce manque qu'a été pensé le projet MidCat, dont le coût avait été évalué à plus de 440 millions d'euros. Mais ses travaux ont été interrompus en 2019, faute d'accord sur le financement du projet et en raison de l'opposition de mouvements écologistes. Depuis, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a rebattu les cartes et le gouvernement s'est finalement dit favorable à la reprise du projet tout comme la Commission européenne. Madrid a toutefois insisté sur le fait que cette interconnexion devra aussi concerner le transport d'"hydrogène vert". Autre condition de l'Espagne : que le coût des travaux ne soit pas supporté par les contribuables espagnols, étant donné qu'il s'agit d'un projet destiné aux consommateurs du reste de l'Europe.

Conflit diplomatique entre l'Espagne, le Maroc et l'Algérie

Un autre point vient fragiliser la reprise du projet destiné à faire entrer en France le gaz provenant d'Espagne. Depuis octobre, l'Algérie, en conflit avec le Maroc au sujet de l'épineux dossier du Sahara occidental, a cessé d'approvisionner son voisin via le Gazoduc Maghreb Europe (GME), qui relie l'Espagne à l'Algérie. Or la décision de l'Espagne de permettre au Maroc d'acheter du GNL sur les marchés internationaux, de se le faire livrer en Espagne où il sera regazéifié avant d'être acheminé au Maroc via le GME, a provoqué la colère de l'Algérie. Alger a menacé fin avril Madrid de rompre le contrat de fourniture de gaz qui lie les deux pays si Madrid venait à l'acheminer "vers une destination tierce", une référence implicite au Maroc. Pour tenter de calmer son fournisseur, l'Espagne s'est voulu rassurante, affirmant qu'"en aucun cas le gaz acquis par le Maroc ne sera d'origine algérienne".

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Au-delà de la crise diplomatique à laquelle l'Espagne se retrouve mêlée, l'Europe devra aussi s'atteler au renforcement du réseau gazier intérieur français afin de pouvoir livrer aux autres pays de l'UE le gaz venu d'Espagne.

(avec AFP)